Des moments douloureux
59 pages
Français

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Des moments douloureux , livre ebook

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Description

Ces moments difficiles, tantôt fictifs, tantôt autobiographiques, voire surréalistes, nous promènent dans un univers parfois cocasse, souvent drôle, mais toujours inattendu.
        Il était six heures et quarante-cinq minutes lorsque Michel posa son cessna sur la piste de Kamélé. Depuis qu’il travaillait pour une société de logistique, c’était la première fois qu’il se rendait dans cette petite bourgade de planteurs. Michel devait y déposer quelques médicaments et y récupérer des échantillons de sang pour les faire analyser dans un laboratoire de la ville. Il aimait ces vols au lever du soleil ; ce sentiment de dominer le monde de ses ailes le sublimait, le transcendait même. Cela faisait six mois qu’il travaillait dans ce pays ; il connaissait ses montagnes, ses fleuves, ses plaines, ses villages, qui formaient, vus du ciel, un magnifique patchwork. Pourtant, ce qu’il avait vu sur une colline à l’est de Bouaké l’intriguait beaucoup, à un tel point qu’il se demandait s’il n’avait pas rêvé.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 février 2021
Nombre de lectures 0
EAN13 9782379796814
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0100€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Des moments douloureux


Pierre Egrix

2021
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
Table des matières

Un homme de passage
Le plateau
Le strip poker
Une bibliothèque unique
Une lettre de Chine
La douane
Couler!
La plume de mon grand-père
Makoué
Un homme de passage
 

 
  Je quitte le ciel pluvieux de Bruxelles pour plonger dans ses entrailles. Je suis en retard, il fallait me hâter afin d’arriver au bureau à l’heure. En dévalant quatre à quatre les marches détrempées de la station de métro Porte de Namur , je suis persuadé d’être plus accablé par ma montre que par la pluie, cependant au sec et après m’être secoué comme un canard, je poursuis mon chemin d’un pas plus modéré.

Je m’arrête chaque matin chez Irène, la très bavarde commerçante de la station, pour acheter mon paquet de “Bastos” et la “dernière heure”.
Il me semble que ces gestes répétitifs, ces rencontres habituelles sont primordiales à mon harmonie de vie, nous y trouvons des repères, des assurances, une certaine sécurité qui nous permettent d’affronter plus aisément les aléas de l’existence.
Si, pour une raison quelconque, je n’avais pas la possibilité de m’arrêter chez Irène, il s’en suivrait un vide, un désespoir, que je traînerais toute la journée.
« Bonjour Irène. Vous allez bien ?
– Ça va. Il ne fait pas très beau ce matin, n’est-ce pas ? dit-elle en fixant les gouttes de pluie glissant le long de mon pardessus.  Mais cela ne me dérange guère, ajouta-t-elle en me présentant mes achats quotidiens. Je suis toujours au sec. Au sec et à l’ombre. Le soleil, je ne connais pas. »
Je sors péniblement un billet de ma poche mouillée tandis qu’Irène enchaîne :
« Avez-vous vu le titre du journal ? Ce n’est pas possible des choses pareilles à notre époque. Tenez ! Votre monnaie. Je pensais que cela avait disparu depuis longtemps.
-Excusez-moi, lui dis-je, je dois m’en aller. »
Je saisis ma gazette, empoche mon paquet de cigarettes et me laisse absorber par la foule comme je le fais chaque matin depuis six ans.
Derrière moi, j’entends encore la voix d’Irène : “ Un gauloise ? Voilà Monsieur. Imaginez, cela s’est passé à côté de chez vous. C’est incroyable des choses pareilles à notre époque. Je pensais que cela avait…”

