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Description
Sujets
Informations
Publié par | Québec Amérique |
Date de parution | 11 septembre 2012 |
Nombre de lectures | 0 |
EAN13 | 9782764417539 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
L i t t é r a t u r e d’ A m é r i q u e
Collection dirigée par Normand de Bellefeuille et Isabelle Longpré
On aurait dit juillet
De la même auteure
De la même auteure
Kilomètres, récits, Éditions Les Intouchables, 1999.
La Nuit monte, roman, XYZ éditeur, coll. Hiéroglyphe, 2003.
Josée Bilodeau
On aurait dit juillet
roman
Crédits
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Bilodeau, Josée
On aurait dit juillet
(Littérature d'Amérique)
ISBN 978-2-7644-0609-0 (imprimé)
ISBN 978-2-7644-1400-2 (PDF)
ISBN 978-2-7644-1753-9 (EPUB)
I. Titre. II. Collection : Collection Littérature d'Amérique.
PS8553.I533O5 2008 C843'.54 C2007-942256-X
PS9553.I533O5 2008
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.
Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.
Les Éditions Québec Amérique bénéficient du programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Elles tiennent également à remercier la SODEC pour son appui financier.
L’auteure remercie le Conseil des Arts du Canada pour son soutien dans la réalisation de ce projet.
Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1
Téléphone : 514-499-3000, télécopieur : 514-499-3010
Dépôt légal : 1 er trimestre 2008
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
Mise en pages : André Vallée — Atelier typo Jane
Révision linguistique : Diane-Monique Daviau et Danièle Marcoux
Direction artistique : Isabelle Lépine
Adaptation de la grille graphique : Louis Beaudoin
Conversion au format ePub : Studio C1C4
Pour toute question au sujet de ce ePub : service@studioc1c4.com
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
©2010 Éditions Québec Amérique inc.
www.quebec-amerique.com
Exergue
« Il y a des gens qui pensent que de telles scènes sont des décorations, tirées de vies par ailleurs occupées et utiles. Frances sait parfaitement que c’est ce dont la vie est faite, toutes les scènes sont parfaitement liées, comme des pavés ajustés les uns aux autres. »
Carol Shields
« J’ai retenu du voyage que les villes ont une âme. À nous de les écouter. Elles se lamentent dans le croisement du va-et- vient nocturne et des confusions du jour. »
Claude Beausoleil
Préambule
A
vant cette journée étrange, il y a eu certains signes. Le mois de mai avait commencé sur une triste note. Le vent, toujours présent — c’était à rendre fou —, avait gardé un fond froid désagréable, comme si avril s’était accroché. Mais le dix du mois, un soleil claironnant l’arrivée d’une autre saison s’est installé à demeure. Ce jour-là, on a vu les bourgeons éclore à l’œil nu. L’air embaumait le lilas. On le sentait jusque dans les maisons aux fenêtres grandes ouvertes. Tandis que les colverts réintégraient les étangs après une longue migration, le muguet envahissait les parterres, petits soldats gagnant le territoire ennemi, pouce par pouce. Le quartier s’est mis à grouiller d’une animation peu commune. On avait condensé l’arrivée du printemps en quelques heures de magie.
Au cours des jours suivants, la nature allait s’ajuster. Les feuilles atteindraient leur maturité, les parcs et les squares deviendraient des oasis de verdure. Dans ce quartier de la ville où la vie est toujours si agréable, on cesserait vite de s’étonner de ces petits miracles printaniers. Les files s’allongeraient devant les marchands de glaces. Les grandes surfaces mettraient les climatiseurs en promotion. Les gens prendraient leurs habitudes estivales, contents.
Ce n’est que le 15 mai, devant le premier et le plus étonnant de cette série de petits prodiges, que les gens commenceront à s’inquiéter. Oh pas beaucoup, il ne s’agira d’abord que d’un sentiment diffus. Un malaise, tout au plus, quand, à minuit pile, des éclairs bleus et brillants se mettront à déchirer le ciel, donnant le coup d’envoi à ce qui restera, pour plusieurs habitants du quartier, les plus longues vingt-quatre heures de leur vie.
