Quelques bonnes raisons d’aimer la mort
204 pages
Français

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Quelques bonnes raisons d’aimer la mort , livre ebook

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Description

À travers ce recueil de nouvelles, l’auteur nous fait partager les sentiments de personnages pour qui la mort est une libération, parfois même la seule solution à une situation qui les dépasse. Partez à la rencontre de cet adolescent qui ne voit pas d’intérêt à vivre la vie qui l’attend, de cet homme qui se bat contre le cancer, de cet autre qui préfère la mort à la honte familiale, tout comme celui prêt à donner une ultime preuve d’amour.


Bien souvent, la mort effraie, angoisse, elle reste taboue dans nos sociétés. On cherche à la fuir, à retarder sa venue. Pourtant, lorsque la mort permet de fuir une réalité qui ne nous convient pas, qui n’est pas celle que nous croyons mériter, elle est alors une délivrance, un recours face à notre liberté contrariée. Mais que se passerait-il si la science découvrait le moyen de nous rendre immortels ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 mars 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414045396
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-04537-2

© Edilivre, 2017
Remerciements
Je voudrais plus particulièrement remercier
Daniel, qui m’a prêté sa maison de famille au Portugal où l’inspiration ne m’a pas quitté.
Guillaume, José, Pat, qui sont partis trop tôt et m’ont donné envie d’écrire ce recueil.
La mort blanche
Au premier coup de ciseaux dans le bloc d’albâtre, ce dernier se brisa en deux. Toutes les personnes présentes dans l’atelier de Jean de la Huerta s’entreregardèrent. Les mines sombres et abattues trahissaient la lassitude ou la peur. L’incident s’interprétait comme un mauvais présage et plaçait la journée sous un bien triste augure. Jean resta stoïque, s’interdisant de manifester la moindre réaction qui laisserait supposer que l’événement l’inquiétât. Certes, l’albâtre se montrait parfois capricieux ! Toutefois, la cassure surprenait l’imagier recruté par Philippe de Bourgogne à prix d’or pour réaliser le tombeau de feu son père. De mémoire d’Aragonais formé à l’art funéraire burgondo-flamand chez les plus grands maîtres, on ne s’expliquait pareille mésaventure. La pierre semblait de belle facture. Elle provenait des carrières de Salins-les-Bains dont la saline fondait la puissance du duché et finançait ses visions expansionnistes. Jusque-là, nul client ne s’était plaint de la qualité de l’albâtre qui en sortait. Ce matériau, en raison de sa tendreté, permettait la façon de formes élaborées et de détails d’une infinie précision. Le polissage final rehaussait sa blancheur et donnait aux ouvrages une teinte immaculée proche du divin. Jean se reprocha brièvement de s’être réjoui et d’avoir cru, qu’enfin, allait débuter la taille des gisants qui couvriraient la sépulture de Jean sans Peur et de Marguerite de Bavière. C’était la deuxième fois que la roche se dérobait sous les coups de la destinée. Un fait si rare qu’il se refusait à convoquer la malchance. La succession de difficultés survenues depuis la signature du contrat conduisait sa raison sur des territoires imprécis, hors du pouvoir des hommes, sous l’emprise de quelques sorciers ou esprits maléfiques, qui s’ingénieraient à freiner l’avancée de sa tâche. Les termes de l’accord précisaient sans détour les exigences du commanditaire. Ils tenaient à la majesté du mausolée qui devait être au moins aussi somptueux que celui de Philippe le Hardi, érigé en modèle. Quant au délai, le duc octroya quatre généreuses années à l’achèvement de l’œuvre. Dès le stade de l’idée, le ver attaqua le fruit. La volonté ducale ne trouva un véritable écho que trente ans après l’assassinat qui ouvrit la succession. Le premier imagier embauché mourut avant même d’avoir choisi les pierres et près de treize années s’étaient écoulées depuis l’entame. Ce chiffre maudit entretenait la sensation maligne, l’impression qu’un suppôt de Satan rôdait autour de l’atelier. Et il restait tant à faire, en cet an 1456, fort engagé. La chambre des comptes du duché surveillait le déroulement des travaux et menaçait d’en tarir l’approvisionnement si le chantier continuait de s’étirer indéfiniment. Jean ne comprenait pas ce dépassement, lui dont la réputation ne souffrait pas la contestation ; son talent comblait les orgueilleuses espérances des ordres religieux. Ses retables magistralement exécutés ou ses pleurants si pleins d’humanité répandaient sa notoriété par-delà les frontières des royaumes. Il se promit de voyager en Lombardie où bouillonnait un sang neuf, qui révolutionnait les techniques et les arts. Une ère nouvelle s’annonçait. Il espérait y découvrir, au milieu de ce foisonnement, le moyen de rattraper son retard pendant qu’en son absence, les ouvriers exécuteraient les tailles ingrates.
Jean sentit qu’il devait parler et rassurer l’assemblée figée autour de la pierre fendue.
– Encore un bloc de piètre qualité ! Ils ne sont bons à rien ces carriers ! Je vais finir par extraire l’albâtre moi-même !
