Les Jambes de Steffi Graf
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Les Jambes de Steffi Graf , livre ebook

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Description

Basta ! L'enseignement du français au secondaire appartient maintenant au passé pour Edgar Forest, cinquante-neuf ans. Mais après l'école, est-ce pour autant le début de la récréation ?
Écrit dans un style à la fois sobre et percutant, Les Jambes de Steffi Graf pose des interrogations graves sur un ton souvent d'une trompeuse légèreté. Derrière le romancier se cache un journaliste, un reporter même, un redoutable enquêteur de la nature humaine. À n'en pas douter, plusieurs se demanderont pourquoi Pierre Cayouette aura attendu si longtemps avant d'ajouter cette flèche à un carquois déjà bien garni.
Edgar a cinquante-neuf ans. Sa mère, son père, son frère et sa femme sont tous décédés précisément à cet âge. Excellente raison, quand on est un tantinet superstitieux, de prendre sa retraite de l'enseignement pour profiter pleinement de ce qui risque d'être l'année ultime de son existence. Mais il semble bien que la retraite ne sonne pas pour autant le début de la récréation espérée avant la véritable « fin des émissions ». S'il se paie quelques douceurs, certaines rencontres mèneront l'ancien professeur là où il n'avait certainement pas prévu s'aventurer. De biographe à gages pour une firme funéraire jusqu'à auteur patenté avec succès en prime, Edgar trouvera bien davantage que de quoi meubler sa quotidienneté sans trop donner prise à ses récurrentes angoisses. Sa quête, tout à la fois spirituelle et humaniste, le mènera jusqu'en Gaspésie, pays de ses origines. C'est là que notre homme ira se « réinventer » et entreprendre pour de bon sa nouvelle carrière d'humain.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 décembre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782764417690
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Littérature d’Amérique
Collection dirigée par Normand de Bellefeuille et Isabelle Longpré
Du même auteur
Une vue du champ gauche , (en collaboration), Montréal, Les 400 coups, 2003.
Sauvetage aux Açores , Montréal, Libre Expression, 2002.
Une enfance en noir et blanc , (en collaboration), Montréal, Les 400 coups, 2001.
Une brève histoire du livre au Québec , Montréal, l’ANEL, 1999.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
 
Cayouette, Pierre Les jambes de Steffi Graf (Littérature d’Amérique)
9782764417690
 
I. Titre. II. Collection : Collection Littérature d’Amérique.
 
PS8605.A96J35 2007 C843’.6 C2006-942230-3
PS9605.A96J35 2007


Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.
 
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Dépôt légal : 1 er trimestre 2007 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada
 
Mise en pages : André Vallée – Atelier typo Jane Révision linguistique : Diane Martin Conception graphique : Isabelle Lépine
 