Vous verrez, avant la fin de cette funeste journée, il y aura un mort et d’innombrables dommages collatéraux. Quelques menaces de divorce, un rendez-vous manqué et des désertions. De petites et de grandes peurs, de petites et de grandes joies. Un adolescent découvrira le pouvoir des mots, et un homme qui connaissait le pouvoir des gestes en sera anéanti. Un apprenti cuisinier provoquera une réaction en chaîne dont on ignore encore, à ce jour, l’étendue des conséquences.
Des gens s’aimeront. Certains avec un naturel réjouissant. D’autres, plus maladroitement. Deux seulement seront tentés de consigner, par écrit ou en images, tout ce qu’ils peuvent de cette journée de collisions, alors que tous les autres assisteront à des phénomènes isolés. Visions partielles des événements qu’on ramène à soi, invariablement.
Mais pour l’heure, au beau milieu de cette nuit singulière, dans les cours comme sur les terrasses, les gens ont suspendu leurs discussions, le nez levé vers ce ciel irréel. On dirait des oisillons attendant la becquée. Un bien joli tableau.
Monique, Mathieu, Robert
S
i Monique avait à décrire cette scène plus d’une fois, il est peu probable que ses versions s’accorderaient. Elle n’est ni certaine de ce qui s’est passé exactement ni de ce qui s’est dit. Tout est allé très vite, une réalité fuyante entre ses mains ouvertes.
Elle avait invité le fils de Robert à l’anniversaire de son père. Il y avait quelques amis à eux. Mathieu les connaissait tous. Elle avait attendu le jour même pour lui téléphoner, avec l’espoir coupable qu’il aurait déjà prévu autre chose pour la soirée. Mais il était venu, avec cette charge électrique qu’il trimballait depuis un moment. Ses quinze ans à fleur de peau la mettaient mal à l’aise. Il était toujours si tendu, une boule de petits élastiques prêts à se rompre.
Il s’est pointé tard à la réception. Dehors, le ciel était toujours aussi spectaculaire. En l’accueillant à la porte, Monique a dit une banalité et lui a souri. Pas lui. « Boule d’élastiques », a-t-elle pensé. Ça lui a fait du bien. Elle a précédé Mathieu dans le couloir. Le blouson de toile de l’adolescent, trop chaud pour cette lourde soirée, frottait contre son grand corps pataud. Monique en était agacée. Mais comme c’était la soirée de Robert, elle s’est efforcée d’oublier la présence de Mathieu. Elle a bu un autre verre, alors qu’elle aurait dû s’arrêter là. Robert est venu l’enlacer. Il était heureux de voir son fils, et même visiblement ému.
Au milieu de la fête, les invités ont voulu présenter ce qu’ils avaient préparé pour Robert, le « chauffeur d’autobus préféré des dames âgées », avait proclamé l’instigateur de ce bien-cuit plutôt inquiétant, vu le taux d’alcool dans le sang de l’assemblée. Robert a fait un clin d’œil compatissant à sa femme, même si c’est lui qui allait se faire cuisiner.
Monique a croisé le regard de Mathieu. Noir, comme toujours. Il portait encore son blouson, avait les mains dans les poches, les cheveux devant les yeux. Il se mordillait la lèvre nerveusement, un autre de ses tics. C’est plus fort qu’elle, Monique remarque toujours tout. « Qui commence ? » a demandé Robert, prompt à faire progresser les choses, comme d’habitude. Mathieu s’est avancé en dépliant une feuille qu’il avait glissée dans une enveloppe rouge, les éternelles enveloppes de sa mère, a noté Robert, un peu agacé sans savoir pourquoi. La participation volontaire de l’adolescent a étonné Monique. Les autres semblaient amusés. Robert, lui, a plissé le front, inquiet.
C’est là, à ce moment précis, que la boule s’est défaite. Monique l’a vue, elle a entendu les élastiques éclater dès qu’il a ouvert la bouche. Mathieu semblait se détendre, grandir un peu plus à chaque phrase, une plante après la pluie. Les mots, prononcés de façon impeccable pour une fois, claquaient dans la pièce. Monique les entendait comme une musique trop forte. Ce n’est qu’en remarquant la réaction des invités qu’elle s’est mise à écouter vraiment. « Queue, bouche, enfant, sucer… »
Il y a eu un brusque mouvemen