Ras le bol
128 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
128 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Le premier roman signé par cet auteur perspicace raconte, en un mélange bien dosé d’humour, de franche lucidité et de sarcasme, la phase finale de lalente mais sûre dérive de Georges, un homme étouffé par sa cravate, asphyxié par les contraintes aberrantes de la société dans laquelle il évolue. Pour quiconque s’est efforcé un jour ou l’autre de prendre un peu de recul sur le mode de vie contemporain, difficile de ne pas reconnaître les contraintes professionnelles dans lesquelles Georges est coincé, car elles ressemblent étrangement aux nôtres… Malaisé aussi de ne pas relever les attentes démesurées de son entourage en ce qui a trait à sa réussite sociale, auxquelles plus d’un Georges a été confronté. Difficile enfin, pour nombre de lecteurs, de ne pas s’identifier à ces petits travers de la vie de banlieue rêvée, dont chacun souhaiterait se dissocier au grand jour, maintenant qu’elle est largement rattachée aux balades du chien le dimanche, aux barbecues, de même qu’à l’entretien quasi sacré des pelouses et des plates-bandes. Mais ne dit-on pas que l’«on rit mal des autres, quand on ne sait pas d’abord rire de soi-même»? [Léautaud]Georges parviendra-t-il, en si peu qu’une semaine, à reconquérir ne serait ce qu’une once de liberté, d’énergie créatrice? C’est qu’il y a, pour ce faire, des années d’automatismes, de programmation à défaire. D’autant plus qu’il a une femme, Georges, et de nombreux autres opposants…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 janvier 2014
Nombre de lectures 1
EAN13 9782894556900
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Guy Saint-Jean Éditeur
3440, boul. Industriel
Laval (Québec) Canada H7L 4R9
450 663-1777
info@saint-jeanediteur.com
www.saint-jeanediteur.com

••••••••••

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Godue, François, 1960-
Ras le bol
ISBN 2-89 455-178-9
I. Titre.
PS8613.O346R37 2005  C843’.6  C2005-941196-1
PS9513.O346R37 2005

••••••••••

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) ainsi que celle de la SODEC pour nos activités d’édition. Nous remercions le Conseil des Arts du Canada de l’aide accordée à notre programme de publication.



Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion Sodec

© Guy Saint-Jean Éditeur inc. 2005

Conception graphique : Christiane Séguin
Révision : Nathalie Viens

Distribution et diffusion :
Amérique : Prologue
France : Dilisco S.A. / Distribution du Nouveau Monde (pour la littérature)
Belgique : La Caravelle S.A.
Suisse : Transat S.A.

Dépôt légal — Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Bibliothèque et Archives Canada, 3 e trimestre 2005
ISBN : ISBN 2-89 455-178-9
ISBN ePub : 978-2-89 455-690-0
ISBN PDF : 978-2-89 455-689-4

Tous droits de traduction et d’adaptation réservés. Toute reproduction d’un extrait de ce livre, par quelque procédé que ce soit, est strictement interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.

Guy Saint-Jean Éditeur est membre de
l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)

SEPTEMBRE 2013
« Le désespoir est cet état où l’homme désire toujours être
ce qu’il n’est pas et ne consent pas à être ce qu’il est. »

S OREN K IERKEGAARD


À la douce mémoire de Jacques Lambresieux :
ce livre dont tu m’as parlé un après-midi de délire
urémique, mais que tu n’as jamais écrit.



Par amour d’Élisabeth, de Tobie-Raphaël
et de Mallory-Olivier.
Lundi
1
Comme d’habitude les jours de semaine à cette heure-ci, assis dans ma voiture, j’attends. Coincé dans les semi-obscurités de cet espace clos et souterrain, j’observe devant moi le mur du garage.
Cette surface froide, sans couleur ni relief, me ramène à l’homme terne, plat, fade que je suis devenu, être sur-adapté et conforme, créature bassement sociale, bêtement familiale.
Sur cette cloison de gypse commence à m’apparaître toute l’absurdité de mon existence. Avec l’oppressant pressentiment d’avoir jusqu’ici vécu à côté de ma vie, en parodie de moi-même, pauvre amalgame de ce que je ne suis pas.
Je sonde du regard les pénombres qui m’enserrent. Me voilà de nouveau en gestation, étouffant chaque jour un peu plus dans un utérus exsangue qui ne me contient plus. Mais j’ai beau me faire attentif à cet autre monde juste là, par-delà la matrice, en épier les lumières et les sons qui filtrent, déformés à travers la paroi, je n’en perçois pas grand-chose et il me fait toujours peur.
Mal où je suis, je reste pourtant plein d’appréhension face à cet ailleurs dont j’ai parfois la prescience, mais qui me demeure jusqu’à présent obstinément étranger.
Il y a quelques mois s’est amorcé chez moi une longue dérive : dérive des idées, de l’humeur, du comportement aussi. Et aujourd’hui je ne sais plus ; je ne vois plus ni où ni comment conduire ma pauvre barque au gouvernail brisé, au compas déréglé. Aux courants impérieux, je n’arrive plus à m’opposer. Mon ancre souvent chasse sur le fond, parfois même ne croche plus. Le naufrage devient alors mon unique perspective ; la peur, ma seule compagne. La peur viscérale de ne rien pouvoir y changer.
Je tourne la clé dans le contact. La douce vibration du moteur se fait sentir, presque une berceuse, un appel à l’abandon. Enfin tranquille. Le seul moment vrai de la journée. Je me rappelle cette victime d’intoxication au monoxyde de carbone qu’on m’avait amenée du temps où j’étais aux urgences. Le teint cireux, les lèvres bleues.
Inspirer… puis expirer doucement. Inspirer profondément pour expirer lentement. Faire pénétrer l’air dans mes poumons, bien abaisser mes diaphragmes, retenir ma respiration un moment puis laisser aller…
Encore ces maudites crampes, ces coliques qui m’oppressent depuis des mois.
J’actionne la télécommande du mécanisme d’ouverture de la porte de garage, je mets la marche arrière et m’accouche à la vive et déjà chaude lumière de cette jeune matinée de printemps. Dans ma précipitation maladroite, je heurte de plein fouet la poubelle laissée au chemin un peu plus tôt. D’un œil las, je suis dans mon rétroviseur le double périlleux renversé qu’elle décrit dans les airs en se vidant de son contenu dans la rue.

