Anita
48 pages
Français

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Description

Anita et Tony sont frère et soeur. Même si cela ne sevoit pas au premier abord, il s'aiment, en tout cas, ils se supportent.

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2013
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312013831
Langue Français

Extrait

Anita

Nathalie Elbot
Anita









LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-01383-1
Chapitre I
T ONY
Anita pleure, renifle, essuie ses larmes ; rimmel, fond de teint, rouge à lèvres, tout coule, tout se mélange, ça déborde, ça dégouline, elle en a partout. C’est sûr, son maquillage est foutu et ses yeux piquent, ils doivent être tout rouges, son nez aussi, elle doit être affreuse. En plus, elle n’a plus de mouchoirs pour réparer les dégâts et elle est toute décoiffée, affreuse, elle est affreuse ! C’est pas normal, c’est pas juste : tout lui tombe dessus en même temps, et l’autre crétin qui n’arrive pas, ça fait au moins un quart d’heure qu’elle sonne. Anita resonne, repleurniche, elle se met sur la pointe des pieds, essaie de voir quelque chose par le judas. Rien. Personne. Pas un bruit. Rien. Et cette entrée glaciale, grise, sinistre. Moche, c’est moche. Elle renifle encore une fois, soupire.
– Ah, non ! Pas ça, pas sur mon tailleur tout neuf, pas celui-là, pas le rose fus chia.
Anita se penche, gratte avec son ongle pour enlever la larme et ne fait qu’agrandir la tâche.
– M… !
Et la porte s’ouvre.
– Oui ?
Honteuse et confuse, définitivement rouge, Anita relève la tête :
– Heu… Je… Est-ce que Tony est là ? Je suis sa sœur, Anita.
La jeune femme, rousse, appuyée contre la porte, belle dans son jean et un pull, sans maquillage, la dévisage sans répondre.
– Mmm. Il est là.
Du fond de l’appartement, quelqu’un hurle :
– Qui c’est ?
Celui qui a posé la question finit par apparaître : torse nu, bronzé, avec un pyjama bleu pâle, sa poitrine et ses bras sont couverts de poils hirsutes et de dragons tatoués, rouges et noirs. Mais c’est surtout sa figure qui lui donne un sale air de vrai dur : sa lèvre supérieure pisse le sang frais qui dégouline du menton jusqu’à la poitrine, se mélange au dessin des dragons. En voyant sa sœur, Tony, puisque c’est lui, sourit tout en recouvrant le bas de sa figure avec sa main
– Anita, sororina ! Entre, viens. Il lui fait signe avec sa main libre.
Anita hésite, jette un œil sur la jeune femme, se faufile entre eux, s’engouffre dans l’appartement. La jeune femme, qui avait observé la scène sans un mot, toujours appuyée contre la porte, prend la parole.
– Bon. En tout cas, moi, je pars.
Tony, sans plus s’occuper de sa sœur, se tourne vers elle.
– On se revoit quand ?
Elle grimace, évasive :
– Je ne sais pas. Je suis occupée toute la semaine.
– Sans blague ! Et moi alors ? Je le suis pas ?
Elle s’approche de lui, sourit, avance la main et essuie le sang sur ses lèvres en disant doucement :
– Au revoir.
Et elle part. Tony la regarde, sans comprendre :
– Et c’est tout ? Tu pars ! Sans savoir quand on se revoit ?
– Oui.
Elle ne se retourne pas, commence à descendre les escaliers.
– T’as raison, après tout, fous le camp ! Je n’ai pas besoin de toi !
Il claque la porte, Anita sursaute. Le bruit des pas de la jeune femme décroît lentement. Ils restent là, sans se regarder, tendus, écoutant jusqu’au silence et plus longtemps encore. Tony se secoue enfin, se met à bouger et repart vers l’intérieur de l’appartement. Anita, qui n’a rien dit, qui s’est fondue dans un coin, s’affole, se remue, suit finalement son frère tout en retrouvant l’usage de la parole. Comme si elle n’avait pas parlé depuis trois jours, elle s’excuse, bafouille, raconte sa vie :
– Je suis désolée, je ne voulais pas te déranger. Mais je ne pouvais pas savoir, tu ne me dis jamais rien. Et puis si je suis venue, c’est parce que c’est grave. Tu comprends, sinon, si j’avais juste voulu te voir, je t’aurais téléphoné, j’aurais pris mes précautions, je t’aurais prévenu. Enfin, je ne suis…
Elle court, s’essouffle derrière lui tout s’excusant, en bafouillant. Il ne la voit pas, ne l’entend pas vraiment, il jure entre ses dents contre les femmes et manque de lui envoyer la porte de la salle de bains dans la figure. Elle s’arrête, se tait deux secondes, et aussitôt ouvre, entre, parle. Il grogne, fouille dans l’armoire à pharmacie à la recherche de coton, de pansements, d’alcool, etc. Tout le nécessaire pour se soigner quoi, et puis aussi une serviette, des ciseaux… En fait, il tourne en rond dans la salle de bains (si c’est possible dans une pièce carrée) en jurant pour passer sa colère. Anita, elle, le suit et continue à parler :