Je n’incite jamais Irène à la conversation, aux causeries. Jamais je ne réponds à ses questions. Les conséquences seraient désastreuses ; un retard à la pointeuse par exemple, que mon patron ne se gênerait pas de relever. J’ai un boulot, un horaire à respecter, Irène semble l’oublier.
Je me faufile entre les gens, en veillant à ne pas heurter les endormis, en évitant le télescopage avec la circulation opposée et en ayant un regard dans le dos pour éviter de me faire écraser par les pressés. Je parviens sans dommage à me positionner sur l’escalier roulant. Ces quelques instants d’immobilisme relatif me permettent d’organiser le heurt inévitable avec la foule d’en bas.
Lorsque je débouche sur le quai surpeuplé j’aperçois un amas sombre, une forme indéfinissable à même le sol, à côté d’un distributeur de bonbons et de chocolat. Un cruel paradoxe, car je n’avais pas reconnu sous cet habillage ; un mendiant. Pourtant depuis que je fréquente le métro, je suis censé en avoir vu ; des indigents. L’idée de lui donner de l’argent m’effleure.
Un bruit caustique, accompagné d’un sifflement strident et suivi d’un courant d’air me rappelle à l’ordre, docilement je n’ai plus qu’à franchir la porte ouverte qui se présente devant moi. Bardé de préjugés, englouti dans une éducation conventionnelle, je suis gêné par la mendicité. Elle me dérange, elle m’offusque même, elle est l’image de nos échecs. Ne serait-ce pas une fausse pitié égoïste que de s’attendrir devant les nécessiteux ? Donner une pièce à un mendiant, c’est certainement moins par générosité que pour lui démontrer que nous avons une position sociale plus enviable que la sienne. Et nous y tenons. L’essentiel, c’est de ne pas rater mon métro. Mon patron n’aime pas beaucoup quand j’arrive en retard.
Il y a du monde, c’est sûr. Heure d’affluence, ligne fréquentée, les habituels retraités qui semblent être posés là dans l’unique but de contrarier les travailleurs. Cela m’a toujours étonné ces vieux qui se promènent dans le métro à huit heures du matin. Vont-ils faire leurs courses ?
 

Ces visages, ces silhouettes que je côtoie depuis plus d’un lustre, ces odeurs de tabac, de gens mal lavés à qui je n’ai jamais adressé la parole est un quotidien peu satisfaisant mais que néanmoins j’accepte avec résignation.
De la Porte de Namur au Jardin Botanique , le trajet en métro s’effectue en neuf minutes. Je peux bien rester debout pendant ce laps de temps.
Je profite de l’arrêt au Luxembourg pour me confiner dans un coin, tel un oisillon cherchant un peu de chaleur et j’ai juste le temps de m’oxygéner avant d’être enseveli par un troupeau de travailleurs. Il me serre, il m’oppresse.
Le démarrage se fait en douceur.
Dès que le véhicule atteint une vitesse de croisière, mes paupières s’alourdissent, je baigne dans une béatitude et je me laisse bercer par le roulis du transport.
J’entrevois alors un visage de jeune fille en pleurs, je le devine par intermittence, caché derrière la carrure dandinante d’un passager. Heureusement ces épaules se stabilisent et je découvre enfin clairement ce visage inondé de larmes ; elles coulent sur de juvéniles joues, entourées de fines mèches de cheveux qui lui collent aux tempes, elle est aussi possédée par un hoquet qui lui donne l’impression de faire du cheval.
Quel bien triste spectacle !
A ce moment-là nos regards se croisent ; le sien est vide. J’en avais croisé des regards ; des ambitieux, des envieux, des amoureux, des vicieux, des mélancoliques, des perdus… Mais là il n’y a rien. Le néant !
Je lui fais un vague sourire, qu’elle interprétera certainement comme une moquerie. Je baisse les yeux, je détourne la tête. Puis tout va très vite.
Un coup de frein. La carrure oscille, les épaules vacillent, le visage disparaît, la lumière de la station pénètre le wagon et j’aperçois défiler les panneaux de la station.
– Jardin Botanique -   
– Jardin Botanique –
C’est là que je descends ! Les portes s’ouvrent et je me sens aspiré par un mouvement humain qui m’entraîne à l’extérieur tandis que dans mon esprit languit un visage en pleurs.

Que peut être le malheur de cette jeune fille ?  Une déception amoureuse ? Un échec scolaire ? La perte d’un proche ?
Je n’en avais aucune idée mais cette scène m’avait malgré tout attendri. Un sourire n’est-il pas une forme de consolation ? D’ailleurs je suis frappé par la masse d’indifférence qui entourait cette pauvre jeune fille. Moi au moins, par ce sourire, j’ai tenté quelque chose et il faut bien l’admettre, je ne pouvais pas faire grand-chose de plus.
Tout plongé dans mes pensées, je quitte le métro. C’est la pluie qui me le dit.
Ce même crachin que j’avais fui tout à l’heure, me fait maintenant l’effet d’une révélation, d’un catalyseur. Je me retourne et je regarde l’orifice d’où j’étais sorti, rien ne ressemble plus à une entrée de métro qu’une autre entrée de métro et brusquement je fus persuadé de me trouver Porte de Namur .
Ai-je réellement vécu ces moments sous terre ? Oui, sans doute. Mais d’une manière robotisée, sans prendre franchement conscience de mon existence et celle de mon entourage. Quel sens donner à ce laps de temps passé dans le métro ?
Un simple déplacement d’un point à un autre ? Une parenthèse dans la vie ? Quinze minutes d’inutilité, de perdu. Dans tous les cas, je ne suis qu’un homme de passage mais je vais remédier à cela et tout de suite.
Je vais dès à présent apporter

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