Contre nature
101 pages
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Contre nature , livre ebook

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Description

Un homme nettement plus jeune que sa compagne, des personnes du même sexe qui décident de s’unir : ces situations atypiques ne nous laissent pas indifférents. Elles nous renvoient à notre éducation et à nos croyances de ce que devrait être le monde. Ce roman raconte le destin croisé de deux couples singuliers, traversés par les mêmes préoccupations : le droit de s’aimer et d’assumer au mieux leur désir d’enfants. Il dépeint leurs pérégrinations pour faire reconnaître une liaison qu’ils considèrent parfois eux-mêmes comme pouvant être « contre nature ».

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 novembre 2019
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312072661
Langue Français

Extrait

Contre nature
Bruno Doucet
Contre nature
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2019
ISBN : 978-2-312-07266-1
Laetitia
– « Cornegidouille ! »
Laetitia vocifère contre elle-même, protégée des oreilles indiscrètes par le tumulte du chantier.
Cela fait bien longtemps qu’elle n’a plus cure de ces décibels. Lorsqu’elle balaye ces dix dernières années passées dans le secteur du bâtiment, elle se dit que, malgré son jeune âge, elle a apprivoisé un nombre considérable d’ouvrages. Les sons émis par ces machines qui découpent, perforent ou vissent, sont devenus les partenaires rassurants de son quotidien.
Ce n’est pourtant pas ce vécu qui la préoccupe aujourd’hui. Ce qui l’agace c’est sa propre inconséquence.
C’est qu’il fait si chaud depuis douze jours… L’épisode caniculaire de cette fin juin n’en finit plus de l’écraser.
– « Ça m’apprendra à écouter des émissions à la C… ! »
Ce matin, tandis qu’elle prêtait l’oreille à sa radio tout en prenant son petit déjeuner, son attention fut captée par un reportage dont le thème traitait de la question : « pour ou contre le port du soutien-gorge ? ».
Un journaliste, se faisant l’écho d’une étude très sérieuse, y rapportait que le port du soutien-gorge empêcherait le développement musculaire des seins. Il serait donc souhaitable de ne pas en porter pour laisser la poitrine retrouver sa position naturelle en forme de poire.
– « J’aurais pourtant dû me méfier, tout en sachant que ce chroniqueur mâle ne devait pas avoir une grande expérience en la matière. »
Sur le moment, l’idée lui avait paru intéressante. Elle y avait vu un moyen symbolique de reprendre le contrôle de son corps dans cet univers professionnel encore trop empreint de masculinité.
Séduite par cette idée d’un retour à la nature, elle avait voulu essayer…
Dans la torpeur de cet après-midi caniculaire, la sueur de sa peau a achevé d’humidifier à outrance le coton de son T-shirt. Ce dernier lui colle désormais à la poitrine en dessinant ses formes d’une façon provocante.
Comble de malchance, ce frottement inaccoutumé a fini par faire durcir ses tétons.
En d’autres circonstances, cette exposition suggestive aurait pu être terriblement sexy. Dans un environnement de travail où évolue un concentré de testostérones, cela pourrait rapidement se transformer en humiliation publique si, d’aventure, l’un de ses collègues venait à s’en apercevoir.
Par chance, les bretelles de sa salopette dissimulent en partie l’inconséquence de cette idée saugrenue.
Visiblement, les hommes ne se sont rendu compte de rien. C’est un peu comme si, au fil des années, elle leur était devenue totalement transparente.
Elle est pourtant mignonne Laetitia ! C’est même là son problème.
Elle a beau chercher à cacher sa féminité par un bonnet qui couvre ses cheveux mi-longs qu’elle a préalablement attachés par une queue de cheval et camoufler son anatomie sous des vêtements trop amples, elle ne peut effacer les traits fins de son joli minois aux contours légèrement ronds, mais élégamment équilibrés.
Elle ne se maquille pas…
Non seulement dans son métier se grimer aurait été ridicule, mais, de plus, cela l’agace. Elle se contrarie à la simple pensée de toutes ces filles qui passent des heures devant une glace pour se travestir de traces roses qui marquent leurs joues, tandis que des traînées noires soulignent à outrance les dômes de leurs paupières.
C’est qu’elle est plutôt « nature », Laetitia !
