C est Nouadhibou...
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C'est Nouadhibou... , livre ebook

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Description

Lente et caricaturale dérive à Nouadhibou (Mauritanie), où prisonniers d’une administration corrompue, deux occidentaux se débattent dans un voyage plus existentiel que touristique.

Informations

Publié par
Date de parution 18 juin 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312011318
Langue Français

Extrait

C’est Nouadhibou…

Marcus Balt
C’est Nouadhibou…













LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-01131-8
Avant-Propos
Qui ne sait pas tirer les leçons de 3000 ans vit seulement au jour le jour.

Goethe
L’arrogance
On bringuebale sur cette piste affreuse depuis vingt kilomètres au moins, et toujours rien, rien que ce sable sournois et gourmand qui ne cherche qu’à nous avaler. Le poste marocain est derrière nous, c’est déjà ça, le reste serait négligeable s’il n’y avait ces mines fourbes qui enserrent cette voie pour nous contraindre à lui rester fidèle.
Nous sommes en zone militaire depuis Dakhla. Une cochonne celle-là, on la pénètre à regrets, à reculons, aveugle, et puis on fuit, c’est obligé. La route du sud fut mauvaise, on l’oubliera, un vaste condensé de dégoûts, des salissures quoi.
Le sable est bien trop tendre ici, il en devient vicieux. Il abonde de partout, jusqu’à nous envahir, du corps à la tête. On en avale. Le tracé de la piste est brouillon, on le devine parfois, ça rend les nerfs à vif de peur de se tromper. Ça serait fatal…
Nouadhibou, c’est une tension qui monte à mesure qu’on approche de son cœur, de son ventre. C’est beaucoup de fatigue, de chaleur, de soif aussi, et puis ce maudit poste mauritanien qu’on cherche du regard et qu’on ne voit jamais. On ne pense qu’aux mines et aux ensablements. On finit par s’oublier.
Alors se dessine la baraque à force de tressauter. On se brimbale jusqu’à elle comme un désir à atteindre, c’est normal, on ne sait pas. On nous attend, on s’impatiente même. Nous ne sommes pas vraiment surpris de découvrir ce taudis, à vouloir l’imaginer, on se le dessine en long en large et surtout de travers, alors cette merde ou une autre, après tout, qu’importe.
On y parvient usés, épuisés nerveusement, ils en profitent, ils savent tellement bien comment ça se passe. C’est marrant, on le pressent que ça va mal tourner. C’est peut-être ce poste frontalier croulant où l’odeur d’urine se dégage de tout qui le raconte, je n’en sais rien, mais cette première impression est la bonne. Il faut que je vous le montre, vous n'allez pas me croire sinon. C’est un cabanon de bois de trois mètres sur trois où les mouches copulent. De vieilles tôles ondulées métalliques le protègent du soleil, mais pas de la chaleur. Elles sont maintenues au moyen de pierres posées simplement, à la va vite, comme si on venait de les balancer, dans un dernier geste. Une petite ouverture qui sert de guichet est grossièrement ébauchée sur la façade principale, elle brasse capricieusement un peu d’air avec l’entrée. Il n’y a pas de porte. Un jour il tombera, et personne ne le remontera, ils s’en foutent, moi aussi. Ils l’appellent le bouchon.
Les douaniers qui s’y trouvent sont des larves inutiles. Il y a le gros d’abord, celui qu’on voit en premier, souvent affalé à digérer tout et n’importe quoi. Le maigre, le petit et le cow-boy. Il y a des femmes aussi, dans le cabanon, entre les mouches. Elles attendent un arrivage… Ici comme ailleurs, c’est une marchandise à consommer, taisez-vous, j’ai tout vu !
Cessez de rêvasser, l’Afrique occidentale est morte, la perversion y est loi, tout est raté, même le pire, je n’exagère pas, j’explique. Nous les toubabs, les faces de craie, on est attendu à Nouadhibou, on est une part du budget à attraper au vol, on apporte des devises, de gré ou de force, c’est de la resquille légalisée, obligé de dépenser, véridique, c’est Nouadhibou.
Ce sont des larves je vous dis ! Ces affreux déloqués entrent en scène, quelquefois une chaussure au pied. Le gros ne bronche pas, trop avachi sans doute, non, c’est surtout le maigre et le petit qui commence à chanter, ils sont motivés parce-que le cow-boy les épie et les juge depuis la fenêtre. C’est leur chef. Ça ne rigole pas !
