L’indigné, la rage au cœur
233 pages
Français

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L’indigné, la rage au cœur , livre ebook

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Description

Jos a 17 ans et du vague à l'âme. Entre le pensionnat où il se morfond, le poids d'une éducation où le respect dû aux anciens l'emporte sur la vérité et les premiers tumultes de sa sexualité, son envie de liberté est totalement étouffée. Pourtant, en cette année 1974, sa vie va être bouleversée. Dans cette décennie qui suit Mai-68, les choses bougent enfin en France, jusque dans les bourgades provinciales. Les jeunes veulent vivre et ne plus subir, les femmes veulent disposer de leur vie, de leur corps et ne plus obéir... Jos se trouve pris dans une spirale d'événements qui le met à la croisée de son destin. Entre chronique d'un pays qui change et roman d'apprentissage d'un ado "comme les autres" en lequel pourront se reconnaître plusieurs générations , Jean-Luc Mimault écrit un texte époustouflant de réalisme, aux dialogues incisifs, et dont les échos se prolongent de nos jours dans le perpétuel combat pour la liberté et l'égalité des femmes.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 15 décembre 2009
Nombre de lectures 3
EAN13 9791096394098
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

L ’indigné,
la rage au cœur
À propos de l’auteur
Né à Bressuire dans les Deux-Sèvres, Jean-Luc Mimault passe son enfance et son adolescence à la campagne. Après cinq ans d’armée, il entre à l’école du Cirque, découvre la vie parisienne et le métier d’acteur. En manque de grand air, sur un coup de tête, il prend le bateau pour le Canada. À Montréal, il écrit un premier script de long métrage pour le cinéma qui obtient une bourse de l’European Script Fund puis participe ensuite à l’élaboration de projets avec des productions francophones en Suisse et au Québec. Comédien, acrobate, nomade, un carnet de notes en poche, il parcourt le globe, fait divers métiers (bûcheron, chauffeur, docker…), se nourrit pour l’écriture qui ne le quitte plus.
L’auteur a bénéficié,
pour la rédaction de cet ouvrage,
du soutien du Centre National du Livre
Ouvrage paru aux éditions Tournez la page
sous le titre La Rage au cœur
Jean-Luc Mimault
L ’indigné,
la rage au cœur
À mes filles, Carla et Violette.

