La derniere chance

Camara Nangala

Description

Lôtchô ne ferme pas l’œil de la nuit. Elle souffre. Elle sait que les paroles prononcées par sa mère sont des paroles de résignation et d’abandon, de douleur et de calvaire. Kati ne dort pas non plus de la nuit. La discussion avec Lohonan est survenue bien mal à propos. La torture morale qui lui a été infligée en ajoute infiniment à la douleur physique causée par la maladie. Cette nuit est une des plus longues, des plus infernales de son existence. Elle se demande si telle est la rançon de la vie.

Sujets

• Littérature africaine
• Littérature Africaine
• Costa de Marfil
• Littérature africaine
• Roman
• Côte d'Ivoire
• Littérature Ivoirienne

Informations

• Publié par: Africa Reflets Editions
• Date de parution: 01 janvier 2022
• Nombre de lectures: 194
• EAN13: 9782369970262
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 7 Mo

Extrait

La dernière chance

e 2 édition

Couverture & illustrations :ARE / SILUÉ I.Kassem Maquette :ARE / KOUASSI K. Marc Mise en page :ARE / OUATTARA Awa / KOUASSI K. Marc Suivi éditorial :OZÉ G. Roger

e © Africa Reflets Éditions, 3 trimestre 2022 e ISBN : 978-2-36997-026-2 (2 édition)

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous les pays.

CAMARA Nangala

La dernière chance

Africa Reflets Éditions 01 BP 3648 Abidjan 01 [e-mail]

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e soir, la petite Lôtchô n’a pas le cœur en C fête. Elle est triste. Demain matin, le Maître la renverra à la maison. Elle n’a pas ses manuels et fournitures scolaires au complet. Monsieur Beugré a mis les écoliers en garde depuis la semaine dernière. Il les a prévenus qu’il ne les recevrait pas en classe, à compter de demain, s’ils n’étaient pas en règle. Certains ont même été déjà mis à la porte, faute d’uniforme. D’autres l’ont été parce qu’ils n’ont pas de chaussures. Lôtchô a à peine touché au repas. Sa mère s’en est inquiétée. Elle n’a pas osé répondre à ses questions pressantes. Elle risquait de fondre en larmes. Une énorme boule oppressait sa poitrine et l’étouffait. Elle a préféré détourner la tête. Son attitude n’a eu d’effet que de confirmer l’inquiétude de sa mère. Sitôt la vaisselle lavée, Lôtchô s’est retirée derrière la cuisine comme cela lui arrive chaque fois qu’elle a le cœur en peine.

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Elle se demande pourquoi une telle malchance lui tombe sur la tête. Elle n’a pourtant qu’une ambition : travailler à l’école. Pourquoi faut-il que les moyens lui manquent ? Elle s’apitoie sur son sort. Les larmes dégringolent de ses paupières et roulent sur ses joues. Ce soir, la peine de Lôtchô est immense. Elle n’a jamais été confrontée à pareille impasse. Tous ses espoirs sont ruinés. Tous ses plans s’écroulent comme un château de cartes. Quel sens donner à sa vie, maintenant que les portes de l’école lui sont désormais fermées ? Lôtchô pleure éperdument son infortune. Elle secoue par moments la tête de tristesse. Elle se demande si elle n’est pas une enfant maudite. Pourquoi le sort s’acharne-t-il de la sorte sur elle ? Pourquoi faut-il qu’elle soit accablée, si jeune, par des problèmes qui la dépassent ? N’a-t-elle pas droit, elle aussi, à un peu de bonheur ?

Monsieur Beugré est pourtant venu à la maison deux semaines après la rentrée scolaire. Pour sûr, le Maître est venu chez ses parents ! Elle en a été fière. Il s’est longuement entretenu avec son père et sa mère. Il a parlé avec insistance à son père. Il lui a dit tout le bien qu’il pense d’elle. Monsieur Beugré a expliqué qu’il fondait de grands espoirs sur elle. Il s’est dit convaincu qu’elle se distinguera l’année prochaine au concours d’entrée en sixième. Il a même souligné qu’elle est

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sage, attentive et studieuse. Il a indiqué, en outre, qu’elle est la plus jeune de sa classe. De plus, Monsieur Beugré a affirmé qu’elle est une des rares fillettes du village à avoir eu une scolarité aussi régulière depuis que l’école a été créée. Il a conclu : « Lôtchô a la capacité de poursuivre de longues études. Elle est appelée à aller loin, pour peu que nous lui donnions sa chance. C’est le genre d’écolière que tout enseignant rêve d’avoir dans sa classe. ».

C’est bientôt l’heure du coucher. Kati se demande où est passée sa fille. Elle l’appelle d’une voix quelque peu angoissée. Lôtchô sèche promptement ses larmes et quitte sa cachette. Elle se glisse discrètement dans sa chambre et se tapit sur sa natte. Elle entend des pas feutrés qui viennent de passer la porte. Elle les reconnaîtrait parmi mille autres. Sa mère vient aux nouvelles. Elle feint de dormir. Que Lôtchô aimerait s’endormir pour de bon ! Elle veut oublier. Elle ne veut penser à rien. Oui, elle souhaite s’endormir pour toujours ! Il lui plairait grandement de disparaître. Cela lui éviterait, à coup sûr, de connaître la honte d’être chassée de la classe. Si elle pouvait ouvrir le sol afin de s’y réfugier, elle n’hésiterait pas un seul instant. Kati semble rassurée de savoir sa fille déjà couchée. Elle quitte la chambre sans bruit.

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Lôtchô refuse, de toutes ses forces, de penser à ce qui se passera demain à l’école. Elle s’efforce de créer le vide dans son esprit. Elle a beau essayer de résister, rien n’y fait. Elle est ramenée à ce qui l’attend demain. Lôtchô s’imagine debout à sa place, les bras croisés. Monsieur Beugré entre en classe. Il jette un coup d’œil à la ronde. Chaque écolier arbore son uniforme et une paire de chaussures. Le Maître est satisfait. Il invite les écoliers à s’asseoir. Un instant plus tard, il ordonne : « Présentez vos manuels et fournitures scolaires. ». Elle dispose ses effets sur la table en tremblant. Elle a peur, parce qu’il lui manque deux livres, trois cahiers, deux protège- cahiers et les instruments de géométrie. Le contrôle effectué, Monsieur Beugré lui enjoint : « Retourne à la maison ! Tu ne reviendras en classe que quand tu auras ton matériel de travail au complet. ». Elle quitte la classe, la tête basse, sous les regards moqueurs de ses condisciples. Elle arrive à la maison en pleurs. Sa mère la prend dans ses bras et tente de la consoler. Quel monde injuste ! Les images qui viennent de défiler dans son esprit mettent Lôtchô hors d’elle. Elle a envie de crier son indignation et sa révolte. Elle se retourne pendant longtemps sur sa natte, sans parvenir à trouver le sommeil. Elle se sent si abattue, si fatiguée. Ses pau- pières se ferment peu à peu. Elle s’endort enfin sur cette note triste. 10