Les cendres bleues
88 pages
Français

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Les cendres bleues , livre ebook

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Description

Depuis 1976, Jean-Paul Daoust élabore son œuvre poétique autour de deux axes : d’une part, une poésie dont les thématiques relèvent de la culture populaire nord-américaine (Taxi pour Babylone ou Lèvres ouvertes); d’autre part, une poésie intimiste ayant pour thèmes principaux l’amour et les relations amoureuses présentées sous l’angle de la vie sexuelle (Les versets amoureux ou Fleurs lascives).


Les cendres bleues appartiennent à cette dernière facette de l’œuvre du poète. Poème-fleuve aux accents autobiographiques, qui connaît aujourd’hui sa septième édition depuis 1990, ce recueil est une intense plainte venue des profondeurs de l’enfance. Il prend l’aspect d’une longue confession constituée de haine et d’amour, de colère et de culpabilité, le tout culminant dans une douleur lancinante dont les mots transportent les accents :


Souvent encore dans l’eau
Le bleu de ses yeux éclate
M’humilie
Ses yeux braqués sur moi
Avant la grande envolée de son corps
L’opéra de son dos
Son sexe olympique


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 mai 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782896454716
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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Les
cendres
bleues /* Script */ /* Script */ /* Script */
Les Écrits des Forges, fondés par Gatien Lapointe en 1971, bénéficient
de l’appui financier du Conseil des arts du Canada et de la Société de
développement
des
entreprises
culturelles
du
Québec
(SODEC).
Illustration :
œuvre
de
Michel
Madore,
2003
Dépôt
légal:
troisième
trimestre
2020
Bibliothèque
et
Archives
nationales
du
Québec
Bibliothèque
et
Archives
Canada
ISBN: 978-2-89645-394-8
Dépôt
légal:
quatrième
trimestre
2022
(papier)
                   
deuxième
trimestre
2023
(epub)
Bibliothèque
et
Archives
nationales
du
Québec
Bibliothèque
et
Archives
Canada
ISBN: 978-2-89645-394-8
(papier)
ISBN: 978-2-89645-471-6
(epub)


©
2020,
Écrits
des
Forges
992-A,
rue
Royale
Trois-Rivières
(Québec)
G9A
4H9  

Téléphone:
819 
840-8492
ecritsdesforges@gmail.com
www.ecritsdesforges.com
En
librairie:
Diffusion
Prologue
1650,
boul.
Lionel-Bertrand
Boisbriand
(Québec)
J7H
1N7
prologue@prologue.ca


Avec
la
participation
du
gouvernement
du
Canada

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JEAN-PAUL
DAOUST

Les
cendres
bleues
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Les mots nous regardent
ils nous demandent
de partir avec eux
jusqu’à perte de vue
                      Gaston Miron
Propos sur Les cendres bleues  

Cette citation de Gaston Miron que j’ai fait enlu-
miner et placer bien en vue dans ma cuisine à
Sainte-Mélanie m’a toujours intrigué. Tout semble si
simple dans cet énoncé qui est pourtant terrible. J’ai
compris ces vers de Gaston Miron en écrivant Les cen-
dres bleues . Texte que je n’ai pas eu le choix d’écrire, et
qui m’a complètement happé sans que je ne m’en aper-
çoive. Comme quoi la poésie peut être une maîtresse
insidieuse, voire cruelle.
Les mots m’ont mené là où je ne pensais pas aller.
Et l’avoir su, je n’aurais sans doute pas écrit ce long
poème qui m’a amené au bord de la folie. Jamais je n’ai
pu aller si loin dans l’enfance, puits où je suis tombé
bien malgré moi. Ce sont les mots qui m’y ont jeté. Je
le répète : malgré moi. Je précise mon propos.
Quand j’ai commencé à écrire sur mon enfance, je
voulais faire un roman, ou une novella, parlant donc de
cette enfance, de son décor grandiose qu’est la baie
Saint-François à Salaberry-de-Valleyfield, laquelle se
jette avec générosité dans le fleuve. Je voulais décrire ce
décor
idyllique,
comme
l’est
souvent
un
souvenir
d’en-