Pour ses collègues ouvriers, elle n’est déjà plus une femme, elle est devenue l’une des leurs. Ils ont appris à apprécier son travail d’une façon asexuée, comme tout un chacun respecte l’ouvrage bien réalisé de ses pairs.
Durant un temps, Bertrand a bien essayé de la draguer et elle a eu bien du mal à lui faire comprendre que c’était peine perdue.
Elle ne lui en veut pas… si elle lui pardonne, c’est qu’elle le trouve un peu niais.
Il n’est pourtant pas franchement laid Bertrand. Son physique rugueux plaît généralement aux femmes.
Si elle lui accorde si peu d’estime, c’est que son hygiène corporelle est à l’image de ses blagues : plutôt limitée, presque salace.
Elle aime travailler seule. Elle côtoie assez peu les gars du chantier. Elle n’a de cesse de se le répéter comme un mantra : elle est là pour gagner sa vie et non pas pour parfaire ses fréquentations !
Son crédo à elle c’est la peinture en bâtiment. Elle réalise bien de temps en temps la pose de revêtement de sol, mais c’est une activité qu’elle apprécie moins : la tâche est trop mécanique ; bien moins méticuleuse. Elle laisse cette activité aux hommes ; l’exercice semble mieux leur convenir. L’exécution est plus rapide ce qui leur donne l’impression de gagner en efficacité. Cela leur confère de « l’importance ».
Laetitia, l’importance, elle s’en fout !
Ce qu’elle apprécie c’est la reconnaissance d’un ouvrage bien réalisé. L’essentiel c’est que le résultat soit propre, qu’il soit beau ! Il faut que les traces de son pinceau disparaissent sous les jeux de lumière pour ne laisser que l’apparence d’une surface parfaitement lisse et plane.
Peut-être est-ce l’effet du temps : elle supporte de moins en moins le comportement de ses collègues mâles.
Si certains lui témoignent de la considération, elle n’en a encore trouvé aucun pour lui manifester suffisamment d’estime jusqu’à renoncer au plaisir de rire à des plaisanteries sexistes en sa présence.
Au-delà de ses compagnons d’œuvre, ceux qu’elle exècre vraiment, ce sont ses interlocuteurs venus de l’extérieur.
Alors même qu’ils ne sont pas du métier, ils s’autorisent à émettre une opinion sur sa manière de travailler.
La plupart ne s’intéressent pas véritablement à son activité. Après avoir proféré quelques conseils dans un domaine sur lequel ils ne peuvent se targuer de la moindre compétence, ils commencent à remarquer sa jolie frimousse, puis ils plongent invariablement leur regard vers sa poitrine. Tout se déroule comme si celle-ci restait encore le meilleur indicateur pour appréhender ses qualités de peintre.
Trop concentrés sur ce qu’ils observent, ils finissent généralement par perdre le contrôle de leur discrétion. Leur coup d’œil lubrique s’exhibe comme le reflet de la raideur réelle ou supposée de leur sexe.
Elle ne peut malheureusement pas se rebeller contre cette impudeur qui lui est insupportable. Elle n’en a pas le droit, c’est comme cela ! Le client est roi : la moindre réplique au monarque apparaîtrait comme un crime de lèse-majesté.
Elle a bien tenté quelques fois de leur tourner le dos, mais cela n’a pour effet que de déporter leur regard au niveau de son postérieur.
Lorsqu’il lui arrive de vivre une telle mésaventure, elle s’efforce de se concentrer sur sa tâche en attendant, impuissante, que ces messieurs aient fini de se rincer l’œil.
Les jours de chances, ces voyeurs du dimanche sont accompagnés d’une collègue, d’une conjointe ou d’une maîtresse qui, au premier écart, se chargent généralement, par une remarque bien sentie, de ramener la brebis galeuse au sein du troupeau.
Annie pourrait peut-être se satisfaire de ce naturel concupiscent ; elle qui aime tant qu’on la regarde !
Annie, c’est sa colocataire.
Elles se sont rencontrées il y a maintenant un an, par le biais des petites annonces. Laetitia cherchait à réduire ses frais financiers. Annie, quant à elle, s’efforçait d’atténuer sa phobie de la solitude. Leurs intérêts convergeant avaient suffi à faire de leur statut de colocataires un peu plus qu’une simple relation sans qu’elles puissent totalement se considérer comme amies.
Annie est également très mignonne, mais elle, tout du moins, a la clairvoyance de l’assumer.
Les hommes, elle les collectionne. Rien qu’au cours du mois dernier, Laetitia en a dénombré au moins trois.
Le soir venu, elle les a entrevus, ces couples de l’ombre, se faufiler depuis la porte d’entrée jusqu’à la chambre.
À chaque fois, elle a souri tristement.
Elle connaît déjà le sor

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