Plafonds
186 pages
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Plafonds , livre ebook

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Description

Chaque nouvelle de Julie Jalaguier met en scène des personnages en quête de reconnaissance, qui se cherchent, se trouvent ou se perdent à jamais. Tel un fil rouge parcourant le recueil, le plafond est l'élément métaphorique qui reflète leurs états d'âme changeants. Il prend parfois la forme d'un repère rassurant, mais peut aussi dissimuler une fissure ou une tache gênante. Le sentiment de solitude met à l'épreuve plusieurs protagonistes, aux prises avec des désirs inassouvis. Certains d'entre eux parviennent à y échapper, comme dans la nouvelle sur les retrouvailles d'une mère célibataire avec son amant ou grâce au plaisir charnel. Pour la plupart pourtant, l'isolement forcé ou subi est source de nostalgie, voire d'un inconsolable chagrin. C'est le cas du petit garçon malheureux devant le spectacle de ses parents en train de se déchirer, de la jeune femme traumatisée par une agression sexuelle, ou encore de l'homme sur son lit de mort. Avec sensibilité, sans jamais tomber dans le pathos, l'auteur s'intéresse aux êtres qui oscillent sur la frontière ténue d'émotions contradictoires.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 06 octobre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782334215923
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-21590-9

© Edilivre, 2016
« Je ne vis pas comme ils vivent
Je ne pense pas comme ils pensent
Je n’aime pas comme ils aiment
Mais je mourrai comme ils meurent. »
Marguerite Yourcenar, L’invention d’une vie de Josyane Savigneau
Prologue
Un bruit sourd. Puis plus rien. Le noir le plus complet. Le silence enfin.
Je ne vois rien. Des pas semblent résonner au-dessus de ma tête.
Je ne vois rien. Et je ne peux quasiment pas bouger. Le plafond est si bas que je le caresse parfois des mains pour m’assurer qu’il n’est pas descendu encore un peu plus.
Il n’est que rarement lisse. Il est tantôt tranchant, tantôt rocailleux. Il est anéanti.
Il m’intrigue autant qu’il m’effraie. Parfois je l’entends glisser. En quelque sorte.
J’essaye de me mouvoir dans cet espace noir, envahissant, étouffant.
Lorsque je tends mon bras vers la droite, je sens un filet d’air caresser mes doigts, sans pouvoir en saisir sa provenance.
Lorsque je tends le gauche, par contre, je suis bloqué par un mur poussiéreux et friable.
Quant à mes jambes, je ne peux me mettre debout. J’ai essayé mais il m’est impossible de me lever sans être plié en deux. Et pour aller où ?
Je touche mon corps. Je n’ai rien.
Quelques égratignures. Du sang séché, par-ci, par-là. Mais je n’ai rien.
Mes oreilles sifflent par moment. Comme si une cantatrice s’était réveillée soudainement pour me chanter ses échauffements avant la représentation. Et puis…
Chut, j’ai entendu quelque chose !
Ne panique pas. Ne panique pas.
Moi qui avais si peur du noir étant enfant, j’y suis maintenant confronté pour de vrai.
Ce noir enveloppant me donne l’impression de faire mouvoir l’espace autour de moi en le rapetissant minute après minute.
Quelle heure est-il d’ailleurs ? Depuis combien de temps suis-je ici ? Et surtout où suis-je ?
Que s’est-il passé ? Respire. Respire. Respire.
Je caresse le plafond. Je le vois. Mes doigts sont devenus mes yeux.
Il n’a pas bougé. Il est froid. Parfois humide. Je commence à reconnaitre chacune de ses aspérités, comme le corps d’une femme que j’ai aimé. A certains endroits je sens des barres métalliques s’en échapper. C’est comme s’il avait été transpercé et je ne sais, ni comment, ni pourquoi il s’est mis au-dessus de moi comme pour me protéger.
Je crois que je lui parle des fois. Ou est-ce avec moi-même que je converse ?
Je n’arrive pas à remettre les évènements dans leur contexte. Ma mémoire se coupe et s’entrecoupe dans des souvenirs d’enfance tantôt joyeux, tantôt amers. Des visages m’apparaissent pour s’évaporer aussitôt. Une odeur me titille les narines et me plonge dans d’autres méandres de ma vie. Tout est décousu. Rien n’a de sens.
J’ai cinq ans, puis trente, puis dix. Qui suis-je ?
J’entends de nouveau des bruits. Petits. Bas. Comme mon plafond.
Je ne bouge pas. Je bloque ma respiration. Je me dis pourtant que ma réaction est étrange. Pourquoi je ne me manifeste pas ?
Je suis enseveli. Je le sais.
Je sais aussi que plus les heures vont s’étendre, plus je vais ressentir la faim, la soif et surtout le manque d’oxygène. Je me demande d’ailleurs s’il serait préférable de mourir d’inanition ou d’asphyxie. Me serais-je résigné ? Aussi vite ? Étrangement je réalise que je n’ai pas froid.
Le sol vibre au loin. Des cris étouffés viennent m’envahir.
