Chronique de Détroit
184 pages
Français
184 pages
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Description

Tanger, au début du siècle dernier, ville cosmopolite, dense, survoltée. Dans cette ambiance fiévreuse, les personnages (certains ont réellement existé), se dessinent, se profilent, intrigues, amours interdits… et quid de cette broche offerte par le Sultan du Maroc à l’un de ses fidèles collaborateurs étrangers qui a mystérieusement disparu ?Le lecteur est emporté dans ce voyage palpitant, où l’on rencontre des citoyens anglais, allemands, français, espagnols, russes et même chinois, tous venus à Tanger pour quelques jours, mais qui y demeurèrent toute leur vie. Au fil des pages, on croise aussi des gens célèbres qui firent la notoriété de Tanger, comme Walter Harris, Caïd Harry Maclean, Caïd Raissouli, Mehdi Mnebhi ou le Chambellan Ba Hmad…Les Chroniques du Détroit, à l’instar de romans historiques au rythme palpitant, nous donnent à découvrir un Tanger international, aujourd’hui disparu.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2021
Nombre de lectures 8
EAN13 9789920755306
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Chroniques
du détroitp
Rachid BOUFOUS
Chroniques
du détroit

Roman
ô``°û`æ`∏d ∂`æ`Ø`dG QGOÀ mes parents
À ma femme Meriem
À mes fls Othmane et Mehdi
À mes Ami(e)s du monde bleu,
en reconnaissance de leurs incessants encouragements
et sans qui ce roman serait resté un doux rêve inachevé…« Il y a là, à la sortie du détroit, un château
que les Portugais ont appelé Tangar,
sur la côte de Barbarie, qui, si on s’en
emparait, nous serait très utile ».
Cromwell
INTRODUCTION
Tanger, ville-monde, un continent à elle seule. Elle a
vécu une histoire extraordinairement riche en
soubresauts, mille fois répétée, jamais égalée. Elle fut
tour à tour phénicienne, carthaginoise, romaine,
vandale, wisigothique, berbère,
arabo-musulmane, portugaise, anglaise, espagnole, marocaine,
internationale et puis marocaine à nouveau…
Mille fois occupée, autant de fois construite, démo -
lie puis reconstruite.
Éternellement traversée ou habitée par des milliers
de marchands, de guerriers, de savants,
d’aventu9riers, d’artistes, d’espions, d’écrivains ou de
genssans-terre en quête d’un havre de paix, d’une halte,
d’un refuge, d’un nid douillet. Leur point commun,
c’est ce regard unique, le même, qu’ils portent au
loin, vers le détroit de Gibraltar, nettement visible
à partir des hauteurs de la ville. Depuis ce piton
rocheux, ils scrutent l’horizon fni, habillé de brumes
qui couvrent, en face, les cimes de la mystérieuse
Bétique…
Cette ville est le miroir de l’humanité, qu’elle
observe et accueille depuis des siècles, ne rejetant
personne, mère nourricière des rêves les plus fous
et des personnages les plus improbables.
Au début des années quarante du siècle dernier,
Tanger était devenue le repère de tous les réfugiés
de la terre. Anarchistes, communistes, juifs,
opposants en tous genres fuyant l’Europe, vieux
continent tombé entre les mains des nazis. Tanger
était devenue l’ultime halte, avant de continuer
son voyage vers les Amériques, vers l’Angleterre ou
vers une terre où l’on ne puisse pas retrouver votre
trace.
Cette ville comptait tant de nationalités, de
banques et de sociétés étrangères, qu’on avait fni
par oublier qu’elle se trouvait en terre d’Afrique,
au frmament d’un pays, le Maroc, longtemps
convoité par les trois quarts des puissances de la
terre, qui voulaient dépecer le dernier empire en
terre d’islam.
Tanger était la porte d’entrée à ce pays vers le
mielieu du 19 siècle. Siège des principales légations
étrangères et des représentations diplomatiques
10en contact avec l’empire chérifen, elle avait petit à
petit migré vers un statut hybride : ville
mi-Marocaine, mi-internationale.
Le Makhzen, c’est ainsi qu’on dénommait ici le
pouvoir sultanien, n’avait plus autorité sur les
sujets marocains eux-mêmes qui avaient trouvé
refuge dans un système de protection étranger,
inventé par les diplomates européens pour
soustraire à ce pouvoir les riches commerçants
locaux, mais aussi les gens qui leur étaient utiles.
Ceci causa d’énormes dégâts, car plus personne ne
reconnaissait l’autorité du Sultan, dès lors que ses
intérêts étaient menacés par le Makhzen.
Un peu partout, des séditions virent le jour, menées
