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Extrait
LES SILURES DU CIEL
Sirénou rythmait ses pas au son des tambours Les Frères Guèdèhounguè
’diaye Thiossane, le Wolof, enregistre son pre-N mier disque à soixante et quinze ans, et rêve de faire valser les étoiles au rythme de son Mbala. Farouche bravade, et surtout image en or pour ces retraités-là qui irritent l’air à l’envi et que Prudencio condamna dans sa nouvelle « Ça ira »… Il était déjà vieux retraité, quelque peu bedonnant ; mais ses cheveux coton ne l’empêchaient guère de s’of-frir une promenade pédestre au Stade des Collines, com-menter les passements de jambes des joueurs en entraî-nement, ou prendre « deux comprimés » d’igname pilée, comme il aimait le dire, au milieu de ses randonnées, dans un boui-boui en bordure de voie d’où il pourra s’esclaffer après les Fulfulde qui remontaient la latérite en direction de la mosquée, le long et lisse bâton sur les épaules, le majestueux poste radio battant le anc. 1998. Radio Cité, la radio savaloise, venait de créer « Nostalgie », une émission qui distillait sur les ondes, tous les dimanches matin, les « souvenirs d’hier et d’aujourd’hui » des auditeurs qui déposaient leurs écrits au siège, sous pli fermé. Maître Constant couchait ses textes, d’abord au brouillon ; ensuite il s’employait à calligraphier ces récits qui l’assaillaient, et attendait
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Présentation patiemment le samedi pour aller les remettre à l’anima-teur. Le lendemain à 11h30, tous les auditeurs étaient déjà oreille collée à leur poste et s’émerveillaient d’écou-ter les tendres et suaves histoires d’Ésséwé, l’Écrivain des Collines, surnoms dont l’affubla l’animateur. Ainsi, tout comme Marcel Pagnol doit sesSouvenirs d’enfanceà Hélène et Pierre Lazareff, Constant Gbaguidi doit les siens à Toussaint Randolph, ce grand ami originaire du Mono, et qu’il a, hélas, perdu de vue depuis. Pagnol et Gbaguidi ont reçu la stimulation de journalistes, le Français pour un numéro du magazine Fémina, le Bé-ninois pour un texte hebdomadaire de « Nostalgie ». Quand il n’avait pas de texte à écrire, et qu’il n’était pas non plus dans les rues de sa cité natale, Maître Constant époussetait son dictionnaire encyclopédique Aristide Quilletet se livrait, entouré de ses cahiers, à son jeu favori, qu’il baptisa “Glanage”. Il glanait réellement, récoltait çà et là les mots du dictionnaire qui lui étaient nouveaux ou qui avaient une quelconque particularité grammaticale ou orthographique. Il le faisait avec minu-tie, par ordre alphabétique, en employant chaque trou-vaille dans une ou plusieurs phrases. Ainsi avait-il dans ses cahiers “Glanage A”, “Glanage B”, etc. Il poursuivait le jeu, jusqu’à épuisement. Et quand il n’en pouvait plus, il rangeait livres et cahiers et s’allongeait sur le banc... Constant Gbaguidi aimait aussi lire, il lisait beau-coup. Ses livres s’entassaient pêle-mêle sur la table, et il n’était pas rare de le voir ouvrir le même livre plusieurs fois dans la journée, s’extasiant devant telle description d’Olympe Bêhly-Quenum ou s’attendrissant devant la 10