Gilberte
138 pages
Français

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Description

Gilberte, jeune valaisanne « montée » à Lausanne pour y travailler comme serveuse, fait la rencontre de Gilbert, pilote privé excentrique, qui cultive une allure hippie. Elle est tout de suite séduite par le personnage qui va lui faire vivre des voyages et des expériences dont elle n’a même jamais osé rêver. Elle va découvrir l’Afrique, sa magie et sa misère, pour se consacrer entièrement à une mission qui lui tiendra de plus en plus à cœur.
La petite campagnarde s’avérera une maîtresse femme au destin exceptionnel dans un monde encore trop dominé par les hommes.

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312047300
Langue Français

Extrait

Gilberte
Gérard Muller
Gilberte
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2016
ISBN : 978-2-312-04730-0
À Gilberte , la vraie, la seule,
Celle qui m’a inspiré ce roman sans le savoir.
Fais de ta vie un rêve, et d’un rêve, une réalité.
Antoine de Saint - Exupéry
P REMIÈRE PARTIE
L’invitation au voyage
Chapitre 1
Le client de la quatre n’arrête pas de regarder mes fesses. Chaque fois que je me retourne, j’ai l’impression qu’un brasero irradie mon postérieur. Pas seulement mes fesses. Mes jambes aussi. Il paraît que ce sont les plus belles de toutes les serveuses du café. Alors le patron exige que je revête l’uniforme obligatoire : minijupe moulée à la louche. Je n’ai rien contre, sauf qu’il n’est pas très pratique de marcher pendant les huit heures réglementaires avec une gaine qui vous comprime le séant comme un étau élastique, et dont vous devez, à tout moment, vous assurer qu’elle ne remonte pas trop haut. Lorsqu’il faut se baisser pour ramasser une cuillère qu’un admirateur un peu trop voyeur fait tomber ostensiblement, je suis obligée de me soumettre à des contorsions dignes d’une acrobate. À part cela, j’aime ce métier qui m’a sortie de ma campagne valaisanne et qui me permet de rencontrer plus de personnes en une journée qu’en un mois dans le petit village où habitent encore mes parents.
Avec sa chevelure en désordre et sa barbe hirsute, le mateur a tout l’air d’un hippy attardé, un rescapé des années soixante. Il me fait signe d’approcher. Il doit vouloir une nouvelle bière ; il en a avalé déjà trois. Ses yeux brillants en témoignent ainsi qu’une couperose prononcée qui tente de se frayer un chemin au milieu d’une toison déjà argentée par l’âge.
– Mademoiselle, que faites-vous ce soir ?
Il n’y va pas par quatre chemins, le bougre. Direct. D’habitude, à ce genre de proposition, je réponds par une pirouette : que j’ai rendez-vous avec mon amant ou que je dois aller voir ma mère malade. Ses yeux se plantent dans les miens. J’y lis une attraction magnétique, je me sens littéralement happée par une énergie inconnue, avant de m’entendre dire :
– J’avais prévu d’aller au cinéma avec une amie.
– J’ai mieux à vous proposer.
Je vois déjà le tableau : resto romantique, une ballade au bord du lac et un petit coup chez lui. Réveil avec la gueule de bois et adieu pour la vie. Je sors à peine d’une aventure similaire, après avoir été larguée comme un sac-poubelle.
– Je vous emmène à Nice.
– À Nice ! Mais il faut au moins une journée pour y aller.
De nombreuses rides viennent soudain accompagner un sourire dans lequel je ne lis aucune malice.
– Deux heures à peine. Deux petites heures au-dessus des Alpes. Spectacle garanti avec ce beau temps.
J’ai du mal à saisir ce qu’il m’annonce. Au loin, la chaîne des Aravis me fait un clin d’œil. Le soleil s’y reflète sur un glacier complice. Je comprends enfin qu’il me propose une balade en avion. Je n’ai jamais volé de mes propres ailes, a fortiori dans un tel engin.
– Et que ferons-nous à Nice ? On a déjà tout à Lausanne : le lac, les bateaux, la promenade au bord de l’eau, les grands hôtels… et même un ciel d’azur.
– Il manque quand même la « grande Bleue », la Promenade des Anglais, le Casino et surtout le bon restaurant où nous dînerons ce soir.
Nous y voilà : le resto. Je croyais qu’il allait se montrer plus original.
– Vous me proposez juste une aventure passagère avec un peu plus d’exotisme. Je vous ai dit que j’avais rendez-vous avec une copine. Et d’ailleurs, je ne sais même pas pourquoi je vous réponds.
Son visage devient plus doux, comme si une caresse s’y était posé.
