Les trois pirates
397 pages
Français

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Les trois pirates , livre ebook

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Description

Edouard Corbière (1793-1875)



"À l’endroit où s’élève aujourd’hui, un peu au-dessus des eaux de la rade de la Pointe à Pitre, l’angle du quai sur lequel est bâti le vaste café Américain, il existait, il y a dix-huit ou vingt ans déjà, une espèce de grande buvette que fréquentaient assiduement tous les anciens corsaires et les marins désœuvrés de la colonie. Un vieux petit billard râpé, dont le tapis avait dû être vert, du temps où florissaient Magloire Pélage et le général Richepanse(1), occupait, sur ses six pieds à peu près égaux, une bonne moitié de la salle basse du logis. Autour de ce billard demi-séculaire, gravitaient comme les satellites d’un astre glorieux, quatre à cinq tables en courbari, destinées à recevoir les verres, les cartes, et aussi les dés ronflants des habitués sédentaires ; car c’était le plus souvent aux dés que ces messieurs s’amusaient à jouer la consommation de la journée ou le montant de la dépense, dont la maîtresse de l’établissement avait depuis plusieurs mois débité leur compte particulier.


Cette autre belle limonadière de cet autre café du Bosquet, transplanté aux Antilles, était une grosse et grande fille de couleur, aussi humaine pour toutes ses pratiques, que toutes ses pratiques paraissaient être tendres pour elle."



A la Pointe à Pitre, à la Guadeloupe, le capitaine Salvage, maître Bastringue et frère José, trois marins complètement différents, se lient par contrat pour une "petite industrie maritime", c'est-à-dire piraterie. Chacun partira de son côté et tous les trois se retrouveront, un an après, à Saint-Thomas pour régler les comptes...


Edouard Corbière est considéré comme l'un des pères du roman maritime.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782374639796
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les trois pirates

suivi de :
Le corsaire l ’Aventure, et le capitaine Malviré


É douard Corbière


Octobre 2021
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-979-6
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 977
Les trois pirates
Avertissement de l'auteur

En composant ce nouvel ouvrage, j’ai voulu mettre en présence et en opposition trois hommes agissant avec la plus entière liberté, sous l’influence de causes diverses, pour arriver au même but ou plutôt au même crime. L’un de mes personnages est un jeune officier de marine, dont l’éducation a été gâtée ; l’autre un matelot privé d’éducation et n’obéissant qu’aux instincts de sa nature grossière ; le troisième, enfin, est un séminariste chez qui l’éducation n’a servi qu’à fortifier les plus funestes penchants. Le premier s’égare faute de guide, le second faute de frein et d’intelligence, le dernier ne s’égare pas, tant s’en faut ; il marche au mal par calcul, et en pesant froidement le bien personnel qui pourra résulter pour lui, mais pour lui seul, du mal qu’il fera aux autres. On doit plaindre l’officier, on peut mépriser le matelot, mais à coup sûr, après avoir lu l’ouvrage, il sera impossible de ne pas détester le séminariste.
Du rapprochement de ces trois individualités, et de leur manière différente de penser et de se conduire, naît tout l’intérêt philosophique que j’ai cherché à répandre sur mon livre. Les événements que j’ai retracés, ne doivent contribuer qu’au développement des caractères de mes personnages, et ces événements n’arrivent sur le premier plan que pour donner de la saillie aux figures les plus importantes de mon petit tableau. Ce n’est pas de l’histoire, enfin, que j’ai voulu écrire en laissant tomber sur des faits avérés, quelques lambeaux de fictions. C’est plutôt une idée morale que je me suis efforcé d’élever sur le fond d’un assez grand nombre d’aventures plus ou moins connues. La vérité des incidents, et la nature même des moyens que l’on emploie, sont peu de chose en pareille matière : ce qu’il m’importait d’atteindre, c’était le but. L’ai-je atteint ? c’est la question.
J’aurais fort bien pu, et je le sais, pour exécuter le plan que j’avais conçu, lancer d’un seul jet d’imagination, tous mes personnages dans le tourbillon de la société, au lieu de les envoyer sur mer, chercher isolément les destinées qu’il m’a plu de leur réserver, si loin de tous les usages reçus dans le beau monde littéraire. Mais en adoptant ce parti que la critique n’aurait pas manqué de me conseiller, si j’avais d’avance consulté la critique, il m’aurait fallu renoncer à un avantage dont j’ai depuis longtemps appris à mesurer toute l’étendue. La terre, me suis-je dit, commence à être bien usée et à se faire bien vieille, pour le roman tel qu’on le fait depuis trois siècles en France. À terre, d’ailleurs, des hommes comme ceux que je suis habitué à mettre en relief, ne pourraient guère se mouvoir sans rencontrer à chaque pas, des lois qui les arrêteraient, ou un joug sous lequel se briserait ou s’effacerait la fougue de leurs passions ou l’empreinte de leur mâle caractère. Mais à la mer, où les plus mauvais penchants, libres comme les flots qui les emportent, peuvent se développer en toute sécurité et avec toute impunité, l’imagination du romancier se sent plus à l’aise ; et si elle ne grandit pas toujours assez pour remplir l’espace immense qu’elle s’est ouvert devant elle, du moins peut-elle espérer de trouver là d’autres objets et d’autres aventures que des mœurs de convention et des intrigues de boudoir. La nouveauté, même la plus vulgaire, n’est pas chose tellement commune en littérature, qu’on doive dédaigner de la chercher là où il est encore possible peut-être de la rencontrer.
I
Le café de la pointe
 
À l’endroit où s’élève aujourd’hui, un peu au-dessus des eaux de la rade de la Pointe à Pitre, l’angle du quai sur lequel est bâti le vaste café Américain , il existait, il y a dix-huit ou vingt ans déjà, une espèce de grande buvette que fréquentaient assiduement tous les anciens corsaires et les marins désœuvrés de la colonie. Un vieux petit billard râpé, dont le tapis avait dû être vert, du temps où florissaient Magloire Pélage et le général Richepanse (1) , occupait, sur ses six pieds à peu près égaux, une bonne moitié de la salle basse du logis. Autour de ce billard demi-séculaire, gravitaient comme les satellites d’un astre glorieux, quatre à cinq tables en courbari, destinées à recevoir les verres, les cartes, et aussi les dés ronflants des habitués sédentaires ; car c’était le plus souvent aux dés que ces messieurs s’amusaient à jouer la consommation de la journée ou le montant de la dépense, dont la maîtresse de l’établissement avait depuis plusieurs mois débité leur compte particulier.
Cette autre belle limonadière de cet autre café du Bosquet, transplanté aux Antilles, était une grosse et grande fille de couleur, aussi humaine pour toutes ses pratiques, que toutes ses pratiques paraissaient être tendres pour elle. Assez peu soucieuse du soin de sa fortune, mais très portée à s’accommoder philosophiquement du métier qu’elle ne faisait guère que par nonchalance, elle se serait volontiers contentée de ne rien gagner sur sa clientelle, pourvu que ses clients eussent trouvé le secret de la réjouir tout le long du jour et une bonne partie de la nuit. Peu lui importait que la consommation dont elle faisait les avances ne fût que peu ou point payée. Ce qu’il fallait avant tout à mamzelle Ziro u (2) , c’était du mouvement, de la confusion, et de temps à autre même, quelque peu de scandale. Avec de tels goûts, et avec les chalands que sa facile humeur lui avait assurés, on conçoit que la vogue ne devait guère lui être moins fidèle que chacun de ses adorateurs. Aussi, fallait-il voir avec le souffle ravivant de la brise du soir, arriver en grondant, le flot de marins qui allait s’engouffrer dans le fond de ce port de relâche ouvert à l’ennui et au désœuvrement de toute la journée ! Le phénomène des marées n’offre guère sur nos plages d’Europe, de spectacle plus curieux que celui que présentaient le flux et le reflux de toutes les pratiques de mamzelle Zirou, envahissant et vidant à chaque minute cette salle de douce et joyeuse compagnie. Trois ou quatre petits esclaves décorés du nom traditionnel de garçons de l’établissement, suffisaient à peine alors au service ordinaire du café de la Pointe , car c’était là le nom que les plaisants du lieu avaient eu la malignité de donner au noble cabaret, par allusion d’abord au nom du pays, ou à la susceptibilité un peu ferrailleuse des habitués, et peut-être bien aussi, il faut le dire, par allusion à la prodigieuse quantité de grosses pointes que l’ivresse et la joie de tous les jours faisait jaillir en gerbes phosphorescentes, de ce foyer d’esprit et de liqueurs spiritueuses.
Une nuit que les chaudes pluies et les vents orageux de l’hivernage tourmentaient avec une violence inaccoutumée les persiennes du Café de la Pointe , et que la lueur des coups de tonnerre faisait pâlir à chaque instant les deux vacillants quinquets, suspendus par deux bouts de corde au-dessus du billard depuis quelque temps abandonné, trois jeunes marins demeurés après la foule éclipsée, autour d’une table couverte encore de bouteilles vides et de verres fêlés, s’entretenaient paisiblement entr’eux, au bruit de la rafale, aux coups redoublés de la pluie et au roulement presque continu de la foudre étincelante. – Assis depuis près d’une demi-heure auprès de mamzelle Zirou, sur le canapé qui lui servait de trône, je me disposais à rentrer chez moi malgré la fureur de l’orage, lorsque la maîtresse de la maison que je croyais déjà endormie, me saisit brusquement par le bras pour prévenir mon mouvement de retraite. Ecoutez ! écoutez, me dit-elle d’une voix étouffée : Ils arrangent une grande affaire .
Ces mots d’avertissement prononcés avec la mystérieuse volubilité qui pouvait me donner le mieux l’idée de l’importance que je devais attacher à un pareil appel, me firent comprendre la raison pour laquelle notre limona

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