2
Sept mois, sept très longs mois qu’il s’en est allé.
— L’homme n’a plus d’autre dimension qu’économique.
Il avait marqué une pause, pensif.
— Pour le reste, on se torche avec.
Je le revois comme si c’était maintenant. Comme s’il se tenait toujours devant moi, debout près de la haie de cèdres, en grimaçant méchamment.
— J’en avais assez, plus qu’assez. J’ai tout plaqué. J’ai laissé mon poste.
Interrompu pendant la taille de mes rosiers, j’étais resté là, pantois, le sécateur toujours à la main. Il travaillait chez un géant des télécoms, le voisin Forest ; très haut placé dans les ressources humaines. Gros salaire, excellentes conditions, bon programme de retraite ; vu son âge, son ancienneté, il n’avait vraiment pas intérêt à quitter son emploi.
— On tenait notre réunion stratégique trimestrielle. Depuis longtemps on y discutait toujours les mêmes choses : réductions d’effectifs, licenciements, diminution des frais d’exploitation, rationalisation, performance, compétitivité, productivité, rentabilité. Cette fois j’ai pas su résister. Je me suis levé et je les ai tous engueulés.
Il avait eu une moue dégoûtée.
— Je leur ai dit que j’en avais assez de presser les gens comme des citrons pour balancer ensuite leurs carcasses vides sous prétexte de restructuration. Que j’étais écœuré d’utiliser puis de jeter des humains comme on le ferait avec du papier cul. Que j’étais épuisé d’engager puis de congédier massivement au seul gré des cycles économiques et des besoins ponctuels de la compagnie.
Il m’avait dévisagé.
— Le lendemain on m’a demandé ma démission pour cause d’incompatibilité avec la philosophie de l’entreprise !
Un immense sourire que je ne lui connaissais pas.
— Parce que ça philosophe, une entreprise ?
Il avait ri franchement ; je l’avais vu rajeunir de vingt ans.
— Incroyable, aujourd’hui je me sens tellement mieux. J’avais vraiment pas idée à quel point je pouvais en avoir assez de ce genre de vie, de mon travail, de l’industrie. Assez de notre intégrisme économique et des ayatollahs de la finance.
Du grand art tout de même comme suicide. Pourtant je me suis tenu coi, en bonne part étranger à son bonheur.
— Non seulement l’activité de produire est-elle maintenant plus importante que la chose produite, que la ressource humaine qui s’y emploie, que l’environnement où elle s’opère, aujourd’hui c’est l’activité de produire qui justifie la chose produite, justifie la ressource humaine, justifie l’environnement. L’homme est rendu totalement périphérique dans son propre univers, esclave de sa créature. Il y a pourtant des foutues limites au-delà desquelles plus rien n’a de sens !
Il avait commencé à s’énerver, mon voisin. Il était maintenant tout cramoisi, tout fumant d’indignation sous sa chevelure de neige dont on aurait dit qu’elle allait lui fondre au visage s’il ne se calmait pas bientôt.
— Tiens, je te fais une confidence : avant d’étudier l’administration et d’intégrer le milieu des affaires, j’ai été en religion pendant cinq longues années. Séminariste ! Eh oui ! Cinq ans ! Eh bien, l’ascétisme et l’intégrisme en entreprise sont pires encore que tout ce que j’aurai pu connaître dans les ordres ! Intégrisme pour intégrisme, l’homme n’est pas plus libre, moins sadique ou masochiste. Ascétisme pour ascétisme, son âme est toujours sous tutelle et aussi sèche.
Longue pause pendant laqu

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents