LA Geographie du bonheur
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LA Geographie du bonheur , livre ebook

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Description

« Il est impossible de délimiter la géographie du bonheur. Chacun sa cartographie. »
Après avoir assisté sa femme dans son suicide, Jaco découvre que celle-ci a longtemps mené une double vie : il y a quatorze ans en Haïti, Marine a mis au monde Clara. Avec une vieille amie bienfaitrice, Jaco quitte Montréal pour se rendre sur place afin de découvrir la vérité sur sa femme et pour remettre à Clara l’héritage qui lui est dû. Mais à son arrivée, la jeune fille a disparu.
Au contact de l’entourage de Clara, Jaco en apprendra davantage sur l’adolescente. Il fera aussi la connaissance d’une écrivaine québécoise en résidence d’écriture en Haïti, madame V., qui a pris Clara en affection et décidé d’écrire son histoire.
Cette histoire à la fois tragique et lumineuse, profondément humaine, constitue la trame de La géographie du bonheur. Un roman d’une grande maîtrise littéraire qui va droit au coeur.
«Jaco est longtemps resté dans la salle de bain, après ce qu’il appelle le meurtre de Marine. Il espérait sentir son pouls ralentir, vomir son souper. Il a invoqué l’état de choc, la perte de conscience. Il aurait voulu tomber dans les pommes, se réveiller dans le déni, vaquer à ses occupations comme si de rien n’était jusqu’à ce que quelqu’un se rende compte de ce qui se passait et appelle une ambulance.

Jaco aurait voulu qu’on prenne en charge ce qu’il avait fait.

Mais la peine qu’il ressent l’oblige à se souvenir de tous les détails ; cette peine-là insiste pour qu’il reste bien en place dans le réel. Tout devient matériel à force de souffrir : le corps de sa femme qui pourrit dans leur lit, le temps qu’il reste pour faire quelque chose.

Errant dans leurs lieux, évitant d’ouvrir la porte de leur chambre, Jaco se répète qu’il faut arrêter de se raconter des histoires. Tout ce qui se passe maintenant est cruel, mais vrai.»

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 février 2020
Nombre de lectures 2
EAN13 9782764438749
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De la même auteure
De la confiture aux cochons , coll. Latitudes, Québec Amérique, 2017.
Voix migrantes, naître ailleurs, vivre ici , Québec Amérique, 2014.
Coïts , collectif l’Orphéon, VLB Éditeur, 2012.
Aime-moi , VLB Éditeur, 2011.
Tout m’accuse , coll. Littérature d’Amérique, Québec Amérique, 2008.
Les revolvers sont des choses qui arrivent , XYZ Éditeur, 2005.
Dortoir des esseulés , Éditions des Glanures, 1999.
COLLECTIFS
Monstres et Fantômes , Hors collection, Québec Amérique, 2018.
NU , Hors collection, Québec-Amérique, 2014.
Amour & Libertinage , Les 400 coups, 2011.

BOUCHARD, Denis, Bang ! , préface et anecdotes de Véronique MARCOTTE, Éditions Michel Brûlé, 2008.



Projet dirigé par Stéphanie Durand, éditrice

Conception graphique : Gabrielle Deblois et Nicolas Ménard
Mise en pages : Marylène Plante-Germain
Révision linguistique : Élyse-Andrée Héroux
Lecture de sûreté de la présente édition : Audrey Chapdelaine
En couverture : The uncompass II , de Pascale Monnin
Conversion en ePub : Fedoua El Koudri

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. We acknowledge the support of the Canada Council for the Arts.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.


Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Titre : La géographie du bonheur / Véronique Marcotte.
Noms : Marcotte, Véronique, auteur.
Collections : Collection Littérature d’Amérique.
Description : Mention de collection: Littérature d’Amérique
Identifiants : Canadiana 20190039051 | ISBN 9782764438725
Classification : LCC PS8576.A6417 G46 2020 | CDD C843/.54—dc23
ISBN 978-2-7644-3873-2 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3874-9 (ePub)

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2020
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2020

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2020.
quebec-amerique.com



À Clara.



