Le Dernier Lit
101 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le Dernier Lit , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
101 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

• Auteur de Fou-Bar, publié en février 1997 et très bien accueilli tant par la critique que par le public, Alain Beaulieu nous revient avec Le Dernier Lit, second tome de son «portrait de génération» dont il est présentement à rédiger le dernier pan.
• Un roman qui se distingue par son propos, par sa manière d'aborder par l'intérieur, au plus près de l'émotion, des sujets tels l'amour, la mort, la jeunesse, la religion et l'absence de morale.
• Un style vif et simple, une narration à deux voix qui donne un rythme dynamique au récit.
Printemps 1980. Campagne référendaire. Véronique, Charles et Victor montent sur le toit du bureau de poste de la rue Buade, à Québec, pour remplacer l'unifolié qui flotte au bout du mât par un drap de flanelle sur lequel ils ont inscrit le OUI de leur camp.
Ils ont à peine dix-huit ans et vivent tous les trois une passion dévorante, hors norme, magnifique. Mais en quittant les lieux de leur méfait, Véronique perdra pied et ce sera la chute, fatale.
Dix-sept ans plus tard, Charles et Victor vivent encore avec les séquelles de cette tragédie. Ils ont tous les deux refusé de se laisser prendre de nouveau au jeu de l'amour fou. Pendant que Charles s'imposait une certaine forme de chasteté, Victor a accumulé les aventures, toujours prêt à déguerpir au moindre signe d'attachement.
Un drôle d'énergumène, monseigneur Rallon, voudra d'ailleurs lui faire expier ses péchés mortels. Victor découvrira assez tôt que ce sosie de Calvin fait partie de ce type d'exaltés dans les pattes desquels il vaut mieux ne pas tomber... Charles réussira-t-il à se sortir de là?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 janvier 2013
Nombre de lectures 0
EAN13 9782764417232
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Fou-Bar , roman, Montréal,
Éditions Québec Amérique, 1997.

Données de catalogage avant publication (Canada)
 
Beaulieu, Alain, 1962-
 
Le dernier lit
9782764417232
1. Titre.
 
PS8553.E221D47 1998 C843’.54 C98-940075-1 PS9553.E221D47 1998 PQ3919.2.B42D47 1998
 
Les Éditions Québec Amérique bénéficient du programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada.


Elles tiennent également à remercier la SODEC pour son appui financier.


Il est illégal de reproduire une partie quelconque de ce livre sans l’autorisation écrite de l’éditeur.
 
 
©1998 ÉDITIONS QUÉBEC AMÉRIQUE INC.
www.quebec-amerique.com
 
Dépôt légal : 1 er trimestre 1998 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada
 
 
 
Mise en pages: PAGEXPRESS
Sommaire
Du même auteur Page de titre Page de Copyright Dedicace Remerciements Charles Victor Charles Victor Charles Victor Charles Victor Charles Victor Charles Victor Charles Solange Charles
pour Gabriel, pour la jeunesse et pour toutes les « Juniore » du paradis...
Merci à Chantale, pour l’amour.
 
Merci aussi à Carl Gallant, Normand de Bellefeuille et Diane Martin.
 
Un clin d’œil aux deux Michel, et à la bande du 28-6.
 