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fance. Mais au bout de quelques pages, je sentais que
quelque chose n’allait pas. Je tournais en rond, autour
du pot comme on dit. À cause des mots, le décor sup-
posément idyllique s’est déchiré et le hangar est apparu
sorte de grotte où m’attendait toujours le Minotaure, ce
jeune homme qui m’a initié à l’amour et dont les ren-
contres se sont succédées durant des années. J’ai été pris
de vertige. Ceci n’est pas une figure de style. Et dans ma
chute, les mots, paradoxalement, sont venus à ma res-
cousse. Un peu. Car, en les saisissant pour tenter de
faire du sens, d’organiser le chaos dans lequel je som-
brais, peu à peu, le déroulement anecdotique s’est mis
en place. Je ne pensais pas à la poésie. J’étais dans une
fièvre d’écriture qui, tel un tsunami, balaie tout sur son
passage. Plus j’avançais dans le texte, plus j’avais besoin
de repères, ou, si vous voulez, d’un refrain, d’une incan-
tation qui pouvait me délivrer de cette folie que j’étais
en train d’ausculter.
Mais je n’avais que six ans et demi
Ce mantra me guidait et me calmait, comme si, en
mettant un chiffre sur cette histoire, je réussissais à
m’inscrire dans une vraie réalité, tout en me déculpabi-
lisant. Alors la merveilleuse histoire qu’au début je
voulais mettre en page s’est transformée en une horreur
sans nom. Ce sont les mots qui m’y ont forcé. Et ce
sont aussi eux qui m’ont sauvé. Même la nuit, je rêvais
en mots, comme pour essayer de contrôler cette terrible
vérité que j’avais enfouie au plus profond de mes neu-
rones,
à
savoir
celle
d’un
enfant
abusé
sexuellement
par

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9

un beau et grand jeune homme durant des années.
Tout s’est efficacement mis en place, comme par un
enchantement maudit et Les cendres bleues   ont com-
mencé à prendre vie.
Je pourrais illustrer cette naissance avec plusieurs
anecdotes très précises, mais l’intérêt de ma communi-
cation ne repose pas sur elles. Mais je vais quand même
vous n’en raconter qu’une qui, je le crois sincèrement,
donne un éclairage précis de ma situation de poète
envoûté en train d’écrire ce long poème qui a bien failli
avoir ma peau.
Un soir, vers une heure du matin, alors que j’habi-
tais encore au parc Lafontaine, Mario, qui travaillait
alors à l’hôpital Saint-Luc sur un horaire de 16 heures
à minuit, est revenu de son travail et m’a trouvé enroulé
autour du dactylo tel un fœtus en transe. Je n’étais plus
là, totalement englouti dans le texte. Le temps et l’es-
pace s’étaient évaporés. J’avais six ans et demi et je
tremblais de frayeur, la tête pleine d’images, pleine de
mots. J’illustrais de façon exacte ce vers du jeune poète
belge Éric Piette: je me replie comme un oiseau / dans le
nid de l’enfance 1 .   En fait, j’étais retourné sur les bancs
d’école, mais, cette fois, je pouvais donner à l’enfant les
mots qu’il n’avait pas alors pour exprimer les sentiments
contradictoires qui le hantaient. Les mots ont permis
cet exorcisme.
Quand j’ai eu terminé mon long poème lyrique, j’ai
voulu
le
brûler.
Je
venais
d’acheter
un
Jotul,
cet
efficace