– Ecoute, vraiment, je suis désolée, je sais, je n’aurais pas dû venir, pas sans te prévenir, mais, tu sais, il faut que tu m’aides.
Tony finit par lui rentrer dedans. Ils s’arrêtent tous les deux, interrompus dans leur course. Tony souffle un grand coup et se met à hurler :
– Ahaaaa ! Arrête ! Tais ! Mets-toi dans un coin, fous-moi la paix ! Tu m’énerves, tu me casses les oreilles ! Oh et puis tu l’auras voulu…
Il la soulève, la pose sur le lave-linge et reprend sa course… Anita, complètement affolée, muette enfin, se tait en oubliant de fermer la bouche. Elle le suit des yeux. Soudain, les larmes se remettent à couler ; cette fois, Anita ne fait aucun effort pour les essuyer, elle les laisse descendre le long de ses joues. Tony a enfin terminé ses allers et retours. Il s’arrête devant la glace et soupire. Il l’entend pleurer même si elle essaie de ne pas faire de bruit. Il aspire une grande bouffée d’air, se baisse, glisse contre la baignoire, s’assied, la tête dans les genoux, en jurant tout bas. Anita en le voyant, arrête de pleurnicher. Elle sort une cigarette de son sac et s’énerve sur son briquet en reniflant un peu. Elle ne réussit pas vraiment à vaincre le tremblement de ses mains. Elle sait que Tony l’écoute. Mais tout de même, elle finit par tirer une bouffée, la tête en arrière pour éviter la fumée. Elle jette un œil sur son frère, attend. Tony, dans le silence, il a arrêté de jurer, relève la tête :
– Tu peux m’en passer une, s’il te plait ?
Elle lui lance le paquet.
– Merci.
Pendant qu’il en choisit une et qu’il la met dans sa bouche, Anita descend précautionneusement de son perchoir, sous le regard malicieux de son frère. Elle aperçoit son sourire ironique, elle lui tire la langue en guise de réponse. Tony éclate de rire. Anita sourit, rit presque en s’asseyant à côté de lui. Elle lui tend son briquet, allumé.
– Merci.
Un silence.
Il ne la regarde pas, murmure : "Pardon".
Il pose sa tête sur l’épaule de sa sœur et ferme les yeux.
Une longue minute s’écoule. Anita a fermé les yeux, elle aussi.
– C’est Pedrito ?
– Oui.
Pedrito, c’est le mari d’Anita.
– Je vais lui faire la peau.
– Tony, non…
Elle n’a pas le temps de continuer : on sonne.
– J’y vais, bouge pas.
Tony se lève, il ouvre la porte et s’aperçoit dans la glace de l’entrée. Il en sourit.
– Ca va, je suis presque présentable.
Le sang a séché et ne coule plus. On devine les traces de dents cachées dans la barbe naissante. Avant d’ouvrir, il passe dans sa chambre enfiler un pull. Arrivé devant la porte, il regarde par le judas et sourit avec un air franchement méchant. Il ouvre.
– Tiens, tiens, quel hasard, ce cher Pedrito.
La main appuyée sur le chambranle, de sorte que son corps bloque l’entrée, Tony attend en souriant, si on peut appeler sourire la grimace qui découvre ses dents.
– Hum, salut Tony.
Le pauvre homme passe un doigt dans son col, essaie de sourire mais ne peut s’empêcher de suer à grosses gouttes. Il est petit et gros, laid et puant. Tout ce que Tony adore s’envoyer chaque matin au petit-déj’.
– Hum, Anita est là ?
– Oui.
– Hum, bien, heu, … Ecoute, elle t’a sûrement raconté des tas de trucs sur moi. Mais bon, les femmes, hein ! Tu sais ce que c’est !
Il lui lance un clin d’œil de connivence.
Tony ne bouge pas.
– Elle ne m’a rien dit.
– Ah… Oui, tu sais, y’a rien de grave entre nous. C’est juste une petite dispute comme y’en a dans les couples.
– Je comprends.
D’ailleurs, il hoche la tête avec tellement de conviction que Pedrito respire un peu mieux et sue un peu moins.
– Et son œil au beurre noir ?
– Bin… Elle s’est cognée.
Cette fois, Pedrito sort son mouchoir pour essuyer la sueur qui s’est remise à couler sur son visage et dans son cou. Il n’ose plus regarder Tony en face, il lui lance des coups d’œil rapides et fréquents
– T’as cinq secondes pour disparaître de sa vie.
– Mais, Tony, je …
– 1… 2…
Tony se met lentement à compter en se redressant, menaçant. Il prend visiblement un certain plaisir à voir son beau-frère se décomposer.
– 3… 4,5. Fini !
– Attend ! Mais …
– Grr… Rouaaarrrr !
Tony s’est jeté en avant les mains en l’air, pliées comme des griffes, la bouche grimaçante, en hurlant. Position si effrayante qu’elle remplit de terreur Pedrito qui recule, trébuche, s’enfuit en vitesse. Tony le poursuit jusque dans l’escalier,

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