– Parce que ma proposition vous attire. Je le vois dans votre regard… magnifique au demeurant. Imaginez -vous sur la Côte d’Azur , dans la salle du Grand - Balcon , savourant un bar au beurre en observant les palmiers et, au loin, les yachts qui se dandinent sur la mer devant un coucher de soleil comme vous n’en avez jamais vu. Fermez les yeux et transportez-vous là-bas. Après dîner, je vous promets, on rentre directement en Suisse . Parole de montagnard.
Je ne sais plus quoi lui répondre. Je me sens devenir toute molle, comme s’il m’avait anesthésiée. Alors, pour me donner une contenance et ne pas m’affaler sur le parquet, je quitte sa table en lui disant :
– Excusez-moi, j’ai un client qui attend sa consommation.
– Je ne suis pas pressé, vous savez. Mais si nous voulons arriver pour le repas, il nous faut partir d’ici une petite heure. Le plein est déjà fait et le Cessna prêt à décoller.
Cela doit être la marque de l’avion. À quoi peut-il bien ressembler ? Aucune idée, mais il ne doit pas être grand. Un frisson descend jusqu’à mes chevilles, signe d’une trouille irrationnelle. Ma fille, tu es déjà en train d’accepter, de te faire à l’idée. Toi qui voulais juste rentrer chez toi pour regarder ta série américaine préférée, te voilà plongée dans un film d’aventures. En plus, demain est mon jour de repos. Pourquoi veut-il que nous rentrions ce soir ? En outre, il va faire nuit. Voler dans l’obscurité, cela doit être angoissant. D’ailleurs, je me demande comment il peut s’y prendre. Non, le mieux est de refuser. Tout ceci n’est pas raisonnable. Je ne sais rien de lui. Si cela se trouve, il n’a pas plus d’avion que je n’ai de voiture ; il veut juste me draguer en me faisant miroiter une alouette en acier. Et puis, pourquoi aujourd’hui, pourquoi ce soir ? On pourrait attendre le week-end, se connaître un peu mieux avant que j’accepte. Quel âge peut-il avoir ? Au moins quarante ans, alors que je n’en ai que vingt-cinq.
Un nouveau client arrive. Je me précipite sur lui, comme vers une bouée de sauvetage. Il est à peine assis que je lui demande ce qu’il souhaite boire. Il me regarde étonné, comme si j’étais une demeurée. Le feu me monte aux joues, je dois ressembler à un coquelicot isolé au milieu d’un champ de blé. Je baisse les yeux pour tenter de me cacher. Une vraie autruche.
– Remettez-vous mademoiselle. Je veux juste un expresso et le Journal de Genève. J’ai tout mon temps.
Je balbutie un borborygme inaudible en essuyant sa table. Le plateau que je tiens de l’autre main penche si dangereusement que mon interlocuteur doit s’en saisir avant qu’il ne tombe sur son pantalon. Mon postérieur m’indique que cette scène fait l’objet d’une attention toute particulière de la part de mon aviateur. Je suis sûre qu’il a remarqué mon trouble qui doit se voir dans la salle entière.
– Mademoiselle, nous sommes en Suisse, pas à Paris. Comme on dit chez nous : on prend son temps, on n’est pas aux pièces.
Il me rend le plateau avant que je m’enfuie pour me réfugier derrière le comptoir. La machine à café m’est d’un grand secours ; elle permet de me dissimuler. Nicolas qui effectue le service de l’après-midi comme moi m’observe, la commissure des lèvres amusée.
– Qu’as-tu Gilberte ? Tu ne m’as pas l’air dans ton assiette. C’est le client de la quatre ? Il n’arrête pas de te mater, le vieux pervers.
– Je suis juste un peu fatiguée. Je n’ai pas beaucoup dormi cette nuit.
– Un homme ? Encore un chanceux !
Mon collègue ne m’a jamais caché les vues qu’il avait sur moi, sans toutefois en faire trop. Je pense que sa tactique consiste à attendre que je craque, et que je me réfugie dans ses bras par lassitude ou un soir de solitude dépressive. Il est charmant, un assez beau garçon ressemblant à Romain Duris, mais j’ai jusque-là résisté à ses avances. Je ne souhaite pas mélanger le travail avec mes amours, fussent-elles occasionnelles. En outre, il est un peu trop jeune pour mon goût. J’ai toujours préféré les hommes murs. Le besoin d’être protégé sans doute.
– Non, juste une insomnie.
– Comment il s’appelle cette insomnie ?
– Arrête. Tu sais bien que tu n’es pas mon genre. Je retourne à mon taf.
Je fais très attention à ne pas glisser sur le plancher trop huilé du bar. J’ai l’impression que tous les regards convergent vers moi, attendant la chute que mon comportement précédent laisse présager. Je me concentre sur ce fichu plateau que je ne manie pas encore assez bien, surtout lorsqu’il est chargé

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