1  L’impossible nudité, Éric Piette, Le Taillis Pré, Belgique, 2014.

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foyer à combustion lente. (Je l’ai toujours d’ailleurs).
Puis je trouvais que le feu faisait trop référence au
poème. N’oubliez pas que l’enfant tue l’amant et le
brûle dans le texte. Alors j’ai jeté le manuscrit à la pou-
belle. Mario l’a ramassé, et m’a conseillé fortement de
l’envoyer aux Écrits des Forges où j’avais publié d’autres
recueils, car il trouvait, avec raison, que j’avais tellement
travaillé sur ce texte. Je rajouterais: tellement souffert.
The rest is history,   comme on dit. Prix du Gouverneur
général, diffusion publique de ce que j’avais enfoui au
plus profond de moi et que je voulais garder secret.
D’ailleurs, tous mes amis furent totalement surpris de
connaître cette histoire. Puis j’ai sombré dans une pro-
fonde dépression que je soigne toujours.
Alors le texte, c’est-à-dire les mots, qu’ont-ils donc
fait? J’ai l’air de mettre le blâme sur eux, mais, en étant
poète, avec quoi d’autre puis-je travailler? Les mots sont
un matériau qui, à première vue, semble objectif, voire
inoffensif, si on les regarde un par un, comme dans un
dictionnaire par exemple. Mais quand on les agence, là,
l’inattendu peut surgir au détour d’une formule, d’une
image tout à coup qui éclôt et qui en amène une autre,
puis une autre jusqu’à la perte de cette dite objectivité.
Mais nous savons que l’objectivité est un leurre, une
sorte de consensus qui huile les rouages sociaux, ce qui
n’a rien à voir avec l’art. Ou, comme le dit si bien
Danielle Fournier dans son magnifique recueil Effleurées
de lumière : pour tout révéler, ce livre aura pris forme
autour d’un mot perdu …

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11

La littérature, au sens artistique du terme, se
démarque des autres formes d’art, car l’écrivain se sert
d’un matériau commun à tous: les mots. Le peintre tra-
vaille avec les couleurs, les formats, le sculpteur avec les
matériaux, nobles ou pas, le musicien avec les notes,
mais l’écrivain, en partant, est loin de faire avec un
matériel original. Et cela devient sa force. Des millions
de personnes peuvent se promener avec un livre et,
maintenant avec les moyens technologiques de notre
époque, le livre voyage à la vitesse de l’éclair et ce, de
façon individuelle. Alors comment se démarquer du
langage quotidien, tout en le respectant? C’est là que le
style arrive et, pour certains, le génie. Les longues
phrases de Marie-Claire Blais se juxtaposent dans la lit-
térature aux poèmes haletants de Nicole Brossard. Les
mots engendrent des vagues sur lesquelles l’écrivain
surfe, au risque d’être englouti par elles.
Mais les mots restent l’apanage du quotidien. La lit-
térature les amène ailleurs. Alors les mots ouvrent leurs
coquilles et une perspective nouvelle apparaît. Je l’ai
vécu en écrivant Les cendres bleues.
Je le répète: je n’avais pas le projet d’écrire Les cen-
dres bleues . Si je l’avais eu, je crois que j’aurais tout fait
pour l’éviter. J’aurais trouvé mille raisons de le remet-
tre… Or, il y a des livres que nous n’avons pas le choix
d’écrire. Ces livres-là sont terriblement dangereux pour
l’écrivain. Mais comment devenir un meilleur écrivain
si vous évitez l’essence même de votre être, c’est-à-dire
votre
vécu.
Je
parle
de
poésie,
car
la
fiction
pour
moi
en /* Script */ /* Script */ /* Script */
poésie est toujours autobiographique. On m’a dit sou-
vent que je racontais ma vie et que je n’avais aucune
pudeur, ( t’es pas gêné!   comme me le répé-       tait sou-
vent une amie). Peut-être. Mais j’ai souvent dit que la
poésie est le journal intime de la planète et ce       jour-
nal-là passe d’abord par moi. Évidemment que je fais
aussi des textes qui ne relèvent pas nécessairement de
mon vécu. Quand même! Mais je trouve, pour moi en
tout cas, que les textes qui me définis

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