Le Curé du Mile End

Robert Maltais

Description

Autour de Gilbert Fortin, curé du Mile End, gravite une galerie de personnages attachants appelés Les Héritiers du Fleuve qui comprend un étonnant sous-groupe : Les Westmountaises pour l’indépendance. Grâce à la verve habile de Robert Maltais, c’est effectivement possible.
Tenant dans une main le fil de la destinée du peuple québécois et dans l’autre celui de la question religieuse, Le Curé du Mile End risque-t-il de mourir foudroyé, en compagnie de son auteur?
En clergyman et col romain, le curé du Mile End plonge sur le micro, prêt à tout sauf à se taire : « Vous ne voyez pas que nous sommes en train de nous vider jusqu’au fond de l’âme? La question du poète Péloquin vaut qu’on la répète à un peuple qui s’est arraché le coeur : « Vous êtes pas écoeurés de mourir…? » Au parc Lahaie, ça hurle, on siffle, les tamtams appuient chaque phrase de Gilbert Fortin. Rentré d’Europe après trente ans d’absence, l’ancien moine s’investit dans une mission aussi impossible qu’urgente: sonner le réveil de ceux qu’il voit disparaître sans réagir. Le Québécois est-il en voie d’extinction, comme le panda et l’orang-outang? S’agit-il d’une question politique ou de la survie d’une famille humaine menacée?

Sujets

• roman
• Literary
• Fiction

Informations

• Publié par: Québec Amérique
• Date de parution: 05 février 2013
• Nombre de lectures: 0
• EAN13: 9782764419274
• Langue: Français

Extrait

Littérature d’Amérique
Collection dirigée par Normand de Bellefeuille et Isabelle Longpré
Du même auteur
Hurler , Montréal, Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 2007.
Le Premier Noël du père Noël , Montréal, Québec Amérique jeunesse, album, 2006.
Corps célestes , Montréal, Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 2006.
Les Larmes d’Adam , Montréal, Québec Amérique, coll. Littérature d’Amérique, 2004.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
 
Maltais, Robert Le curé du Mile End (Littérature d’Amérique)
9782764419274
I. Titre. II. Collection: Collection Littérature d’Amérique. PS8626.A47C87 2009 C843’.6C 2008-942227-9 PS9626.A47C87 2009

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Imprimé au Canada
Sommaire
Littérature d’Amérique Du même auteur Page de titre Page de Copyright Dedicace Note de l’auteur Epigraphe PREMIÈRE PARTIE
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12
DEUXIÈME PARTIE
1 2 3 4 5 6 7 8 9
TROISIÈME PARTIE
1 2 3 4
ÉPILOGUE SUPPLÉMENTS LE RÉVISIONNISME ONIRIQUE - Séquence 1 LE REVISIONNISME ONIRIQUE - Séquence 2 LE REVISIONNISME ONIRIQUE - Séquence 3 LE REVISIONNISME ONIRIQUE - Séquence 4 LE REVISIONNISME ONORIQUE - Séquence 5 Séquence 6 Séquence 7 LE REVISIONNISME ONIRIQUE - Séquence 8 Séquence 9 DOSSIERS DE GILBERT FORTIN - Origine des Québécois de souche DOSSIERS DE GILBERT FORTIN - La genèse de l’identité québécoise DOSSIERS DE GILBERT FORTIN - La Bonne Chanson Le complexe militaro-industriel DOSSIERS DE GILBERT FORTIN - Autre point de vue sur 1837-1838 DOSSIERS DE GILLBERT FORTIN - Racisme et mission DOSSIERS DE GILBERT FORTIN - Lettre du curé du Mile End JOURNAL DE GILBERT - Un beau fou JOURNAL DE GILBERT - Tardivel JOURNAL DE GILBERT - Mademoiselle Galland JOURNAL DE GILBERT - Pauvre comme Claude JOURNAL DE GILBERT - Une voix pour la vie SCÈNES SUPPRIMÉES À LA RÉVISION - Au salon funéraire SCENES SUPPRIMES A LA REVISION - Dossiers de Gilbert Fortin : 1910 à l’église Notre-Dame REMERCIEMENTS Robert Maltais - Le Curé du Mile End roman
À Romy, ma petite-fille
Note de l’auteur
Oui, je fais parler les morts. Je mets dans leur bouche les mots qui conviennent à mon histoire. On est en pleine licence romanesque.
On peut lire le roman sans tenir compte des notes en bas de page qui renvoient à des suppléments formés de dossiers, de notes et d’extraits du journal personnel de Gilbert Fortin, le curé du Mile End.
On y trouve aussi les séquences où il rêve l’Histoire du Québec en la transformant, ce que l’un de mes lecteurs appelle le révisionnisme onirique . Les rêves naissent de l’imagination du curé du Mile End. Après chaque séquence, des notes du rêveur replacent le songe dans son contexte historique.
En sortant du roman, on peut très bien avaler les suppléments d’un trait, comme on cale une bière.
« Ce peuple a besoin de grandeur. Si on ne la lui offre pas maintenant, il n’aura même plus la force de la vouloir. »
Pierre Bourgault, le 20 février 1961
 