Un baiser pour Évelyne.
Charles
L ongtemps les printemps m’avaient été douloureux. Cela faisait partie de ma petite histoire. Comme si le corps gardait en mémoire la saison de ses plus grandes souffrances. Ma mère, qui consultait son médecin à toutes les fins d’octobre pour de lancinants maux de dos, se fit prescrire en 1988 une psychothérapie pour que s’effacent enfin les traces d’une épidurale qu’on lui avait administrée une certaine nuit d’octobre... 1959 !
Au cours des trois dernières décennies, après quelques mouvements aux velléités révolutionnaires – tranquillement féministes et sexuellement identitaires –, le paysage culturel québécois s’était pourtant enjolivé et le printemps était devenu une véritable bénédiction. Il pansait les blessures hivernales, cicatrisait les plaies du cœur et ressuscitait les âmes mortes.
À Québec, havre paisible surplombant avec superbe les eaux tumultueuses du Saint-Laurent, on profitait des derniers jours d’avril pour se refaire une beauté; on astiquait la pierre grise des fortifications et maquillait les façades de la vieille ville pour épater la horde de touristes qui allaient, comme chaque été, venir y prendre un bain d’Europe à la sauce américaine.
Malgré la fraîcheur du fond de l’air, les promeneurs de la rue Saint-Jean offraient aux rayons chauds du soleil une part généreuse de leur peau sèche et blanche, et les terrasses de la rue Cartier débordaient de rieurs jusque sur les trottoirs. Sous les verres fumés, on se lançait des invites : une première bière pour les présentations, une seconde pour l’assimilation et une troisième au salon, amour sans risque, assurance-condom.
Dans sa haute-ville riche et bien mise, la capitale resplendissait. On y lisait des magazines sur les bancs publics ou y promenait son chien jusqu’aux plaines d’Abraham. Y coulait comme eau de source la petite vie tranquille des rejetons de la grande guerre, baby-boomers insouciants de la gêne qui, du bas du plateau, essaimait vers les banlieues endormies.
J’arpentai la Grande Allée jusqu’au parc du Pigeonnier puis bifurquai vers le complexe G, seul véritable gratte-ciel de cette ville provinciale. C’était une journée pour siffler en marchant, prendre son pain frais à la boulangerie du Faubourg et cueillir un Millaire au Petit-Quartier. Victor était fou de ce gâteau à la gaufrette sucrée dont une seule portion suffisait à nous garder éveillés une bonne partie de la nuit.
Je descendis la côte Salaberry et rentrai chez moi, rue Arago. J’habitais un loft plutôt mal foutu au troisième étage de ce qui avait jadis abrité une fabrique de chaussures. La plomberie capricieuse et le chauffage incertain n’avaient rien pour me faire regretter les froides journées d’hiver. D’anciennes fuites d’eau avaient gonflé le plafond dont le carton-plâtre menaçait par endroits de s’affaisser. De larges fenêtres donnaient cependant sur le cap où des chênes et des érables s’agrippaient à la pierre et, en été, la lumière y prenait des textures saisissantes. Vers le nord, le regard surplombait la cité jusqu’aux faîtes brumeux de l’horizon laurentien. Pendant la canicule, j’ouvrais pour faire circuler l’air et il n’était pas rare qu’un pigeon vienne se percher sur l’une des poutres d’acier de la charpente. S’engageait alors un combat sans merci jusqu’à ce que le volatile fuie ou expie.
L’espace me servait aussi d’atelier. Mes toiles inachevées en encombraient les murs et mes pots de peinture jonchaient le ciment gris du plancher – un fouillis terrible dans lequel une chatte n’aurait su qu’avec peine retrouver ses petits. Pour me disculper, je clamais haut et fort mon dégoût de l’ordre, tout autant dans la rue que dans ma vie privée. On me disait anarchiste. Peut-être n’étais-je en réalité qu’un indéfectible paresseux, libre, oui, mais sans ambition. Car que reste-t-il quand tout a foutu le camp ? Quand l’amitié, le sexe, la carrière, le sport et la politique ne vous apparaissent plus que comme de puérils divertissements ? Quand plus rien n’attise votre intérêt ? Ni le corps de cette femme qui, assise devant vous, un verre à la main, vous crie qu’elle vous veut dans son lit; ni le sort de cet enfant pourtant bien vaillant qui vous livre votre journal tous les matins; ni le sable chaud des plages de la Caraïbe; ni les notes jazzées d’un saxophone qui marquent la mesure de vos nuits blanches ?
Que reste-t-il quand il n’y a plus que soi, inutile aux autres ?
Mes toiles ne sont rien d’autre qu’un soliloque stérile, discours d’un « je » bien petit, pâle reflet de ce qu’on m’avait permis d’espérer. Pas plus que mon pays, je n’ai l’étoffe des grandes destinées. Et, la plupart du temps, cette situation nous convient, à lui comme à moi, parce que cela nous évite d’avoir à répondre de ce que nous sommes devenus.


Victor se présenta avec une heure de retard. Déjà éméché, il tenait son litre de vin comme on s’accroche à une bouée. Il le fit passer d’une main à l’autre en retirant son manteau.
— Laisse-moi te débarrasser, offris-je en voulant prendre la bouteille.
— Pas touche, mon salaud! Apporte-moi plutôt deux verres que je te fasse goûter ce jus des dieux.
Sachant l’effet qu’exerce l’alcool sur ses humeurs et ses facultés, j’appréhendais déjà la pire des soirées. Il lança sa veste sur le divan et fonça vers le coin cuisine. Il ouvrit avec peine sa bouteille de rouge et s’en versa une rasade dans le premier verre à Coke à lui tomber sous la main. Il se délecta, alluma une cigarette puis fit tout doucement le tour de l’atelier.
Quand Victor venait chez moi, il ne pouvait s’empêcher de se prêter à ce que j’appelais son rituel critique . Il examinait mes toiles d’un œil intéressé puis commentait mon travail sans la moindre complaisance. Ses jugements, plutôt sévères, attisaient ma colère. Il teintait ses propos d’une cruelle ironie à laquelle je n’arrivais pas à m’habituer. « C’est beau, ça ! » disait-il sans manquer d’ajouter : « Pour un débutant... » Ou encore, après avoir regardé ma production de la semaine, il y allait de l’incontournable : « Quand comptes-tu commencer à peindre ? » Immobilisé devant un tableau, il feignait de méditer puis lâchait sans desserrer les dents cette perle d’arrogance : « Un essai, visiblement ! » Je savais bien qu’il s’agissait d’un jeu, d’une manière de dire, par la négative, son espoir et son intérêt, mais je ne m’y faisais pas. Le sourire en coin qui le défigurait ne réussissait jamais à apaiser ma frustration et je lui souhaitais en pensée d’atroces souffrances.
Quand il me savait bien fâché, il s’offrait un petit refill et, les mains dans les poches, y allait d’un second tour. Il soulignait alors mes bons coups et me découvrait des dons. Il me fallait travailler et travailler encore, disait-il, avant que ce talent n’éclose dans

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents