Le singulier destin de Cyril Dumont
169 pages
Français

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Le singulier destin de Cyril Dumont , livre ebook

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Description

Reclus dans sa petite bulle depuis sa toute jeune enfance, Cyril Dumont, quatrième rejeton d’une famille de neuf enfants, perçoit le monde qui l’entoure avec incrédulité. Il ne s’intègre pas et reste souvent en marge de tout. Les années passent, et une vie chaotique devient son quotidien. D’abord au Maroc, qu’il quittera en 1965 à l’âge de quinze ans, et puis en France. Toute sa vie, Cyril souffrira d’une mystérieuse douleur morale, très profonde, qu’il partage avec ses trois aînés… C’est à l’occasion de la crémation de son père, que Cyril fera mentalement un grand retour sur son destin. Il tentera une toute dernière fois de comprendre d’où viennent ses souffrances. Une incroyable aventure commencera alors, pétrie d’innombrables et bouleversantes rencontres autant que d’extraordinaires souvenirs. De grands désespoirs, des regrets mais aussi des joies intenses et des hasards inattendus jalonneront le parcours de ce personnage attachant. Trouvera-t-il enfin cette sérénité tellement méritée… ?

Informations

Publié par
Date de parution 28 octobre 2015
Nombre de lectures 2
EAN13 9782312038643
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0017€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le singulier destin de Cyril Dumont
À Alain et Françoise.
À ma femme pour sa grande douceur.
À mes filles et mes petit-fils Robin et Arthur.
Patrick Daspremont
Le singulier destin de Cyril Dumont











