Physiologie du prédestiné
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Physiologie du prédestiné , livre ebook

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Description

Extrait : " Ainsi les prédestinés qui sont l'objet de ce petit livre ne sont pas précisément les mêmes que ceux auxquels le paradis est réservé. Au contraire, car on a dit avec beaucoup de vérité que Paris est le paradis des femmes et l'enfer des maris..." À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN : Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants : Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin. Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 24
EAN13 9782335054132
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335054132

 
©Ligaran 2015

Deus nobis hæc otia fécit.

UN CÉLIBATAIRE.
Souvenez-vous d’abord que le mot prédestiné dérive en ligne directe du verbe grec χωχυω, je gémis, auquel prend également sa source le fleuve infernal appelé cocyte , par les anciens prédestinés.
Ainsi les prédestinés qui sont l’objet de ce petit livre ne sont pas précisément les mêmes que ceux auxquels le paradis est réservé. Au contraire, car on a dit avec beaucoup de vérité que Paris est le paradis des femmes et l’enfer des maris. Or, mon prédestiné habite l’univers en général, mais Paris en particulier. Un écrivain qui n’a plus de réputation parce qu’il ne publia pas de feuilletons, et parce qu’il se laissa mourir il y a quelque trois siècles, messire Jean de Nevizan, a fait aussi sa Physiologie du Prédestiné sous ce titre : la Grande Forêt nuptiale . Messire Jean a herborisé avec autant d’esprit que de naïveté dans cette forêt, où il a inventorié jusqu’aux prédestinés en herbe. Je vous engage à y faire une promenade avec lui : vous serez émerveillé de la richesse de végétation qui régnait dans cette forêt, dès le commencement du seizième siècle. Si le Paris d’alors eût occupé autant d’espace et réuni le même nombre d’habitants qu’aujourd’hui, messire Jean n’aurait pas manqué de vous signaler la grande ville comme le fourré le plus giboyeux de sa forêt, comme le repaire de tous les cerfs, chevreuils et autres bêtes de France et de Navarre.
Je pourrais vous dire sur ce point bien des choses et beaucoup d’autres encore ; mais j’ai tant d’infortunes à vous raconter dans un si petit cadre qu’il faut abréger. Aussi entreprendrai-je moins un cours d’anatomie qu’une étude philosophique ; je serai sobre de portraits, pour être prodigue d’anecdotes.
– Si quelque lecteur exigeant ne se contente pas de la silhouette des prédestinés, et veut absolument contempler la physionomie de tous et de chacun jusque dans ses moindres détails, je suis trop poli pour l’engager à consulter son miroir, mais je le prie de jeter les yeux sur ses voisins ; à droite, à gauche, au-dessus, au-dessous de lui, partout : son envie sera satisfaite. À quoi bon prendre tant de soin pour mettre la dernière main à de simples copies quand il y a surabondance d’originaux ? Dramatiser les personnages c’est faire de la morale en action : telle est la tâche que nous nous imposons. Que Dieu et les femmes nous soient en aide, et que le prix Monthyon nous récompense !
Balzac, le grand Balzac, ou plutôt le gros Balzac, a consacré un chapitre aux maris qui, à raison de leur caractère ou de leurs fonctions, lui paraissent plus particulièrement et plus fatalement voués que le commun des martyrs à certaine mésaventure conjugale. Une pareille classification est une atroce injustice, contre laquelle bien des gens ont le droit de protester : tous les hommes sont égaux devant le mariage ; quels que soient leurs titres et leur rang, tous ils peuvent hardiment prétendre à la prédestination, car tous ils sont nés pour gémir, selon les vrais principes du christianisme, considérablement réformé par les femmes.
Toutefois, il en est, peut-être, plus qu’on ne le pense qui se ferment le paradis des prédestinés, ne fût-ce qu’en envoyant leurs femmes à tous les diables, pour s’y faire désirer. Mais Dieu et M. Lhomond n’ont-ils pas inventé l’exception pour confirmer la règle ?…
Afin de ne pas offenser les oreilles chastes, j’appellerai prédestinés ceux que l’immortel auteur du Misanthrope et l’auteur encore très mortel des Trois Culottes ont appelés de leur véritable nom. Il fallait être Molière ou M. Paul de Kock pour se permettre une pareille incartade contre l’ honnêteté de la langue française.
J’entends d’ici les immoraux, eh, qui n’est pas immoral aujourd’hui ! – me crier : « Lâchez donc le mot ! » – Quelle nécessité, je vous prie ? Certain proverbe recommande de ne point parler de corde dans la maison d’un pendu : combien de maris dresseraient les oreilles si je prononçais les deux affreuses syllabes qui doivent briller dans ce livre par leur absence ! Lecteur, mon ami, je vous respecte trop pour vous dire ce que vous êtes.
J’ai eu l’avantage de connaître, il y a trois ans, un fort beau et très aimable garçon, qui répondait au nom de Cocu (ne rougissez pas, mesdames, c’est un nom propre). Son père, breton dans l’âme et descendant en ligne directe des Cocu de Kermaradec, avait dignement porté ce nom comme ses ancêtres, et mon pauvre ami faillit d’être déshérité pour avoir pris, en se mariant, le nom de Kermaradec tout court. N’avons-nous pas eu en France, lui disait l’auteur de ses jours, des Cochon fort nobles jusqu’à cette impie et abominable révolution de 1789 ?… Il en reste encore aujourd’hui.
Tant qu’il était resté célibataire, mon ami avait bien pu affronter le ridicule et subir les inconvénients de son nom. Il prit même plus d’une fois le malin plaisir de répondre comme Arnal, mais a parte ; à certains maris qui le désignaient par son nom tout court : Vous en êtes un autre !… Et, de notre côté, nous nous amusions souvent à l’appeler à haute voix dans les rues pour nous donner la satisfaction de voir tous les maris qui passaient lever les yeux et même la canne sur nous… s’ils l’eussent osé.
– Sot ! me dit un jour à ce propos certain passant à perruque et à décorations.

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