La valse du chaos à l étoile
122 pages
Français

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La valse du chaos à l'étoile , livre ebook

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Description

« La valse du chaos à l’étoile» est un recueil de sept nouvelles qui se situent toutes dans le contexte de la crise qu’a connue la Côte d’Ivoire de décembre 2010 à avril 2011, crise qui a fait basculer le pays dans la violence sans précédent. Ce recueil met en scène divers personnages fictifs dont les drames personnels s’inspirent plus ou moins des horreurs dont ce pays a été le théâtre durant cette période où ceux que l’auteur appelle les DAM (Distributeurs Automatiques de Mort) ont régné sans partage.

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2014
Nombre de lectures 23
EAN13 9791090625747
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

KOUAME ADJOUA FLORE
RECUEIL DE NOUVELLES
LA VALSE DU CHAOS A L’ÉTOILE
574
Email : info@classiquesivoiriens.com 10 BP 1034 Abidjan 10
la valse du chaos à l’étoile
Je dédie ce recueil de nouvelles au Seigneur Jésus Christ.
Merci, Seigneur, de m’avoir protégée pendant le chaos qu’a connu mon pays pendant la crise postélectorale et d’avoir mis à proît ma vie de clandestinité forcée pour me permettre de donner naissance à ce livre.
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la valse du chaos à l’étoile
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PAUVRE MALICK..................................................4
C’éTAITAN’DOTRE.............................................17
A L’ENCRE DE SON SANG.................................29
WOODY ET PISSANCI........................................48
PASTEUR JEREMIE............................................62
L’ENFER DU CHAOS..........................................81
DU CHAOS A L’éTOILE.................................... 101
PETITES HISTOIRES (TRAGIQUEMENT) DRÔLES............................119
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PAUVRE MALICK
Malick Camara hurle sous les coups de matraques et de crosses de fusils qui pleuvent sur lui et ses compagnons d’infortune. Pauvre Malick ! Les hommes en treillis les ont conduits dans un endroit qu’il ne saurait identier. C’est une propriété aux murs surélevés, au milieu de laquelle se dresse une bâtisse impressionnante. Les coups et les injures obscènes fusent de toute part, pendant que les raés descendent des cargos. On les pousse violemment à l’intérieur du bâtiment. De là, on leur fait prendre la direction d’un couloir qui mène à des escaliers débouchant sur un sous-sol. Puis on les fait entrer dans une pièce. Malick a juste le temps de voir écrit sur la porte : SALLE DES OPÉRATIONS. Il reste gé par la terreur à la vue de cette pièce dont le sol et les murs sont maculés de sang et d’excréments humains. Une odeur nauséabonde s’en dégage. Mais plus que cette odeur-là, c’est la mort même qui suinte de l’atmosphère :un mouroir. On leur intime l’ordre de se déshabiller entièrement. Par réexe purement masculin, certains d’entre eux se servent de leurs deux mains comme cache-sexe. Les hommes en treillis qui sont entrés avec eux dans ce lieu sinistre semblent avoir le cœur taillé dans de la pierre. Aucune pitié ne transparait dans leurs paroles et leurs attitudes. Ils sont spécialement assignés à cette besogne luciférienne, programmés pour torturer et tuer. Sans état d’âme. On leur a fait comprendre que les personnes qu’on leur envoie sont des « ennemis de la République ». Cela leur suft comme explication… Pour 4
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commencer leur boulot. Eux n’utilisent pas de matraques ni de crosses de fusils. Ça, c’était le hors-d’œuvre, servi par le premier groupe. En bourreaux aguerris, ils disposent de toute une panoplie d’instruments : gourdins, barres de fer, planches cloutées, chaussures rangers cramponnées… Ce boulot, ils le font avec toute l’application dont ils sont capables. Avec zèle et avec sadisme. Aucune pitié pour les « Ennemis de la République » !
 ***
Ils étaient arrivés aux environs de 23h dans cinq véhicules, trois 4X4 et deux cargos. Bien qu’encagoulés, ils exsudaient l’odeur fétide de la mort. Les véhicules sont arrivés en trombe à la placeInch Allahétaient où rassemblés de jeunes gens du quartier de Malick, organisés en comité d’autodéfense. Ce jour-là, ils avaient pris la ferme détermination de braver le couvre-feu pour monter la garde, an de se prémunir contre les fréquentes incursions d’hommes armés en treillis militaires. Les descentes punitives nocturnes qui s’accompagnaient de tueries, de viols, de bastonnades et de pillages se multipliaient dès la tombée de la nuit. Les habitants du quartier, hommes, femmes, enfants vivaient dans l’effroi. On redoutait le coucher du soleil, car ces moments étaient, pour tous, synonymes de terreur. Les jeunes gens réunis sur la place publique refusaient désormais de se laisser surprendre par les escadrons de la mort. Quant à Malick, il était assis sur un tabouret dangereusement branlant du kiosque à café, buvant à petites gorgées son djalan, cette boisson noirâtre « amphétaminée » que le vendeur du kiosque ne servait qu’aux habitués montrant
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patte blanche. Pour être en pleine forme, se dépenser physiquement sans sentir le poids de la fatigue ou calmer les douleurs musculaires, il n’y a rien de tel, disait-on.
 Pauvre Malick ! Il avait traîné péniblement son pauvre corps endolori jusqu’au kiosque, parce qu’il ne trouvait pas le sommeil. Son dos en compote, séquelle de son lynchage manqué, le faisait affreusement souffrir. Malick s’était dit que boire une tasse dedjalanle soulagerait notablement et lui permettrait de trouver le sommeil. Qu’il était tout de même téméraire, Malick, d’oser encore s’aventurer à la placeInch Allah, lui qui était devenu, aux yeux des gens du quartier, un véritable ennemi à abattre ! Mais ce soir, la douleur était si lancinante qu’il s’enhardit à venir au kiosque. Advienne que pourrait, mais il lui fallait absolument son « analgésique ».
 ***
 Malick entrouvre difcilement ce qui lui reste d’yeux. Son corps lui fait l’effet d’une fournaise ardente. Les actes de torture répétés en ont fait une sorte de magma humain. Sa bouche, ses narines, ses yeux sont remplis de sang. Du sien et de celui de tous les autres anonymes qui ont, comme lui, subi des heures et des heures de torture. Malick ne peut remuer aucun de ses membres. Il ne peut ouvrir les yeux. Il ne peut plus parler. Ses urines et ses excréments sont mêlés à son sang. Il veut adresser une prière à Dieu. Mais il en est devenu incapable.Dans certaines circonstances en effet, il semble plus aisé de baisser les bras que de les lever vers le ciel.
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 Pauvre Malick ! Il a perdu la notion du temps. Est-il en vie ? Oh, il l’est certainement encore, puisqu’il perçoit certains bruits. Il entend des crissements de grillons, des hululements de hiboux et des coassements de crapauds. Il comprend, dans son esprit embrumé, qu’on les a transportés dans un endroit broussailleux, peut-être une forêt non loin de la ville ; car il lui parvient aussi, par intermittence, des sons de klaxons de véhicules. Il entend également, tout près de lui, des gémissements de douleur, des pleurs, des supplications. Une voix, celle d’un enfant, supplie :« Pardon, ne me tuez pas ! ». Malick la reconnaîtrait entre mille, cette voix. Il perçoit, tout aussi vaguement, des voix d’hommes. Certains de ces hommes parlent un français approximatif, avec un fort accent anglophone. -rucsopseerdpillalleesbaspasgalnnsloNsuo chiens. -On n’a qu’à les enterrer comme ils sont. -unyepsnsepsaTomusniselehcaO?ponraurait-ver avant. -c’est bien ce que nous allons faire en les enter Mais -rant : les achever. -Mais… -rtpaluprentedxuetodcntQeulseème?Laonprobl sont déjà morts, après les traitements que nous leur avons inigés. Ceux qui ne le sont pas encore sont 1 HS. Alors… -tO,uisiamuonnsollanspaslesentererrivavtn,stuo de même. Nous n’allons pas faire cela ? Ce serait trop cruel ! -ec-tuqQseu,telucerilonacusaobu-iàl?Tueliéceq
1.Hors service