Manman ou pa la lalé nan maché papa ou pa la l’alé larivyè
Si ou pa dodo krab la va mange’w
Si ou pa dodo krab la va mange’w
Berceuse haïtienne



« Parce que la littérature est l’art de chercher des réponses à une question unique. »
Carlos Liscano
L’écrivain et l’autre
« Écrire c’est voir, et je me suis éloignée pour cela : voir, m’effacer, reculer, convoquer des images et marcher de côté. »
Élise Turcotte
Autobiographie de l’esprit


1
La nudité de Jaco qui déambule dans son appartement lui donne l’impression d’être blanchi du meurtre de Marine. Il se sent par à-coups effacé de sa honte, de sa douleur, de ce verre de Château Petrus gâché, de cette violence soudaine.
Il est bien loin de l’idée de la mort. Il ignore tout de la mort, le Jaco.
Le corps de sa femme repose dans leur lit depuis la veille. Sur les draps, un soupçon d’elle, une fragrance d’elle qui décante dans la poussière. La peau diaphane de son visage s’abandonne sur l’oreiller.
Soulever sa femme pour l’envoyer à la morgue est impossible. Jaco préfère qu’elle reste là.
Jaco aime Marine. Il l’aime depuis leur premier brasier. Ça n’a pas toujours été simple de rester ensemble. Marine était une femme impulsive qui aimait s’évaporer, aller au gré de ses envies changeantes, de ses fantaisies. Jaco, disait-elle, l’apaisait. Il était celui qui restait là, debout au milieu d’eux, et qui attendait que se berce la tempête de sa blonde. Avec le temps, Jaco en riait, mais au début, il n’était certain de rien. Marine laissait une note sur la table, « Partie jouer dehors, je t’aime », puis rentrait des jours plus tard, l’air allègre, les boucles de ses cheveux en bataille, l’haleine festive. Elle disait t’en fais pas , puis déposait son sac et s’effondrait sur leur lit, épuisée, sourire en coin. Jaco aimait son électron libre. Il ne lui a jamais reproché ce besoin d’autonomie. Il connaissait Marine. S’affranchir lui était nécessaire. Faire ce qu’elle voulait quand elle le voulait. Et quelque part, il y avait Jaco, son grand chêne, solide et incontestable, à la vie à la mort , qu’elle répétait.
Mais voilà. La mort est arrivée. Marine est morte, tuée par Jaco.
D’abord, il y a eu la perte de ses jolies rondeurs, celles plaquées depuis toujours sur ses fesses et ses hanches. Marine a maigri. Au début, elle trouvait ça drôle. Elle s’achetait des vêtements plus petits, qui moulaient son ventre désormais plat. Ça lui faisait bien, cette minceur. Même si Jaco ne lui avait jamais connu les clavicules saillantes, il trouvait là quelque chose d’attrayant. Mais la fatigue et le souffle court sont venus altérer le plaisir que Marine avait de se pavaner avec son corps transformé. Quand les secousses qui traversaient ses muscles ont commencé à la réveiller la nuit, le couple est allé voir un médecin.
Sclérose latérale amyotrophique.
On a dit à Marine, quarante-trois ans, qu’il ne lui restait que trois ou quatre ans à vivre, embarrée dans des conditions minables. D’ici quelque temps, elle ne pourrait plus tenir son crayon pour noter les phrases qui la touchaient. Marine allait mourir avant que son corps ne meure, contrainte d’oublier ses projets de voyage, de potager et de petits pots à cuisiner.
Un soir, elle a demandé à Jaco s’il avait le souvenir d’une mort insolite, dans son entourage. Elle a dit je veux choisir de quelle manière je vais mourir . J’ai envie de trouver quelque chose d’audacieux . Jaco, peu étonné de cette volonté formulée par sa femme, s’est rappelé une histoire de famille. Le cousin de Jaco, grand homme d’affaires, être humain généreux et impliqué dans sa communauté, avait été accusé d’une agression sexuelle commise dans sa jeune vie d’adulte. Incapable de supporter la souillure immense de ce précédent, il s’était empoisonné avec du cyanure qu’il avait dilué dans un grand cru.
Les yeux de Marine se sont éclairés. C’est comme ça que je vais mourir, Jaco.


