L histoire d un mec
74 pages
Français

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L'histoire d'un mec , livre ebook

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Description

Eric vient de se faire plaquer par sa femme. Bien sûr, il n'a rien vu venir. C'est l'histoire d'un mec...

Informations

Publié par
Date de parution 19 décembre 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312019444
Langue Français

Extrait

L’histoire d’un mec

Valérie Mazeau
L’histoire d’un mec













LES ÉDITIONS DU NET
22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013
ISBN : 978-2-312-01944-4
Il était une fois Éric
Il était une fois É ric.
Un roi de Norvège, me direz-vous. Le roi des Cons, selon l’intéressé. Oui, É ric s’est auto proclamé roi des Cons, ce genre humain extrêmement répandu selon lui (Coluche aurait été d’accord), le jour où Virginie, sa femme, la mère de ses deux enfants, l’a quitté.
Même que, dans la lancée, Éric nomina sa femme aux Oscars des connasses, ce qui correspond, en version française, au titre honorifique de reine des Salopes. Par la même occasion, il attribua ce label de qualité à l’ensemble des peuplades femelles colonisant notre planète. Souhaitant, le jour de cette double nomination aux trônes, que sa Virginie aille se faire voir chez les Grecs ou se faire sauter par les Turcs. Un tour d’horizon méditerranéen, certainement par jalousie pour ces indigènes beaux parleurs aux yeux de velours. Éric, dit le Taiseux. Au regard de hareng saur, selon son ex.
Éric profita de cette double nomination pour vider son sac, qui n’était qu’à moitié plein. Une petite moitié de pas grand-chose, si peu à reprocher à cette femme de quarante-quatre ans, rencontrée sur les bancs du lycée, au temps des premières masturbations. Cette jeune fille sérieuse qui l’aidait à faire ses devoirs pendant qu’il laissait traîner son regard acnéique dans le décolleté de ses corsages, de la copine bien pratique parce qu’elle récupérait les sujets de contrôle de maths que son prof de papa laissait traîner.
Puis devenue une jeune femme à la poitrine épanouie et aux dents longues, épatée par la grande quincaillerie des parents d’Éric qu’elle se voyait déjà diriger, gourmande mais sans excès, vite mariée et s’étant laissée convaincre des bienfaits du coït dominical (au petit matin du dimanche, deux heures et trente minutes précisément avant d’aller chercher les croissants du dimanche) et de la fellation bisannuelle : le jour de l’anniversaire du roi Éric et le jour du Nouvel An.
Une épouse gestionnaire, la bosse des maths génétiquement paternelle, responsable de la comptabilité, une femme sur qui É ric a pu compter pendant vingt ans. Une madame Toujours Plus, ce qui développa, chez notre héros, la capacité à ne rien faire.
Et l’inévitable usure du quotidien. Madame la commerçante en demande d’expansion sociale. La quincaillerie des parents d’Éric qui, au fil des ans, la rendait honteuse avec toutes ses vieilleries. Virginie sortie d’un coup de sa fadeur pour proposer des idées très saugrenues du genre rénover le magasin et tous ses articles, du genre à vouloir tout changer, troquant ses lunettes de la Sécu contre une nouvelle paire hors de prix, branches larges et aussi chromées que des casseroles nouvelle génération. Madame Virginie qui, à cause de ses nouvelles lunettes, commençait à voir tout en grand, des idées larges plein la tête et forcément, un amant, pour dépoussiérer son intimité. Femmes à lunettes, femmes à…, aurait dit Coluche.
Sans parler des enfants sangsues, un garçon et une fille - le choix du roi Éric, ponctionnant, dès leur plus jeune âge, leur mère de son lait, de son énergie, de son temps. Devenus deux ados très exigeants, au point que Sainte-Mère Virginie se mette à dormir à poing fermés tous les dimanches matins après avoir fait taxi dans la nuit pour ramener ses petits chéris de leurs soirées privées. Au point qu’Éric, après de fâcheuses abstinences, se sente obligé de boycotter la boulangerie. Pas de coït, pas de croissant. De la petite vengeance qui ne mange pas de pain. Bref, une vie effervescente. Et Éric, roi des Aveugles, qui n’avait rien vu venir. Qui aurait dû, lui aussi, changer de lunettes.

