Condoléances
83 pages
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Condoléances , livre ebook

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Description

Douze auteurs et autrices écrivent le deuil et investissent le salon funéraire de leur imaginaire. Une collection d’histoires éclectiques, certaines douces et réconfortantes, d’autres violentes ou terrifiantes, pour nous aider à faire face à l’inévitable.
MATHIEU VILLENEUVE – Le nouveau traitement
DAVID GOUDREAULT – S’en tenir au texte
CASSIE BÉRARD – La dérive des clowns tristes
NICHOLAS GIGUÈRE – Madame Lomer Bolduc
ELLIE MARTINEAU-LAVOIE – Chez nous
ÉLISE GRONDIN – La fête triste
MEGAN BÉDARD – Voyage à la mer
ROSALIE ROY-BOUCHER – Tourlou !
MATTHIEU SIMARD – Presque une cravate
AUDREY BOUTIN – L’intérim
PATRICK SENÉCAL – Dernière soirée de travail
FANIE DEMEULE – Reliques

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 16 février 2021
Nombre de lectures 1
EAN13 9782764441565
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirig par Catherine C t et Audrey Boutin, en collaboration avec St phane Dompierre, diteur
Conception graphique et mise en pages: Nathalie Caron
R vision linguistique: Sabrina Raymond
Photographie en couverture: Fabrice Ga tan
Qu bec Am rique
7240, rue Saint-Hubert
Montr al (Qu bec) Canada H2R 2N1
T l phone: 514 499-3000, t l copieur: 514 499-3010
Nous reconnaissons l aide financi re du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons galement remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Qu bec - Programme de cr dit d imp t pour l dition de livres - Gestion SODEC.

Catalogage avant publication de Biblioth que et Archives nationales du Qu bec et Biblioth que et Archives Canada
Titre: Condol ances / sous la direction de Catherine C t , Audrey Boutin.
Noms: C t , Catherine, 1991 ao t 5- diteur intellectuel. Boutin, Audrey, diteur intellectuel.
Collections: Collection Litt rature d Am rique.
Description: Mention de collection: Litt rature d Am rique Nouvelles.
Identifiants: Canadiana (livre imprim ) 20200093509 Canadiana (livre num rique) 20200093517 ISBN 9782764441541 ISBN 9782764441558 (PDF) ISBN 9782764441565 (EPUB)
Vedettes-mati re: RVM: Nouvelles qu b coises-21 e si cle. RVM: Salons fun raires-Romans, nouvelles, etc.
Classification: LCC PS8329.1.C66 2021 CDD C843/.010806-dc23
D p t l gal, Biblioth que et Archives nationales du Qu bec, 2021
D p t l gal, Biblioth que et Archives du Canada, 2021
Tous droits de traduction, de reproduction et d adaptation r serv s
ditions Qu bec Am rique inc., 2021.
quebec-amerique.com

Le fait m me de la mort d un ami veilla comme toujours, en tous ceux qui apprirent cette nouvelle, un sentiment de joie, ce n est pas moi, c est lui qui est mort.
L on Tolsto , La Mort d Ivan Ilitch
LE NOUVEAU TRAITEMENT
Mathieu Villeneuve
Ils en parlaient sur les r seaux sociaux depuis des semaines. Une nouvelle pilule miracle qui all gerait les paules fatigu es des vieillards. Qui leur redonnerait le contr le de leur existence. Qui pourrait les gu rir de leur mal de vivre, de leurs probl mes de sant , de leur anxi t . Un peu avant l entr e sur le march du nouveau traitement, des vid os devenues virales montraient l int rieur d un des laboratoires f d raux o taient produits les comprim s: des hommes et des femmes portant des masques surveillaient les immenses machines; des convoyeurs transportaient des milliers de petites boules de poudre compact e; un contrema tre levait le pouce vers le cam raman en signe de victoire.