LES ÉDITIONS DU NET 22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2015 ISBN : 978-2-312-03864-3
Chapitre 1
2002 : P ORNIC .
En cette matinée d’avril, Cyril Dumont, comme à son habitude, avait pris ses distances avec l’évènement. Une fois de plus, il se voyait au calme dans sa « petite bulle », dérivant doucement au-dessus d’une actualité qui ne le concernait que de loin. Bien qu’il s’estimât presque étranger à la cérémonie qui allait bientôt commencer, par égard pour sa petite mère, il avait tout de même fait l’effort d’être là. Donc, ce jeudi 11 avril 2002, toute la famille de Cyril Dumont se retrouva vers neuf heures du matin dans une zone industrielle à la sortie de Guérande. Ils étaient tous là, patientant sur le parking déshumanisé d’un crématorium en tôle ondulée aux couleurs plus tristes qu’un ciel d’hiver à Louvroil. Pornic, petit village d’environ huit mille âmes situé au sud de Nantes, n’était pas équipé d’un tel établissement, ce fut donc à Guérande que tout se déroula. Toute sa famille, cela voulait dire, sa mère, ses deux frères et ses quatre sœurs avec les enfants de chacun d’entre eux, et puis les conjoints qui partageaient leur vie. Cyril lui-même était seulement accompagné de sa femme, car sa fille et celle de son épouse n’avaient pas pu se joindre à eux pour des raisons personnelles. Étaient également présentes quelques personnes proches des uns ou des autres, qui s’étaient senties plus ou moins obligées de s’afficher pour l’occasion, afin de présenter à la famille Dumont de bien fades compassions, voire d’hypocrites afflictions qui du reste, ne trompaient personne. Ces gens se tenaient discrètement en léger retrait du groupe que formait la famille Dumont, ce qui leur permettait de ne pas avoir à renifler inutilement dans des mouchoirs qu’ils avaient du reste très probablement oublié d’apporter avec eux. Certains tuaient le temps en fumant des cigarettes, pendant que d’autres bavardaient à voix basse, ou tout simplement se contentaient d’attendre l’heure de l’ouverture des lieux, comme ils l’auraient fait devant les grilles encore baissées de leur supermarché habituel. Cyril ne pouvait s’empêcher de les observer du coin de l’œil, tout en se demandant si ces gens étaient seulement capables de mesurer l’inutilité de leur présence.
Heureusement, le soleil avait eu la bonne idée de s’inviter à cette cérémonie, car il faisait plutôt frais en ce matin d’avril. Les quelques timides bavardages de certains, dont les visages exhalaient des bouffées de buée aux arômes de dentifrice ou déjà de tabac, ne concernaient que des sujets d’une grande banalité. La plupart d’entre eux fixaient leurs souliers fraîchement cirés, comme s’ils s’attendaient à en voir surgir une quelconque justification de leur présence en ce sinistre endroit tellement dénué d’intérêt.
Deux jours plus tôt, le père Dumont avait fini par s’éteindre. C’était la fin d’une très longue bravade face à une mort qui, depuis au moins quatre ou cinq ans l’avait sournoisement harcelé. Parkinson, dans sa forme paralysante, exactement comme le pape Jean Paul II à la fin de sa vie. Cela avait occasionné au père de Cyril rigoureusement les mêmes symptômes. Lui aussi avait terriblement maigri, du reste il avait tant perdu de poids que les derniers temps, on aurait pu le comparer à une momie égyptienne dont seuls les yeux parvenaient encore à refléter la présence d’une vie pas encore totalement soupirée. Cyril était passé le voir deux mois plus tôt, démarche qu’il ne faisait jamais, mais cette fois-là, Cyril avait tenu à accompagner sa petite mère qui se faisait un devoir malgré son âge, - elle avait fêté ses quatre-vingts ans quelques mois plus tôt, - d’aller à pied, chaque jour à midi, donner la becquée à un mari qui s’éteignait doucement dans une des chambres du modeste petit hôpital de Pornic. En dehors d’une perfusion qui gouttait en permanence dans une veine d’un de ses maigres bras, le père n’était plus nourri que d’aliments vitaminés et ne s’hydratait la bouche que d’une gelée que sa femme lui distribuait chaque jour à la petite cuillère. Il ne s’exprimait plus depuis des mois, à l’exception peut-être d’aléatoires râles glaireux que plus personne ne tentait vraiment de déchiffrer. Du reste, à l’exception de la mère de Cyril et des infirmières du service, le père n’avait pour ainsi dire aucune visite, alors que pratiquement tous ses enfants, Cyril excepté, habitaient à moins de trente kilomètres de sa chambre. Voilà. C’était pathétique d’observer ce petit être paralysé et décharné, tout recroquevillé au creux de ce lit médicalisé devenu bien trop vaste pour lui, et de considérer qu’il ne restait que si peu de l’homme massif, pétillant de sagacité qu’avait été le père, et si peu d’une existence tellement étonnante et encombrée de rumeurs qui s’éteignait là chaque jour un peu plus dans une indifférence quasiment générale.
Ce jeudi 11 avril 2002 donc, la famille de Cyril s’apprêtait, selon les dernières volontés du père, à le renvoyer à la poussière initiale, en le carbonisant par ce feu qui l’avait désormais définitivement quitté.
Tout à coup, la petite foule qui patientait dans la fraîcheur matinale s’écarta pour laisser passer le fourgon funéraire qui, après une manœuvre impeccable, stoppa en marche arrière juste devant l’entrée des artistes, si s’exprimer ainsi demeure possible sans offusquer personne. Dans le souci d’un minimum d’égard, un épais silence se figea alors, et les derniers mégots s’éteignirent sous les semelles des fumeurs. Les préposés des pompes funèbres, très professionnels comme toujours, jaillirent de leur véhicule gris et noir et sans attendre, œuvrèrent au portage du cercueil. Enfin ils le déposèrent avec précaution sur le velours pourpre d’un socle conçu à cet effet, qui trônait à l’intérieur de la salle de recueillement, puis s’effacèrent pour laisser entrer la petite foule endeuillée qui suivait en silence. Ce n’était pas la première fois que Cyril se rendait dans un endroit comme celui-là. Il y avait malheureusement déjà accompagné quelques amis chers, mais jusqu’à ce jour, jamais personne de sa propre famille. Enfin, dans un désordre improvisé, tout le monde s’installa sur les bancs disposés en épi de chaque côté du beau cercueil verni et paré de quatre poignées dorées. Surgi de nulle part, un zigoto déguisé en pingouin empereur, d’une voix compatissante et mielleuse à l’excès, invita sa captive clientèle à un dernier moment de recueillement, puis l’individu s’éclipsa presque aussi soudainement qu’il était apparu. Cyril le suivit néanmoins du regard, et le vit se diriger vers un pupitre dissimulé derrière un énorme arbuste en plastique près d’une porte de service. Après une manipulation dérobée destinée à la mise en marche d’une discrète sonorisation, Cyril reconnut tout de suite les premières notes de l’introduction du Requiem de Mozart. La musique envahit en sourdine ce lieu sinistre, mais désormais propice à la paisible méditation de chacun.

« Requiem aeternam dona eis, Domine, et lux perpetua luceat eis . »
« Donnez-leur, Seigneur, le repos éternel et que votre lumière luise à jamais sur eux. »

Combien de temps la séance de fausses pleurnicheries retenues dura-t-elle réellement, aujourd’hui Cyril ne s’en souvient pas vraiment, tout au plus une trentaine de minutes ; toujours est-il que ce que Cyril se rappelle très bien, c’est d’avoir mis cette attente à profit pour un retour dans le passé de sa propre existence, tâchant en cela d’éclairer les grands moments qu’il avait partagés avec cet homme, aujourd’hui en partance pour l’infini et le minéral. L’influence de ce père avait été considérable, autant que les répercussions qu’avaient pu avoir, s

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