Des cris de joie ? Des cris d’horreur ? Je n’arrive pas à les distinguer.
Espoir et détresse sont souvent les deux faces d’une même pièce.
Je me recroqueville sur moi-même. J’ai peur. J’ai l’impression d’être un petit garçon qui s’est perdu sur le chemin des années passées. J’essaye de me calmer. Je réfléchis. Que peut-il m’arriver de pire que ce que je suis en train de vivre en cet instant ?
Rappelles-toi, rappelles-toi. Commence par la base. Je m’appelle… Arthur. Oui c’est ça. Mon père était historien et ne cessait de me conter les aventures des chevaliers de la Table ronde. J’ai grandi avec deux sœurs. Ma mère nous a quittés lorsque nous étions jeunes.
J’ai… quarante et un an depuis… Je m’en moque. Ce n’est pas ce qui est important.
D’accord, j’ai mon prénom, mon âge.
Qu’est-ce que je sais faire ? Non. Qu’est-ce que j’aime faire ?
Raconter des histoires. Oui. Comme mon père. Sauf que les miennes sont contemporaines et souvent périlleuses. J’ai des missions à faire, des papiers à rédiger et j’utilise souvent des caméras cachées. Aimerais-je faire face à la mort ? Est-ce pour cela que je l’accepte telle qu’elle pourrait se présenter à moi d’ici les prochaines heures ?
Mais quelque chose ne colle pas… Elle me l’a annoncé à mon anniversaire. Les larmes aux yeux. Je… Je vais… être papa. C’est ça ! J’ai voulu démissionner mais une dernière enquête m’a été demandée car j’avais déjà des contacts fiables sur le terrain. Il s’agissait aussi de passer le relais à une de mes pairs. Une collègue qui m’a accompagné. Une jeune recrue. Pleine d’entrain. C’est elle qui me remplacerait. Elle a l’esprit vif. Où est-elle ?
Je commence à crier. Laura ! Laura ! Je suis étonné par le son de ma voix. C’est comme si je ne la reconnaissais pas, comme si je la découvrais pour la première fois. Pas de réponse.
La détonation. L’hôtel… Nous étions à l’hôtel.
Chacun dans notre chambre à rédiger notre rapport de la journée.
Je dois sortir de là. Il faut que je la retrouve et qu’on rentre chez nous.
Les bruits continuent de résonner au loin. Je me mets à quatre pattes et j’avance doucement. Le plafond me donne une sorte de repère. Tant qu’il sera au-dessus de moi je me sentirais protégé. Mes mains caressent d’abord le sol avant de continuer plus avant. J’évite ce qu’il me semble être une crevasse. Je suis effrayé. Mon cœur bat si fort, si vite mais je me dois de me rapprocher du bruit. Soit je meurs ensevelis ici, soit je meurs entre les mains de ceux qui me trouveront, soit… Leïla… Nous voulons l’appeler Leïla… Elle aura mes yeux et le sourire de sa mère… Je vais sortir de là. Quoi qu’il se passe je vais sortir de là.
Je ressens le manque d’air. Je suffoque. Mes bras tremblent. Pendant quelques secondes je m’arrête. Et je me sens m’évanouir…
Je me réveille. Lentement. Je me rappelle de tout maintenant. Il fait toujours aussi noir. Je n’ai plus peur. Je me sens vivant et je ne me laisserai pas vaincre par cette noirceur. Les bruits… Où sont les bruits !? Je m’accroupis et touche le plafond. Je le pousse de toutes mes forces. Je lui cri de se pousser, de me laisser sortir.
Je hurle à l’aide, je ne sais pendant combien de temps. Je ne veux pas baisser les bras. Je ne veux pas. Je n’en ai pas le droit. Je sortirais de là. Je pousse. Le plafond ne scille pas une seule fois. Je m’allonge sur le dos et cogne avec mes jambes. Je cogne encore et encore. J’ai mal. J’ai peur. Je pleure mais je ne perdrais pas confiance. Je veux croire que je vais sortir de là, coûte que coûte. Je frappe, je crie encore et encore.
De la poussière commence à me tomber sur le visage. J’ai l’impression d’être pris dans un sablier. Je me protège la tête à l’aide mes bras. Je me recroqueville. Serait-ce la fin ? A force de l’avoir rejeté le plafond va s’écrouler de tout son poids sur moi.
Ce sera rapide. Je ne sentirais peut-être rien. Pitié prenez soin de ceux que j’aime.
Je ferme les yeux…
La poussière devient gravillon. La poussière devient rafraichissante… Je sens de l’air.
Des rayons de lumière m’aveuglent. J’entends une voix de femme. Je la reconnais. C’est elle.
Je l’entends. Et je commence à la voir. J’ai mal aux yeux mais je sens la main tendue. Je l’attrape et me retrouve soulevé de terre. Des hommes parlent autour de moi. D’autres applaudissent. Je sens des mains me caresser le dos.
Elle me serre dans ses bras. Elle me chuchote qu’elle m’aurait cherché pendant des années s’il l’avait fallu. Ce n’est pas pour rien qu’elle serait ma remplaçante. Elle comme moi nous avons toujours aspiré en un monde meilleur. Nous avions la conviction que nous pouvions faire avancer les choses à notre échelle.
– Je savais que tu garderais espoir. Il est temps de rentrer chez toi maintenant, me dit-elle.
Face à face
* *       *
 