La vieille femme parqua son pick-up en diagonale entre les longues lignes blanches. cras e sous l air lourd et chaud - trop lourd, trop chaud -, la 3 e Rue de Chibougamau tait presque vide. Quelques passants, une bande de Cris, d autres vieux.
Burning Woman marcha jusqu la vieille et la regarda d un il moqueur - en tout cas, c est ce qui lui sembla. Difficile dire avec les chairs fondues qui lui servaient de visage.
- Hi, ma am. You ain t got any spare change by any chance?
Elle lui tendit la poign e de monnaie collante de caf qui tra nait dans le porte-gobelet.
- Tiens, ma belle. Have fun with it.
Elle savait bien que l argent servirait jouer ou boire, mais qu est-ce qu elle pouvait y faire? Chacun trouve son plaisir comme il peut. Se so ler, se droguer, s puiser par le sport, couter des s ries pendant des heures: le moyen importe peu, en autant que le cerveau soit stimul , diverti de notre monde souffrant, condamn .
La pharmacie exhala un souffle glac et parfum lorsque les portes automatiques couliss rent. Dans l all e des cosm tiques, elle d nicha un nouveau mascara, un rouge l vres fonc et le fond de teint id al.
- Il est beaucoup trop p le pour vous, ce produit-l , madame.
L employ e tait jeune et jolie. La vieille femme vita son regard joyeux, nervant.
- L hiver va revenir un jour. Je me pr pare.
- R agissez pas de m me. Je voulais juste vous aider.
- C est pas parce que je suis vieille que j ai besoin d aide.
Le pharmacien lui annon a que sa prescription n tait pas encore pr te. Elle lui d cocha un bref sourire s ducteur, m me si elle savait trop bien que les hommes la voyaient d sormais telle qu elle tait devenue: une vieillarde ratatin e par le temps, un poids pour le syst me de sant , un r gime de retraite payer.
La salle tait pleine d a n s qui attendaient leurs opiac s et leurs antid presseurs. Elle reconnut certains visages, les salua d un signe de t te distrait. Comme elle, certains attendaient peut- tre depuis des ann es l arriv e du nouveau m dicament mis au point par les laboratoires f d raux. Elle pr f ra ne pas leur poser la question.
Elle soupira int rieurement et s installa la machine pression art rielle. Le brassard caoutchouteux enserra son maigre biceps, lui causant une l g re bouff e de claustrophobie. 130/90. Excellent score. Depuis qu elle avait cess d tre la proche aidante de son fr re malade et de son neveu handicap - ils avaient eu droit la mort assist e dix ans plus t t -, ses probl mes de pression s taient r sorb s. Ses douleurs chroniques, elles, irradiaient toujours dans ses muscles et ses articulations, comme si un soleil noir br lait directement l int rieur de son corps.
Elle garda la bande de papier de la machine, r flexe inutile, et s assit sur une des chaises de plastique. Pour se distraire, elle chercha la forme famili re de son t l phone dans sa veste et parcourut la liste de notifications accumul es pendant le trajet depuis Chapais: des publicit s cibl es de Walmart et IGA, un appel manqu de la clinique d ophtalmologie, un rappel pour son rendezvous en oncologie, une suite de textos de sa fille remplis de gifs anim s et d motic nes de chats. Elle ferma les bulles de discussion et cliqua sur l ic ne de son application d informations.
Un un, les clients taient appel s par le pharmacien, se plaignaient de la chaleur, payaient leur d , puis repartaient vers la sortie. D autres prenaient leur place, parfois accompagn s d une odeur de corps sale, de maladie ou de couche r utilisable mal nettoy e.
De son index, elle fit d filer les actualit s: des mauvaises nouvelles, uniquement des mauvaises nouvelles. Comme d habitude. La canicule continuait de faire des morts en Europe et Montr al, le ministre de la Sant r pondait aux critiques lanc es contre son nouveau plan de lutte au vieillissement, la centrale de Gentilly n cessitait encore des travaux de r novation, la population d algues bleues des Grands Lacs continuait de prolif rer de fa on alarmante: de l espace, on les voyait briller d une lueur verte phosphorescente.
- Madame Justine Welsh?
Elle se leva en essayant d ignorer les protestations de ses articulations. Elle couta patiemment les consignes du pharmacien, ignora son discours moralisateur et condescendant, r gla sa facture et se retrouva de nouveau dans la touffeur de la 3 e Rue.
Burning Woman lui redemanda de la monnaie. Pauvre elle Avant de porter ce surnom horrible, la jeune femme s tait plong e dans les dettes de jeu. contrec ur, elle s tait r solue emprunter pour garder la t te hors de l eau. De l argent qu elle avait bien s r t incapable de rendre. Pour la punir, ses amis avaient eu l id e d un b cher: dans la for t au nord de Chibougamau, ils avaient tapiss le sol de r sineux gorg s d essence et y avaient lanc la jeune femme avant de craquer une allumette. Personne n avait imagin qu elle survivrait.
C tait une l gende urbaine en chair fondue et en os fragiles. Une l gende urbaine qui n tait pas sans rappeler le destin tragique du Grand Nord. Un f minicide o on violait la Terre M re et o les meurtriers impunis continuaient d occuper paisiblement le territoire.

Dans le mail, deux boutiques taient encore ouvertes: une succursale de la SQDC et un magasin de v tements o il n y avait jamais personne. Une veste l g re, des pantalons amples et confortables feraient l affaire. Et des beaux souliers vernis. Des habits qu elle ne porterait qu une fois et qui seraient ensuite donn s la friperie, accumulant la poussi re pendant des ann es, jusqu ce qu une hipster du sud accepte un contrat dans la r gion et proc de une razzia de linge vintage.
Elle aimait l id e qu une jeune ach te ses v tements - m me si, bien y penser, la fille en question risquait de subir un puisement professionnel et une d pression majeure. a arrive souvent dans le nord. Trop souvent.

l entr e de Chapais, elle s arr ta pour v rifier son courrier. part quelques prospectus et un d pliant des T moins de J hovah, son casier postal tait vide. Elle n attendait plus de lettres, de toute fa on. Elle avait d j re u celle du minist re de la Sant . La seule qui comptait.
Dans la case r serv e aux envois, elle glissa une carte postale de la Baie-James, vaste tendue d eau sal e qui miroitait au soleil. Sur l autre face, quelques phrases adress es L a, son ancienne amante, surmont es d une adresse vieille de deux d cennies. Son criture, jadis l gante et parfaitement trac e, trahissait d sormais la d tresse et l arthrite br lante. L a avait-elle d j succomb un cancer ou avait-elle sombr dans la d mence? Tant de ses amoureux et de ses amantes avaient rejoint le vide de l ternit qu elle en avait perdu le d compte.
chaque fois, ils emportaient un peu de cet espoir qu elle conservait.

Elle d posa ses achats sur la grande table de la cuisine et s effondra sur le divan. Elle somnola. Les jappements des chiens errants, l ructation des pots d chappement modifi s, les voix des rares pi tons l effleuraient peine. Des milliers d habitants d autrefois, il n en restait plus que quelques centaines. Ch

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