Les paroles rompirent le cercle de l’inquiétude et chacun retourna à son poste. L’ancienneté ou l’expérience décidaient de l’affectation à une tâche plutôt qu’à une autre. Les apprentis dégrossissaient le travail. Ils détachaient des morceaux aux dimensions suffisantes pour qu’après l’intervention du lapicide se formât une statuette d’environ deux empans de haut. Alors seulement, Jean intervenait. Ses mains dessinaient d’envoûtantes arabesques ; les copeaux et les poussières virevoltaient. De la masse informe apparaissaient des figures aux traits saisissants, des drapés amples, comme si son office animait du souffle de la vie, le minéral blanchâtre. Les pleurants symbolisaient le cortège funéraire rassemblant les différentes parties de la société bourguignonne. Du clergé aux laïcs – l’évêque, les enfants de chœur, les membres de la famille éplorée –, tous trouvaient une place. Après le lustrage final, ils rejoignaient les travées et les logettes triangulaires, qui garnissaient le pourtour du monument funéraire. Les arcatures au décor chargé et délicat demandaient une extrême dévotion que seul le maître possédait. Son art et sa foi autorisaient une si minutieuse exécution.
Lors de la pause, l’incident du matin alimenta les conversations des compagnons et suscita d’ardents commentaires. Les langues de vipère du duché colportaient les ragots, elles accusaient l’imagier de consacrer plus de temps à la prospection aurifère qu’à respecter ses engagements. Sornettes ! Même s’il détenait l’exploitation exclusive des mines d’or, d’argent et d’azur de Bourgogne, un privilège qui nourrissait les inimitiés et les jalousies, il ne procédait à aucune recherche depuis que les ennuis s’accumulaient. Il craignait bien plus la colère du duc que la réaction de naïfs et de crédules convaincus par le venin de quelques éminents bien en cour. D’autres bavards affublaient le sculpteur des oripeaux de l’alchimiste poursuivant la quête philosophale ; ils illustraient leurs propos en décrivant le four de l’atelier comme un athanor. Cette imagination l’amusait, au point que Jean l’encourageât par des réponses énigmatiques lorsqu’on le questionnait sur la présence de cet outil.
Parmi les novices dans l’art de la taille, Philippe était le dernier arrivé. Le maître l’avait arraché à la rue où il errait depuis sa fuite de la maison familiale. Refusant d’aller sauner comme nombre de jeunes du duché, il accepta sans hésitation la proposition de l’imagier qui offrait le gîte et le couvert. En sus, l’apprentissage de ce métier conduisait aux corporations, la garantie de gagner honorablement manger et coucher. Pétri de reconnaissance, il ne put s’empêcher de prêter l’oreille aux élucubrations de ses camarades. Ils évoquaient d’incessantes démissions, voire la disparition de certains d’entre eux.
– On ne l’a plus jamais revu… Cela débuta lorsque le premier bloc se fendilla…
Philippe dormait sur une paillasse dans un coin de l’atelier. Parmi ses attributions figuraient le rangement des établis et l’extinction des lumignons après que le dernier faiseur fût parti. Le soir de l’accident, il attendait que le maître veuille bien s’arrêter pour achever sa longue et rude journée. Jean veillait, souvent tardivement, aussi cela ne surprit-il pas l’apprenti, qui l’observa à la dérobée. Quelle légèreté de gestes et quelle précision ! pensa-t-il. L’Aragonais s’en aperçut, sourit et lui fit signe d’approcher.
* * *
Le lendemain matin, les premiers compagnons trouvèrent porte close. D’ordinaire, le jouvenceau les attendait sur le seuil, étalant sa joie et son entrain, un cérémonial chaleureux qui marquait leur arrivée. Aussi s’étonnèrent-ils de ne point recevoir l’accueil habituel. À l’intérieur, ils ne purent que constater son absence. Ils crurent d’abord qu’il dormait encore, aviné, après une nuit de débauche. Sa frêle silhouette ne ronflait nulle part. Ils fouillèrent le quartier pensant le trouver écroulé sous un porche ou adossé contre un mur, à un pâté de maisons de là. Leur tentative ne connut pas le succès. De retour à l’atelier, ils finirent par admettre la disparition de Philippe. Ils glosèrent sur l’existence d’une gueuse qui l’avait attrapé à l’appeau de ses appâts et se mirent à la besogne.
Ils n’y portèrent guère d’attention avant le déjeuner, pourtant, une nouvelle statuette complétait la procession. Lorsqu’ils s’approchèrent d’elle, la stupéfaction les frappa comme le tonnerre la cime du chêne. Certains reculèrent, d’autres détalèrent en hurlant à la diablerie.
On ne revit jamais ni l’apprenti ni le maître, Jean de la Huerta, qui laissa l’ouvrage inachevé. Il se murmura avec insistance dans le duché de Bourgogne que les visages de ses pleurants paraissaient vivants, étrangement vivants.
Un fugitif espoir
Brusquement le décor se figea, les éclats de verre s’immobilisèrent et demeurèrent en suspension dans l’air, la course des clients du bistrot s’interrompit et les corps statufiés d’où jaillissaient dans un désordre lumineux des traits incarnats parsemaient l’allée principale. Marianne qui patientait à une table – elle était toujours en avance à ses rendez-vous, fussent-ils d’une insignifiante importance – observa la scène.
Elle ne comprenait pas ce qui se passait, quel étrange phénomène la laissait hors du temps, spectatrice d’un drame inattendu, témoin d’une réalité qu’elle n’imaginait pas vivre à Paris. Dans son quartier ! Ce quartier qu’elle aimait tant. Ce quartier qui partageait sa vie depuis vingt ans. Elle l’avait arpenté dans ses moindres recoins, portée par l’allégresse des amants, le spleen des jeunes mamans et plus tard la colère des femmes trompées. Ce bistrot était son bistrot. Une deuxième cuisine et un lieu de convivialité. Il formait une de ces habitudes qui

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