 
« Tuer pour la cause? Mourir pour la cause? Non ! Ni héros ni martyr. »
Pierre Bourgault, novembre 1970
 
 
« Les gens ne croient pas les paroles toutes nues, il faut souffrir et les tremper de sang. »
Maxime Gorki, La Mère
PREMIÈRE PARTIE
1
L’arc-en-ciel s’élance du lac des Deux-Montagnes pour coiffer les clochers de la basilique Notre-Dame de Montréal.
La nef fait le plein de vedettes pour des funérailles très « people ». Un athée à Notre-Dame ! Pierre Bourgault a toussé sa dernière cigarette lundi dernier. La «voix de l’indépendance », le dompteur de foule, le charmeur d’élites, le grand brouillon ferme les livres. Mort le 16 juin 2003 ; à enterrer le 21 : aujourd’hui.
Le jubé et les galeries grouillent de monde. Une faune davantage habituée aux manifestations de rue cherche un coupable, une victime expiatoire, un bouc émissaire. Le grand soir n’a toujours pas eu lieu. Deux référendums perdus, un peuple coupé en deux: le besoin et le désir. Maintenant, on confond racisme et ethnicité. On ne veut plus dire « nous » : les douze millions de descendants des dix mille immigrants français de 1672 n’existent pas. Déjà, une moitié a disparu en mer étasunienne, noyée dans le « melting pot ». Comme l’écrivait un chroniqueur politique : « Le petit reste a choisi : il va mourir de peur entre deux bancs de neige et trois tabarnaks . »
« Le statu quo, c’est la sécurité; l’indépendance, c’est la liberté », leur hurlait le mort au début des années quatre-vingt. Le besoin de sécurité, le désir de liberté: Canada, le village confortable ; Québec, un passage étroit, celui de la naissance. Le sens même des mots parle tout seul.
On est mal, dans la basilique, ce samedi matin 21 juin 2003. Pourquoi Pierre Bourgault a-t-il tenu à finir ici? Vanité, vanité, vanité! Il se savait vaniteux; s’en expliquait en affirmant avoir raison de l’être. Vaniteux, vraiment? Peut-être la boutade d’un enfant déçu de lui-même. Des témoins de ses dernières heures confirmeront ce matin la tourmente dans laquelle il était plongé. On a même entendu l’un de ses proches se demander si l’enfant pieux devenu « fif » – attiré par les « p’tits bums » qui lui volaient jusqu’au respect de lui-même – avait raté sa vie…

Juste sous le toit, le corps éthéré de Gilbert Fortin 1 flotte entre deux dimensions. Il comprend mal pourquoi sa méditation le conduit dans cette église. Le moine trappiste vit à l’abbaye cistercienne d’Oka depuis l’automne 2001. Rentré de France après plus de trente ans d’exil, le vieil orphelin en fin de cinquantaine possède un don qu’il ne souhaitait pas : en méditation, ses chakras s’activent, les sept couleurs du spectre – rouge, orangé, jaune, vert, bleu, pourpre, violet – forment un arc-en-ciel. Son corps ne bouge plus, figé dans un recueillement qui tient de la momification. L’esprit de Gilbert va et vient à sa guise : un beau cas de bilocation.
Que fait-il à Notre-Dame ? Le moine savait pour la mort de Bourgault. On lit Le Devoir , au monastère. Son unique rencontre avec l’homme à la tête d’albinos remonte au début des années soixante. Un politicien atypique l’intéressait, mais comme une bête de cirque. Marcel Chaput, un fonctionnaire canadien, venait d’écrire Pourquoi je suis séparatiste. Le brûlot perçait les carapaces et les peurs pullulaient. L’angoisse des Canadiens français refaisait surface. Le psychologue sait que l’idée même de séparation terrorise l’enfant abandonné, l’enfant trahi depuis les origines. Abandonné par sa mère la France, berné par sa belle-mère l’Angleterre, trompé par sa concubine du Haut-Canada, dupé par sa sainte Mère l’Église dans laquelle il se croyait à l’abri, le Canadien français se réfugiait dans les chicanes de famille, les querelles de clocher et la mesquinerie politicailleuse.
Dans le pensionnat de séminaire où il faisait son cours classique, Gilbert Fortin entendait discuter les prêtres pendant qu’il assurait le service aux tables, dans le réfectoire réservé aux professeurs. Quelques jeunes religieux défendaient tant bien que mal l’idée de l’indépendance du Québec, mais la grande majorité fustigeait les rêve