par des chefs de tribus, qui ne voulaient plus payer
l’impôt exigé par l’état central. Le pays se divisa
alors en deux zones, le Bled Siba ou pays séditieux
et le Bled Makhzen qui était soumis encore, mais au
prix fort, à l’autorité du Sultan.
Face à cet état de déliquescence, les légations
étrangères installées à Tanger proftèrent de cette
situation pour imposer au Sultan une
administration quasi directe de la ville. Ainsi, ils eurent
très rapidement sous leur autorité les services
d’hygiène et de la santé, suite à la multiplication
des épidémies dans la ville, contre lesquelles le
Makhzen ne pouvait pas répondre, faute de moyens
modernes.
Cette action de « salubrité » sanitaire amena
l’installation dans la ville de beaucoup d’étrangers :
petits commerçants, hommes d’afaires, banquiers,
mais aussi bon nombre d’aventuriers. Cette
nou11velle population représentera jusqu’au quart de la
population totale de la ville.
L’évolution des évènements, avec l’installation du
double protectorat français et espagnol au Maroc,
à partir de 1912, allait toutefois permettre à Tanger
de garder son statut particulier, de ville
administrée par de multiples puissances étrangères. Ce
statut devint international en 1923.
Tanger fut toutefois occupée par l’Espagne en 1940,
pour redevenir internationale juste après la fn de
la Seconde Guerre mondiale. Elle garda ce statut
jusqu’à l’indépendance du Maroc en 1956.
C’est une page de cette histoire internationale de
Tanger qui vous est contée ici.
Les faits relatés dans ce livre remontent à la pre -
mière moitié du vingtième siècle, où Tanger vécut
sa période la plus cosmopolite.
121
L’alcool n’est jamais la réponse,
mais il permet d’oublier la question.
Anonyme
Elle s’appelait Maria-Rosa Duarte, mais tout le
monde ne la connaissait que sous le prénom de
Rossa.
Rossa était une grosse matrone aux traits épais,
toujours de noir vêtue, hiver comme été. Elle ne
souriait presque jamais, encore moins en été.
Rossa tenait un bar glauque, improbable
estaminet, situé en haut de la grande rue donnant sur
le Socco et dans lequel se retrouvaient tous les
éclopés de la terre rejetés dans cette étrange ville
par quelque houle perdue, sur la route des
Amériques. Elle tenait aussi une espèce d’auberge pour
jeunes flles, située au-dessus de son bar. Un
bordel quoi…
13Le bar s’appelait « Ascençuon ». Il connaissait une
forte afuence. Peut-être était-ce le dernier endroit
de Tanger où on pouvait espérer monter au ciel, à
moindre coût…
On se réunissait chaque soir chez Rossa pour vider
quelques bouteilles de ce vin frelaté que son mari
Antonio faisait entrer en contrebande de Gibraltar.
Certes, il n’y avait pas que ça à boire chez Rossa,
mais c’était le seul tord-boyaux qu’on pouvait se
permettre par ces temps de disette. Au bout d’un
moment, ce vin eut beaucoup de succès, et tout ce
monde interlope qui venait au bar, fnissait par
boire le même breuvage, car personne ne voulait
paraître riche face aux autres, de peur de s’attirer
quelque ennui à la sortie.
C’était un vin rouge qui tirait vers le gris, et au
bout du quatrième verre, il virait carrément au
jaune, et personne ne connaissait son origine, à
part Antonio. D’ailleurs la bouteille ne portait
pas d’étiquette. On savait juste qu’il portait le titre
de « Vino de Alcala », ce qui le rendait encore plus
mystérieux aux palais de ses buveurs invétérés.
C’était puissant comme breuvage. On pouvait
s’anesthésier avec, ou du moins désinfecter
les blessures, ce que n’hésitaient pas à faire les
marins échoués chez Rossa, qui l’utilisaient pour
se le verser sur leurs mains rêches et boursoufées
à force de tirer sur les lourds cordages des
bateaux…
Vers minuit, le bar était plein à craquer, les
dernières «señoritas», c’est ainsi qu’on prénommait
les « gagneuses » du coin, toutes ou presque à la
14solde de Rossa, rejoignaient ce bateau ivre pour un
voyage de nuit, vers l’inconnu…
Bartolomeo, l’apprenti toréador, qui se disait
descendant de Colomb, mais que personne ne prenait
au sérieux, investissait la piste de danse et
s’élançait dans un torride pas espagnol, alternant jeux de
castagnettes et stridents sons de claquettes. Il
portait de belles chaussures noires en cuir de Moravie,
qu’il faisait battre lourdement sur le sol en bois de
la

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