Tout de suite ça ne va pas, pas du tout ! Il faut bien impressionner, mettre le ton. Pour que ça se passe mieux, il faudrait donner un cadeau qu’ils disent. Les ploucs… On vient d’arriver, on ne discute même pas, il n’y a que nous, le sable et le ciel, et déjà les embrouilles. N’imaginez pas des formalités douanières, des procédures ou je ne sais quoi, non non, rien de tout ça, c’est bien fini toutes ces danses, pas ici en tout cas ! Le bouchon est un guet-apens, une véritable embuscade ! Ce qui les intéresse c’est de vous savoir piégé, c’est leur seul souci, leur petit plaisir.
Comme on ne donne pas, tout se complique, le cow-boy arrive sans cheval et efface le petit. Le gros ne comprend pas tout mais aime bien quand même. Le maigre lui est jaloux, pas moi erectus.
Ce sont des pilleurs, tout ce qu’on a les intéresse, vous allez me dire que c’est normal, que j’ai tout, qu’ils n’ont rien, c’est faux, je n’ai pas tout, ils ne savent pas, ils s’en foutent, c’est pas comme ici où même les voleurs se déguisent, vous ne comprenez rien, pourtant j’explique, je ne fais que commencer et déjà on trouve que j’exagère. Allez-y, on en reparlera.
Évidemment, les traficouilleurs toubabs vous diront que c’est bien, tu parles, c’est normal pour leur petit commerce, il ne faut rien toucher, rien dire, tranquille, mais pour le reste, ils s’en foutent eux aussi. Il faut se débarbouiller la tête pour comprendre, ça ne vous plaît pas la toilette.
En attendant, ils ne perdent pas de temps eux, ils fouillent partout, comme dans une épicerie, ils font leur marché, sans cabas, ils choisissent. Comme ils sont mal foutus, ils ne veulent que ce qui vaut du pognon, le reste ils s’en tapent. Ne croyez pas qu’ils y gagnent quelque chose ! Pardi ! Imposés les prolétaires ! Serfs de cadors ! Des comptes à rendre, et pas qu’un peu ! Tu m’étonnes qu’ils resquillent ! Ils se servent au passage, bien sur, mais trois fois rien pour leur pomme, juste pour nous faire chier ! On paye la colonisation avec notre face de craie, blanc sur noir, au comptant ! On négocie, on ne veut pas se laisser faire, la chaleur les use plus vite que nous, je ne rigole pas, et puis il y a les femmes du cabanon qui vont finir par les appeler, ça aide. Les mouches sont là, elles tournent en papotant, elles sont habituées aux larves, ça dégoise…
On a envie de leur éclater la rate, c’est normal, c’est humain, mais il ne vaut mieux pas si on veut passer. On les tuerait, ils ne sont pas habitués, on est trop fort, ils le savent bien, ils nous tireraient dessus, ils n’attendent que ça ces salauds. Quelquefois, pour passer le temps, ils sortent une kalachnikov ensablée au soleil, ça les excite, les rassure, c’est tout ce qu’ils ont, ils ne savent pas s’en servir, ils nous la glissent sur le ventre, histoire de nous chatouiller. Ça les fait se marrer.
Ils matent la voiture avec des yeux rouillés, ça grince. Ils la touchent, montent dedans, dessus, ils jouent. Ils conservent nos papiers, il faudra les récupérer plus tard qu’ils disent, on ne sait pas quand, c’est aussi du commerce.
À présent qu’ils ont bien foutu le bordel dans nos affaires, ils nous demandent un cadeau, alors qu’on range. C’est obligé pour passer, un gros cadeau. Je leur offrirais bien un bon coup de pied au cul, ça leur chasserait les mouches à ces cons là, mais il ne faut pas, il faut qu’on passe, l’Afrique noire est là derrière, si proche croit-on, c’est pour elle qu’on patauge. Après tout, on n’est que de passage ici, l’attrait principal de la traversée c’est le grand Sahara, le Majestueux. On ne veut pas d’embrouilles, on veut passer, c’est tout.
À nous seuls, on pourrait les envahir, juste pour les emmerder, pour laisser passer les copains, pour choper les autres, les trafiquants de femmes, de voitures, d’inhumanités.
On va me tancer que je n’y connais rien en humanité, que je suis raciste et tout le reste. Je les vois déjà glisser les rampants, les grincheux, les aveugles, les sourds, les puants, je m’en tape, je n’aime pas les sots, les chieurs. Il n’y a que les affreux qui supportent tout, ils expliquent comment et pourquoi. Les racistes du cénozoïque je les supprime aussi. Je n’aime pas les primates en quête de cerveau qui cherchent à réfléchir, ils n’ont qu’à suivre c’est déjà pas si mal qu’on les garde. Des S.O.S. machin à l’œil de verre ça en fait du ramassis de conneries, des minables incultes qui n'arrêtent pas de gloser. Vous autres, arrê

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