Éric et la conseillère
– Je vous écoute, cher monsieur.
– Ah, non ! C’est moi qui vous écoute ! C’est quoi, cette lettre de convocation ?
– C’est pour faire le point sur vos recherches d’emploi.
– C’est mon arrêt de mort, c’est ça ?
– Tous les demandeurs d’emploi sont traités comme vous.
– Et vous faites aussi les affiches avec nos portraits robots ?
Éric est devant la conseillère du Pôle Emploi, une bonne grosse pouliche d’environ trente ans, la mâchoire chevaline et la croupe large, de la jument hors concours dans son box des accusés. Ici, entre deux cloisons en carton, la chaise électrique pour les demandeurs d’emploi, jugés par des conseillers en perruque poudrée, présumés coupables. Accusés, levez-vous.
– Asseyez-vous. Votre nom ?
- Le roi des Cons.
-…
- Non, je blague.
– Je m’en doute.
– En fait, je suis un roi scandinave.
– …
– Avant moi, le prénom Éric a été porté par quatorze rois de Norvège et sept rois du Danemark. Impressionnant, non ?
La conseillère lève son regard furieux vers notre héros des temps modernes. Celui-là, va pas falloir qu’il la cherche. Déjà qu’elle commence à maudire ce chemisier acrylique acheté en solde, qui lui gratte furieusement les aisselles. Complètement inadapté à sa morphologie plantureuse et aux réunions interminables dans cette salle surchauffée. Tout ça pour entendre parler pendant toute la matinée de ces Nouveaux-dispositifs-de-l’emploi-dont-tout-le-monde-se-fout.

– Nom, prénom et situation familiale.
- Ma femme est partie avec un autre.
- C’est des choses qui arrivent.
- Oui, à moi, par exemple.
– Je vois.
– Les femmes modernes, ça ne recadre plus les mecs. Ça se barre direct.
La jument rumine. Vraiment, c’est pas son jour de chance. Aujourd’hui, le foin est rance et le tiercé est perdant, entre la réunion à laquelle elle n’a rien compris, ce chemisier tellement décevant, et pour couronner le tout, ce type avec sa mine horripilante de macho. Encore un qui a une bite dans la tête, qui se prend pour un étalon surclassé, qui vous écrase d’un regard suffisant, surtout quand vous n’avez pas la croupe de Brigitte Bardot. Celui-là, elle va se le faire. Suffit de lui sortir un petit dispositif de derrière les fagots, et crac, on coupe tout. Les allocs et les bourses. Castration définitive.
– Donc, à part vivre seul, vous savez faire quoi dans la vie ?
- Des enfants.
- Mais encore ?
- Hé, minute ! J’ai réussi à en faire deux.
– …
– Un garçon et une fille. Pas si mal, pour un mec loser .

Éric laisse son regard errer dans ce hall immense. Pour lui, c’est la découverte totale. Jamais il n’était venu traîner ses guêtres chez les Zorro de l’Emploi. Et devant ce spectacle affligeant de hall de gare plein d’exilés en transit, il se met à fredonner la chanson triste interprétée par un clown moitié chauve. La complainte pathétique du mec qui espère juste que sa femme est partie pour un autre que lui mais pas à cause de lui. Dites-moi, dites-moi, qu’elle est partie pour un autre que moi… D’un coup, le silence s’installe dans ce vaste espace et tous les regards convergent vers Éric, qui, fort de cette notoriété nouvelle, se met à chanter à pleins poumons puis se lève dans un mouvement noble, monte sur la grande table centrale, piétine les brochures à blabla et reprend le refrain de plus belle. Une ambiance incroyable. Un trémolo digne d’un esclave noir. Le plaidoyer du révérend Gospel. Les applaudissements fusent. C’est pas tous les jours qu’on s’en paie une tranche, au Pôle Tartine de Merde. La conseillère est médusée, sa mâchoire chevaline suspend son vol. Tous les mecs qui, eux aussi, ont été un jour plaqués par une femme, viennent féliciter Éric. Certains lui proposant même de monter un club d’ex-maris victimes de leurs salopes d’épouses.
– Allô ?
Les naseaux de la jument commencent à fumer noir. Cet abruti, face à elle, qui n’a même pas la décence de la regarder quand elle lui parle. Qui, au lieu de répondre à ses questions, tourne la tête ostensiblement pour mater dans le hall. Encore un chasseur de femelles. É ric, fine mouche, sentant les ondes électriques de l’orage imminent, ramène alors son regard vers la conseillère. Retour à la triste réalité. Cette gloire musicale

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