2
Aurore, la vieille voisine, aime bien passer voir Jaco de temps en temps. Elle a creusé un sentier sur le trottoir, entre les immeubles à logements, qu’elle emprunte chaque fois qu’elle ressent le besoin de se divertir. Mais depuis que la femme de Jaco est malade, les choses changent. Quand Aurore traverse, il fait comme si de rien n’était ou presque, il continue de lui offrir un verre de rouge, sauf qu’il y a ce spectre entre eux : la maladie de Marine est partout, dans toutes les pièces.
À chaque visite, Aurore boit tranquillement. Pour étirer le temps. Lui parler encore, le regarder encore. Elle chérit cette tendresse qu’il y a dans les yeux de son ami quand il l’écoute raconter ses histoires de journaliste voyageuse. Bien sûr, elle est consciente que Jaco a ses failles, il n’est pas parfait, l’ami, mais Aurore préfère garder dans la paume de sa main tout le côté lumineux de son voisin, elle le magnifie comme on le fait de la seule personne qui compte.
Jaco ouvre la porte en petite tenue en disant Marine fait une sieste, entrez quand même, on ne parlera pas fort . Aurore le suit en regardant ses ravissantes fesses de sang-mêlé à travers la serviette enroulée autour de sa taille, juste pour éprouver cette délicieuse et impertinente bourrasque, puis elle patiente dans la cuisine le temps qu’il enfile un jean. À son retour, Jaco sert un verre à sa voisine et il pose un bol de croustilles au centre de la table. Avez-vous eu quelque chose à célébrer ? demande Aurore. Mais Jaco ne comprend pas la question. Parce qu’il y a une bouteille de Château Petrus vide sur votre comptoir. Et une belle année, en plus. Jaco ignore ce qu’est un millésime du siècle, cette expression que prononce Aurore à quelques reprises. Il ne connaît pas non plus l’importance de la provenance d’un vin. La vieille dame se garde de lui faire la leçon, elle se contente plutôt de penser que cette bouteille-là a dû coûter la peau du joli cul de son voisin.
Il y a quelque chose d’inhabituel chez son ami Jaco, quelque chose de changé. Aurore le sent. Ce sourire figé, poli et impeccable cache quelque chose. Il est fade aujourd’hui, le Jaco. Il manque d’éclats de rire, de clins d’œil. Aurore ponctue ses phrases de sacres épars qui habituellement font rire son ami, mais là, il ne se passe rien. Jaco répète comme d’habitude, sans être convaincant, Aurore, à votre âge et précieuse comme vous êtes, on ne sacre pas. Puis il termine sa phrase en émettant un petit son de gorge convenu, très loin de ressembler à un rire. Lorsqu’il baisse les yeux ou fait une pause, Aurore en profite pour balayer la cuisine à la recherche d’un indice qui pourrait valser quelque part et lui indiquer pourquoi elle a cette sensation étrange. Mais rien, mise à part cette bouteille à cinq mille piastres, ne lui semble anormal. Jaco la rassure en lui confiant qu’il a reçu la bouteille en héritage de son grand-père.
Sans doute pour éviter de révéler les raisons qui lui ont fait ouvrir la précieuse bouteille, Jaco radote. Il raconte à nouveau les circonstances de sa naissance au Québec. Qui je serais si j’étais né en Haïti ? Est-ce que j’aurais été aussi heureux ? qu’il se demande souvent, en ouverture à son histoire. On lui a raconté le récit de sa naissance, mais Jaco n’a rencontré personne de sa famille maternelle.
Sa mère l’a mis au monde alors qu’elle venait d’immigrer au Québec avec son père, rencontré à Cap-Haïtien au début des années soixante-dix, à l’époque de François Duvalier. Ingénieur mécanicien, le père de Jaco donnait des cours un peu partout sur l’î

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