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
 
© 2007 Éditions Québec Amérique inc.
www.quebec-amerique.com
 
Imprimé au Canada
Sommaire
Littérature d’Amérique Du même auteur Page de titre Page de Copyright Dedicace Cinquante-neuf ans La malédiction d’Edgar Bach et moi Le plongeur de la rue Tronchet Chambre avec vue sur la mort Biographe à gages Voyage en Catatonie Le chic du chic, c’est l’anglais Le best-seller d’un imposteur Le grand chambardement
À Lucie, Florence et Alberte
Cinquante-neuf ans
J’avais pourtant exigé de ne pas être exposé. Je ne voulais pour rien au monde m’astreindre à cette tradition funèbre. Comment ont-ils pu ainsi faire fi de ma dernière volonté de salarié? C’est de ma faute. Je n’ai pas osé mettre le poing sur la table et dire non. Je n’ai d’ailleurs jamais su dire non. Par délicatesse, j’ai perdu ma vie , a écrit Rimbaud dans Chanson de la plus haute tour , poème que j’ai si souvent fait lire à mes élèves. Par délicatesse, moi, j’aurai raté ma sortie. J’ai été incapable de m’exprimer clairement, par peur de déplaire, comme toujours. C’est ainsi que je mens et que je me mens : par délicatesse. Je savais pourtant tout des intentions de la direction depuis que j’avais intercepté un courriel, quinze jours plus tôt. Je m’obstinais tout de même à croire que j’échapperais à cette détestable coutume, cette crémation professionnelle qui précède l’enterrement au cimetière des retraités.
Je rêvais d’une sortie en douce. Je croyais pouvoir filer discrètement au dernier jour de juin.
J’avais tort et j’ai dû me résigner à la traditionnelle fête de départ. L’événement a eu lieu, comme toujours, dans l’horrible salle du personnel enseignant. Dans ces circonstances, la pièce prenait des airs de salon funéraire. D’autant plus que, chaque fois, le parfum vulgaire des lys orange, que j’ai toujours associé aux salons mortuaires, s’y répandait allègrement. Notre austère directrice en commandait à la moindre occasion, sans se donner la peine de réfléchir. Elle ignorait bien sûr que cette odeur me donne plus de nausées que celle d’une mouffette éviscérée au milieu d’une route.
Voilà donc ce que j’appelle être « exposé ». Une cinquantaine de collègues s’agglutinent autour de vous, le nouveau retraité, comme on veille un mort. La moitié d’entre eux voudraient se voir ailleurs mais demeurent auprès de la dépouille par pure convenance, parce qu’ils n’ont pas le choix, parce que « ça ne se fait pas ».
Je rêvais de m’enfuir en courant. Ils n’en sauraient rien, car je mens comme je respire, par peur d’offenser davantage que par malhonnêteté.
J’ai enseigné le français et la littérature durant plus de trente ans dans ce collège privé huppé et, pourtant, personne ne peut se targuer de bien me connaître. Ils ne parviennent pas, même après toutes ces années, à me saisir complètement. Personne ne sait le fond de ma pensée, personne ne peut affirmer avec certitude où je loge, du moins idéologiquement. Je ne m’en vante pas, je le constate, c’est tout. Je suis fuyant. Je suis «le plus gentil », «le plus sociable », «le plus drôle », «le chouchou des étudiants », comme ils me l’ont si souvent répété. Incapable de la moindre colère, je ne me suis jamais emporté, je n’ai jamais haussé le ton, ni contre un élève, encore moins contre un collègue ou contre un parent, même si certains auraient bien mérité d’être tancés, «vertement tancés », comme disait un de mes vieux professeurs. J’ai sans doute risqué l’implosion plus d’une fois à force de m’autocensurer. Personne ne l’a su, évidemment. Je garde toujours une saine distance avec mon entourage, surtout avec les plus proches.
Souriant mais réservé, empathique mais un peu misanthrope, j’érige des barrières invisibles autour de moi. Je cultive le mystère, j’alimente les rumeurs. Je n’ai jamais eu le courage de m’abandonner à un quelconque psy mais j’ai fini, avec le temps, par m’avouer qui j’étais.
Pour dire vrai, j’ai hérité de mon père d’une incorrigible et paralysante peur de vivre. Il m’a enseigné malgré lui la négation de soi. Son respect obsessif de la loi et de l’ordre m’a coupé les ailes. C’est la source de mes accès de mélancolie récurrents. De ma mère, j’ai reçu un bagage génétique qui me rappelle tous les jours que je suis mortel, que le temps file, qu’on finira tous dans un petit cendrier et qu’un jour, il sera trop tard pour tout, pour aimer, pour voyager, pour jouir, pour rire, pour lire, pour courir, pour caresser le museau humide de mon gros Bémol (le plus beau beagle en Occident), pour frapper des coups droits dévastateurs au tennis ou pour entendre le violoniste russe Maxim Vengerov jouer la Méditation de Thaïs de Massenet et sentir les larmes monter en moi.
Je trouve une certaine grâce dans la solitude, celle que l’on choisit, pas celle que l’on subit. Nuance. Il n’empêche que, dans les cocktails et les repas obligés, je supporte très bien la compagnie des autres et je peux soutenir la conversation durant des heures, même quand je m’ennuie profondément. Politique, tendances sociales, sport, culture : j’en sais toujours assez pour me débrouiller en société, pour poser la bonne question, pour sauver la face, mimer l’empathie et relancer mes interlocuteurs. Dans le petit théâtre des rencontres sociales, je me fabrique un personnage et je m’applique à bien tenir mon rôle. La conversation glisse sur le Proche-Orient? Je connais par cœur les partitions de l’Israélien, du Palestinien et de l’expert. Je connais toutes les répliques et je peux me glisser aisément dans la peau des trois personnages.
Depuis la mort de Mireille, c’est-à-dire depuis deux ans, la télé résonne en permanence dans la maison. Elle est ma compagne d’insomnie. Je regarde les téléjournaux en boucle, j’apprends par cœur les reportages, je connais chacune des manies des reporters, je peux relever leurs tics de langage. « Si vous voulez, on va entendre ce qu’avait à dire Monsieur X au sujet de cette affaire… », dit le type avec le micro dans les mains. Et moi, je lui réponds à voix haute en fixant l’écran : « Qu’on le veuille ou non, on va l’écouter, idiot ! » Et ça me fait du bien.
Tout m’appelle, m’interpelle, m’intéresse, m’avale. C’e

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