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leursrebellesontfaitsubirauxnôtresauNord?A la guerre comme à la guerre ! -Je sais ! Mais nous pourrions peut-être au moinsrelâcher celui qui n’arrête pas de pleurer. Il est si jeune ! -essialdsiamajoiquuonenO?Tfuouseetémoinderrière nous. Personne ne doit raconter ce qui se passe ici. Tu entends ? PERSONNE ! -madeiausvoej,iom,fehCsiaMeodnnrednéedmdeux ou trois,bien en forme, pour que je prélève leurs organes. Pourles autres-là,c’est gâté, mais le petit-là, il peut faire l’affaire. C’est un business qui marche très fort, Chef. -siaéHJe!atdiidetneapsempraelrdeça.Tuconn mes principes. Moi, je n’entre pas dans ce business. J’ai quand même mes limites. Dépecer les gens vi-vants, moi,je ne rentre pas dans ça. -Et les enterrer vivants alors ? -vecmoi?CestlaoftreêtetaeriafxuevuT?açPrends bien garde à toi ! Je t’ai à l’œil. -e,ênefpChn,nardoeci,Mogmeiquuocéle.sapet c’est qu’on va se taper le boulot de creuser leur fosse. On aurait dû laisser quelques-uns « intacts » pour ça. -Miaio.ssenusariaTnO.nosresnepyroplaafneaich t’inquiète pas ! Nos Libériens là, ils vont s’en occuper.C’est leur spécialité. Et puis, ils sont payés pour ça. Allez ! Remets-leur les pioches et les pelles. Il faut en nir avant le lever du soleil. -! Boys ! Work ! Eh
Le sang de Malick, du moins ce qu’il lui reste encore de sang dans les veines, se glace lorsqu’il comprend
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ce qui les attend, lui et ses compagnons de misère. Pauvre Malick ! Il essaye de penser à autre chose. Ses souvenirs le ramènent au kiosque et à sa folle envie dedjalan.
 ***
Malick était assis au kiosque, sirotant sa tasse dedjalanet suivant, avec une pointe d’inquiétude, les mouvements des jeunes gens réunis sur la place publique. Il avait plus à craindre d’eux que des hommes en armes qui semaient la terreur dans son quartier. C’est du moins ce qu’il pensait. Car en fait, Malick était un fervent partisan du « Woody ». L’un des rares de son quartier. Il s’était engagé à battre opiniâtrement campagne pour son candidat dans un secteur qui lui était résolument hostile. Malick, militant zélé acquis aux idées et à la cause de son « Woody »,s’était donné pour mission de recueillir, dans ledit secteur, un minimum de quarante voix ; mission qui tenait du miracle s’il en est et qui, de plus, n’était pas sans péril. Il avait donc entrepris un travail de terrain acharné, avant même le lancement ofciel de la campagne électorale.
 Au début, sa stratégie avait été de faire du porte-à-porte. Mais il avait dû, très vite, y renoncer. Pauvre Malick! Des femmes l’avaient arrosé d’eau sale ou menacé de l’assommer avec leur pilon. Des jeunes vendeuses de fruits lui avaient jeté des mangues pourries au visage. Des hommes lui avaient brandi des poings musclés, encore plus expressifs que des mots. Une fois, il avait même reçu un coup de poing au visage. Quelle mauvaise idée avait-il eu d’aller battre campagne dans la cour du
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Vieux Diarrassouba dont tout le monde savait qu’il ne supportait pas d’entendre prononcer le nom du candidat de Malick ? N’eussent été les liens d’amitié qui le liaient à Camara Père, le vieux Diarrassouba n’en serait pas resté là et Malick n’aurait pas eu qu’un œil au beurre noir.
 Pauvre Malick ! A cause de son choix politique, il avait perdu Natou, sa bien-aimée ; elle qui n’avait acceptésortir avec lui qu’après six mois d’une cour de obstinée dans laquelle il avait investi ses maigres revenus 2 decoksaire de gbaka. Natou ne pouvait comprendre ni accepter ce qu’elle considérait comme une folie de sa part. Malgré les supplications de Malick, elle s’était montrée intransigeante : c’était elle ou le « Woody ». Et comme il avait continué de battre campagne pour ce dernier, Natou s’en était allée dénitivement.
Malgré tout, Malick n’avait pas faibli dans son engagement militant. Assuré de la réélection de son champion, il se disait qu’il recevrait la récompense de ses efforts et une consolation pour les persécutions qui étaient devenues son lot quotidien. Et Natou lui reviendrait.
 Il croyait en son candidat. Rien, non, rien n’aurait pu ébranler ses convictions. Malick était un homme de conviction, un militant authentique. Pas un simple suiveurou unmangeur. Mais Malick payait plutôt cher son choix pour un candidat considéré comme persona non grata dans son quartier. Il était constamment l’objet de
2. Les gbakas sont des minicars de transport public, en général très usa-gés. Le chaufeur est assisté d’un jeune homme appelé coksaire, chargé de Faire du rabattage de clients et, tout au long du parcours, d’aider ceux-ci à descendre ou monter. 10
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