Toujours le même plafond.
Toujours le même lustre scintillant sous la lumière tamisée.
Toujours la même sensation.
J’aimais pourtant ce luxe à une époque. Lorsqu’il me bousculait sur le lit avec ardeur, son souffle cadencé réchauffant ma joue.
Nous nous donnions rendez-vous dans le plus bel hôtel de la ville pour y passer une nuit.
Unique.
Il n’était qu’à moi. Je n’étais qu’à lui.
Il me caressait la joue de sa main rugueuse. Une main qui avait vécu, souffert, joui, aimé.
Il la passait sur ma nuque et jouait avec mes cheveux bouclés tout en me regardant. Il la laissait ensuite glisser dans mon dos.
Il tirait sur les rubans de ma robe bleu satiné, celle qu’il aimait tant.
Il redessinait mon corps que je redécouvrais à chaque fois.
Je l’attrapais alors par la cravate et l’embrassais langoureusement. Les boutons de sa chemise n’opposaient aucune résistance.
Passionnés. Plus rien n’existait. L’effet de deux amants enlacés.
Combien de temps cette rêverie a-t-elle duré avant de mourir ?
Un moment. Il n’était pas heureux, j’étais seule, je ne voulais pas m’engager.
Et puis les rencontres se sont rapprochées, nous déshabillions nos émotions petit à petit.
Nous nous retenions lentement.
C’était doux. Léger. Parfumé.
Il a annulé. Un jour. Ce jour. Sans dire un mot. Très bien. Je ne voulais pas d’attaches, n’est-ce-pas ?
Il a eu des remords, pensant qu’il me devait une explication. Je ne voulais pas savoir, je ne voulais pas connaître cet univers, ces nuits sans lui, ces nuits avec elle. Sa femme.
Mais à qui d’autre pouvait-i

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