L enfant maudit
54 pages
Français

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Description

L’Enfant maudit, Roman Jeanne Arnault est internée depuis quinze ans dans un hôpital psychiatrique. Antoine Avempace, docteur en psychologie, souhaite écrire sa biographie afin de comprendre les raisons qui ont poussé cette jeune femme au meurtre. Mais petit à petit, le doute s'installe. Et si elle était innocente ? Ce roman est avant tout un hommage à l'enfance et un hymne à l'amour.

Informations

Publié par
Date de parution 11 février 2016
Nombre de lectures 19
EAN13 9782312010274
Langue Français

Extrait

L’enfant maudit

Sandrine Lefebvre-Reghay
L’enfant maudit














LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-01027-4
Avant-Propos
Ce roman est le résultat d’un long cheminement intérieur.
La seule prétention de cet ouvrage est peut être de vouloir crier haut et fort que nous, adultes bien pensants, n’avons pas le droit de saccager des êtres qui représentent notre avenir, notre seule raison de vivre, et même notre seul exemple d’Innocence et d’amour.
Dans cet esprit, je le dédie à tous les enfants d’ici et d’ailleurs, à tous ceux dont les souffrances sont muettes, aux petits bouts abandonnés, battus, affamés, décimés par les guerres… À tous ceux-là, mais aussi aux autres.
Je le dédie également et, dans mon devoir de mémoire, à tous ces enfants connus ou inconnus des camps de concentration hitlériens. A ceux-là qui ont vécu l’horreur la plus totale, la démence humaine dans toute sa splendeur, je me devais de rendre un hommage particulier.

Enfin, j’offre en héritage ce petit bout de vie à Sarah, Yanis, Meriem, Lyna et Aya, mes enfants que j’aime passionnément et qui, par leur métissage et leur religion, doivent parfois subir les affronts et le racisme.























L’enfance,
Qui peut nous dire quand ça finit?
Qui peut nous dire quand ça commence?

Jacques BREL

Chapitre I
… Il parait que ce jour-là, le printemps s’éveillait enfin. Une pluie fine battait à un rythme régulier et doux les vitres de la pièce. Un vent espiègle brassait l’air tranquille avec d’infinies précautions.
Quand ma grand-mère m’a vue pour la première fois, elle s’est exclamée :
« Qu’elle est laide ! »
Il est vrai qu’un enfant est laid à la naissance. Il est joufflu ou squelettique plein de liquide amniotique qui s’incruste dans ses cheveux. Un enfant à la naissance est un moribond affreux et revanchard de cette extraction soudaine qu’il n’a pas toujours voulue; une chose que l’on ne sait par quel bout prendre et que l’on ne comprend pas.
J’ai toujours été fascinée par ces hypocrites qui vous rendent visite à la maternité en se mettant à gazouiller comme des débiles, en jurant qu’il vous ressemble ou qu’il a bien des airs de son père.
« Oh, ce qu’il est beau ! »
L’affreux petit canard s’est à peine remis du passage du col qui l’a rendu violacé qu’il est déjà l’objet de la plus grosse arnaque des mots.
Ma grand-mère, elle, a dit la vérité.
Les mères ne s’attardent pas sur ces détails. L’instinct a pris le dessus. C’est leur chose, leur création qu’elles exposent à qui voudra, sans pudeur aucune. Enfin, quand elles ont l’instinct !
Apparemment, la mienne ne l’avait pas. Elle était comme étrangère à tout ce qui se passait autour d’elle, hermétique au monde qui l’entourait. Personne n’était capable de dire ce qu’elle pensait réellement, ce qu’elle voulait. Le savait-elle au reste? Coincée entre sa libido et ses désirs qu’elle était incapable d’exprimer, c’était un cadavre joliment enveloppé, inculquant, à qui le souhaitait, caresses et volupté. Une ombre qui dans le monde libertin de Sade eut été élue reine, mais inexistante dans le monde des idées.
C’est dans cet univers que j’ai commencé ma vie.

« Bonjour monsieur. »
« Au revoir monsieur. »
Et mon père toujours absent ! Où est-il ? Au travail ! Il doit être très important son travail. Je ne le vois jamais sauf quelques matins où je me lève, la nuit toujours aussi noire, pour tremper un sucre dans son café fumant. Comme à l’accoutumée il ira dans la cuisine, tâtonnera au-dessus du frigo pour trouver le porte-monnaie de maman. Il y prendra les quelques sous qu’il lui aura donnés la veille, puis se sauvera comme le voleur qu’il était, sans avoir omis de me baiser rapidement le front.
Et comme à l’accoutumée, maman comptera le soir chaque centime chez le boucher à côté du Leclerc, pour acheter à ses deux petites larves la moitié d’un bifteck.
Un jour, il n’y a plus eu de sucre dans le café du matin. L’absent, comme j’aimais à l’appeler, ne rentra plus tard le soir. Était-il mort ? Personne n’abordait le sujet devant nous.