« On ne fait pas ce qu’on veut et cependant on est responsable de ce qu’on est. » Jean-Paul Sartre
« Au milieu de l’hiver, j’apprenais enfin qu’il y avait au fond de moi un été invincible. » Albert Camus
U N MILITAIRE dans la maison, les troupes de curieux aux aguets dans la cour pour l’événement du jour, je pris la poudre d’escampette. La copine de ma sœur n’avait rien trouvé de mieux que de flanquer sa main dans la gueule de Renardo ! Forcément qu’il l’avait crochetée avec ses canines. Il avait eu peur ! Connasse d’Alice !
Je l’avais emmenée dans le garage pour l’embrasser. Maintenant, Alice, je te hais !
– Il va revenir nom de dieu !
Son père, colonel à la retraite, aurait voulu mettre le village à feu et à sang. Il se croyait en Algérie, exigeait de tuer l’animal, faire un prélèvement du bulbe rachidien pour savoir s’il avait la rage. Il voulait tuer juste pour se rassurer. Moi, je courais à en perdre haleine, propulsé hors du bourg comme une fusée. Même la voix du vétérinaire ne me détourna pas de cette fuite éperdue. Pas question de tuer le renard !
– Je vais te protéger !
J’avais bifurqué par la petite route et remonté le verger au-dessus de l’école maternelle. Le colonel à mes trousses, je le vis au volant de sa voiture vriller sa tête en tous sens. Je plongeai dans la première brèche. Tenant l’animal contre ma poitrine, m’écorchant au passage, je rampai pour le protéger des épines. Complètement essoufflé, je m’enfonçai dans les broussailles, longeai un champ et sautai dans un chemin de terre. Devant moi, parmi les dômes verdoyants, se dressait le château d’eau, énorme champignon de béton dans sa laide pelure grisâtre. Au loin, en contrebas, la lumière déclinante confondait la végétation et les habitations de la bourgade bientôt englouties par la nuit. Des reflets roses traçaient des courbes enchevêtrées dans la pâleur étalée à l’horizon. Tout à l’ouest, l’embrasement du ciel, comme un feu sur la ligne des bois, répandait ses fumées en bande de nuages striés, roussis et diaphanes.
– T’inquiète. Ils te tueront pas.
Craintif, le renard se laissa bousculer contre ma respiration haletante. J’avais couru pour m’enfuir. Maintenant où me réfugier ? Les grands-parents maternels habitaient dans une ferme sur la commune voisine. Ils ne m’aideraient pas à sauver un renardeau. M’opposer au colonel Bondrand me classait d’entrée dans la rébellion et l’anarchie. Je n’y connaissais rien en politique mais, à coup sûr, le pépé, voyant mon poil au menton, me cataloguerait d’emblée parmi les barbus, socialos, syndicalistes et fainéants. En protégeant un animal de la mort et en recherchant sa liberté, sur-le-champ, je devenais aussi nuisible. J’étais traqué avec une peine de mort qui l’attendait. L’horreur ! Étiqueté, fiché, détruit et rayé de la carte, pas question ! Le regard mobile, je fouillai dans la nuit, une nuit chargée de craintes, drapée d’ombres menaçantes semblables à des juges en toge noire.
Appuyé contre le muret d’un petit pont, je repris mon souffle. Des algues, accrochées aux roches, ondulaient sous le murmure apaisant d’une rivière, se perdaient dans les hautes herbes et la nuit. Le renard bâilla, montrant ses gencives roses puis poussa son premier glapissement. Il plongea sa gueule effilée dans l’eau et but à grandes lampées. À mon tour, j’y trempai une main pour m’asperger la nuque et le visage.
Deux fois, il m’avait mordu. Tchac ! En un clin d’œil ! Normal avec tout ce remue-ménage, il avait eu peur !
Sur un relief chamboulé par l’obscurité, je longeai la berge. Happé par des souvenirs du grand-père paternel, je le revis remballer ses gaules et son filet de pêche. « Nom de diou ! Qu’est-ce que t’as fait que ta mère va encore s’inquiéter ? Y a pas d’idée que t’as pas ! » J’accélérai le pas, me surprenant à lui parler, à lui dire que la nuit tombe plus vite que le jour. Depuis son décès, les mois et les semaines s’étaient égrenés sur les calendriers scolaires avec les lunes et les saints réunis. Rien n’avait changé dans ma tête, rien. J’avais enquillé les années de pensionnat, résigné, dès la sixième. Je supportais les journées plus facilement que moi-même. Le dimanche soir, je ressentais toujours un grand vide à l’idée de retourner à l’école, un âpre goût de cendres. Si le pensionnat ressemblait à une prison, la solitude m’avait appris à réfléchir en préservant au fond de moi le désir de partir.
Un faisceau lumineux balaya la crête des arbres au loin et le ronflement d’un moteur troubla le silence. Une voiture passa à vive allure. Le renard crispa ses muscles. La fatigue dégringolait. Jambes lourdes. Chemise trempée. Les gouttes de sueur chatouillaient ma nuque. Et la soif ! La soif ne me lâchait plus, ni la vision d’une boisson fraîche qui va avec.
Le jappement d’un chien enroué nous fit sursauter. Cherchant à fuir, le renard entailla ma main qui le retint. Rien senti. Juste vu ses mâchoires, dents acérées, rapides comme l’éclair.
– N’aie pas peur ! On arrive !
Les premières étoiles se frayèrent un passage à travers les nuages. La masse obscure de la maison de Guste s’élevait sur la butte. Il m’avait confié l’animal pour le sauver d’une battue. Lui seul pourrait comprendre.
Une lampe projetait des ombres sur la moitié du potager. Je poussai la petite grille de l’allée, frappai aux carreaux et la porte s’ouvrit aussi sec.
– Sacré nom de nom ! J’étais sûr que tu viendrais.
Miné d’inquiétude, Guste s’immobilisa avant de disparaître. Il revint avec une serviette et du linge.
– Essuie-toi que t’attrapes pas froid ! Change-toi ! Tiens ! Des vêtements de mon neveu. C’est propre et sec !
Sa pendule indiquait minuit.
– Sacré renard ! Moi aussi je suis un vrai gamin !
Il ouvrit son réfrigérateur, en sortit une terrine en grès qu’il posa sur sa table en balayant de sa manche les miettes éparses.
– Tu dois avoir faim ?
J’avais surtout soif. Je bus à m’en étouffer la glotte.
Effarouché, le renard s’était calé le postérieur sous une chaise.
– Ils veulent le tuer à cause de la rage !
– Oui, je sais. Ta mère a appelé. Faut pas rigoler avec ça. Demain tu files chez le toubib. La rage attaque le cerveau et emporte un individu en deux mois !
Saisi d’angoisse, je présentai ma main.
– Va te savonner. Je vais te désinfecter. Mais y a aucun cas de rage recensé dans la région et une bête malade n’est pas aussi vive et si craintive.
– Pourquoi le faire mourir alors ?
– Parce que la loi a ses exigences. Et la santé, c’est sérieux ! Pour savoir s’il a la rage, c’est plus rapide, surtout plus facile de le tuer !
– Les chiens, eux, peuvent mordre, pas les renards !
Décontenancé, Guste hocha la tête.
– Jos ! Dans notre société, on va au plus vite et au plus facile. C’est comme ça et j’ai bien peur que ce soit encore pire à l’avenir.
Il posa une boîte à pharmacie sur la table et s’installa face à moi.
– C’est un animal sauvage ! marmonna-t-il. Sa place est dans la nature.
– Pourquoi t’organises des battues alors ?
Guste dévissa le flacon d’antiseptique, me saisit le poignet et badigeonna un liquide jaunâtre.
– Pourquoi tu réponds pas ?
– Bon sang ! s’emporta-t-il, l’œil torve, s’en prenant presque à lui-même. Tout change, tout bouge avec le progrès… même s’il n’est pas des plus logiques qui soit. Y a des codes, des règlements… Depuis que je travaille à l’office national de la chasse, j’ai jamais chassé ! Tu le sais. Je me bataille contre ceux qui ne respectent pas la nature et les viandards qui massacrent le gibier le jour de l’ouverture.
– C’est eux les sauv

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