Mon jumeau, beaucoup plus détaché des choses, ne se posait pas de questions. Il mangeait, dormait, allait à l’école… Bref ! Il vivait sa vie. Qu’avait-il à faire d’autre ce petit bout de rien qui pendant bien longtemps a été plus petit que moi ? Il paraissait si fragile et pourtant si décidé dans tout ce qu’il faisait ! J’aimais puissamment ce petit être, mon penchant naturel de justice sans doute. Lorsque ma mère le frappait, tant et si fort que je me demandais s’il en réchapperait, je me tapais la tête à répétition sur le mur de ma chambre jusqu’à ce que ses cris soient moins perçants et que ma mère soit sortie de la sienne. Alors je me faufilais discrètement près de lui. Son petit corps sanglotant vibrait au rythme des spasmes qu’il n’arrivait pas à étouffer. Je ne savais que faire et nous restions là, côte à côte, sans mot dire.
Oui, il tenait le coup, tenace, semblable à la mauvaise herbe qu’on tente d’éradiquer, mais qui ne s’avoue jamais vaincue. Remarquez bien comme elle repousse toujours à la même place ; écoutez maugréer le maître du temple des sens. Mon frère était de cette graine-là, égal au roseau de la Fontaine. Ce sera un gagnant plus tard. Tout est dans le non dit, la discrétion et le courage de vivre.
… « Non maman ! Non ! Tu es encore saoule et nous n’irons pas dans la voiture. Il fait nuit, il pleut. On a froid. Où veux-tu aller ? Aurais-tu, pour une fois, décidé de faire autre chose que d’être passive ? Mais pourquoi ce soir ? Nom d’un chien j’en ai marre de te surveiller sans cesse ! Qui est la mère, qui est la fille ? Tu as complètement perdu la tête ma pauvre. Tu titubes, tes talons trop hauts vont bien flancher à la façon que tu as de les maltraiter. Nous ne pourrons pas te porter… Nous sommes trop petits ! »
Nous voilà dans un champ. Encore une chance que la voiture ne se soit pas retournée. J’étais sûre que ça se terminerait comme ça. Mon petit bout de rien pleure. Je lui prends la main et la serre doucement. T’inquiètes pas petite miette, le pire est passé.
Comment sommes nous rentrés ? Je ne m’en souviens pas. Une chose est sûre, je n’ai jamais autant apprécié notre maison, autant qu’à cet instant où nous franchissons le seuil, la chaleur du foyer… Un jour, j’en aurai un c’est certain. Tout y sera en harmonie jusque dans les moindres détails : des doubles rideaux à la couleur des banquettes et des tapis, aux bibelots. Des livres partout, une montagne de livres, un parquet vitrifié et la cheminée pour les longues soirées d’hiver. TOUT ! J’aurai un chien et des enfants. Il n’y aura pas d’alcool dans les placards et un rien nous rendra heureux.
Plus tard, j’aurai un travail important et tout le monde me respectera.
On me donnera du « madame par-ci », du « madame par-là ». Et moi, je sourirai. Gavée de leurs flatteries, intérieurement, je me gausserai de leurs faux airs amicaux et les tournerai en ridicule, juste pour mesurer l’étendue de mon pouvoir sur ces personnes sans caractère qui suivent le cours des marées, bon gré mal gré, et qui comme Elle, ne diront jamais réellement ce qu’ils veulent ou ce qu’ils pensent.
Mes études seront brillantes, sans égales et d’un tel niveau, que mes bourreaux d’hiver viendront à genoux me demander pardon de leurs inexcusables exactions. Oh ! Que non, je ne verserai pas de poison dans leur verre, telle Judith, mais croyez-moi, écoutez bien :
« Les têtes tomberont tout comme celle d’Holopherne. »
Les plus hauts dignitaires du pays, peut-être même du monde entier, salueront mon génie, et, enfin, je pourrais m’asseoir devant ma glace et me dire : « Regarde, tu as réussi ! »
Je ne flancherai pas. Ils seront obligés de m’admirer car j’aurai des talents qu’ils n’auront jamais…
Je me vois déjà à la tête de cette tribu, fière d’avoir réussi et surtout de ne pas lui ressembler.

« Bonjour monsieur. »
Tiens celui-là reste. Cela fait longtemps que je n’ai pas vu l’Absent et il me manque cruellement. Je n’ai pas besoin d’un autre père, je n’ai pas été faite dans la rue à ce que je sache.
Mais où l’a-t-elle pêché celui-là ?
Il est rouquin, un peu obèse, les yeux verts de vipère, les mains noires de graisse. Il n’a aucune manière, pas une once de charme, des dents horribles, les joues pleines et

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