Rue des rêves brisés
106 pages
Français

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Rue des rêves brisés , livre ebook

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Description

En nous racontant son histoire, Christophe, un adolescent d’origine haïtienne, nous fait pénétrer dans le monde de l’exil et de ses tourments. Un roman empreint d’amour et d’amitié, qui évoque aussi les cruautés de la vie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 13 novembre 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782896996612
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Rue des rêves brisés

Du même auteur
 
 
 
 
 
 
 
Chez le même éditeur
À l’ombre des érables et des palmiers , nouvelles, Ottawa, 2018, 122 pages. Collection « Vertiges ». Second tirage, 2019.

Guy Bélizaire
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Rue des rêves brisés
 
Roman
 
 
 
 
 
 
 
Collection Vertiges
L'Interligne

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
 
Titre: Rue des rêves brisés / Guy Bélizaire.
 
Noms: Bélizaire, Guy, auteur.
 
Identifiants: Canadiana (livre imprimé) 20190167637 | Canadiana (livre numérique) 20190167661 |
 
ISBN 9782896996599 (couverture souple) | ISBN 9782896996605 (PDF) | ISBN 9782896996612 (EPUB)
 
Classification: LCC PS8603.E44525 R84 2019 | CDD C843/.6—dc23
 
 
 
 
 
 
 
 
L’Interligne
435, rue Donald, bureau 337
Ottawa (Ontario) K1K 4X5
613 748-0850
communication@interligne.ca
interligne.ca
 
Distribution : Diffusion Prologue inc.
 
ISBN 978-2-89699-661-2
© Guy Bélizaire 2019
© Les Éditions L’Interligne 2019 pour la publication
Dépôt légal : 4 e trimestre de 2019
Bibliothèque et Archives Canada
Tous droits réservés pour tous pays

À mes enfants, David, Péguy, Tania et Fanny
 
 
Ma profonde gratitude à mon épouse Myrtha, pour son
indéfectible soutien et ses judicieux conseils

Si l’on est d’un pays, si l’on y est né, comme qui dirait : natif-natal, eh bien, on l’a dans les yeux, la peau, les mains, avec la chevelure de ses arbres, la chair de sa terre, les os de ses pierres, le sang de ses rivières, son ciel, sa saveur, ses hommes et ses femmes : c’est une présence dans le cœur, ineffaçable, comme une fille qu’on aime […]
Jacques Roumain, Gouverneurs de la rosée



Chapitre 1







Ils disent que je suis perturbé , que toute cette histoire m’a secoué. C’est peut-être vrai. Qui ne le serait pas ? Tout ce que je sais, c’est que cela me vient par bribes, tels les morceaux d’un puzzle que j’essaie de mettre en ordre. Car de l’ordre, il n’y en a pas. Alors, je vais vous la raconter du mieux que je peux, en me fiant à ma mémoire. Mais vous savez ce que c’est, la mémoire. On dit que c’est une faculté qui oublie. Donc, vous m’excuserez si, à l’occasion, certains points m’échappent. Ne m’en tenez pas rigueur. Et puis merde, peut-être qu’il y a des détails que je vais omettre volontairement, pour ne pas les revivre, même dans ma tête. Aussi, je me sens tellement épuisé, comme si tout d’un coup j’avais vieilli de vingt ans en l’espace d’un été.
Parfois, je me demande ce qui serait arrivé si on était restés dans notre bungalow de Longueuil, en banlieue de Montréal. À l’heure où je vous parle, je serais peut-être dans le sous-sol, en compagnie de mes amis de naguère. Ah ! Ces amis que je ne voulais pas quitter et que je ne vois plus aujourd’hui. Dire que je pensais les garder pour la vie ! Mais la vie les a séparés de moi. Après tout, c’est peut-être ça l’existence, quitter ceux qu’on aime pour en aimer d’autres. On ne revient pas en arrière. Pas de bouton rewind. Dommage, car je vous jure qu’autrement, je reculerais le temps. À défaut, je ferais en sorte qu’il passe plus vite. Ainsi, le tout serait tellement loin dans ma mémoire, qu’y penser me laisserait de glace. J’en doute, mais c’est ce que je pense.
Je m’appelle Christophe. Christophe Célestin. J’ai dix-sept ans, mais on m’en donne plus, à cause de mon gabarit. Autrefois, mon père me disait que c’était pas la peine d’être si grand quand on n’a rien dans le crâne. À l’époque, je croyais qu’il était jaloux, le paternel, car comparé à moi, avec ses cinq pieds et sept pouces, il est un modèle réduit. Entre nous, rien de commun. Lui, c’est tout dans la tête. Un cerveau, comme on dit. Capable de donner son opinion sur tout, de discourir de philosophie, de littérature, d’histoire et surtout de politique, son sujet de prédilection. Mon père est prof, comme il l’était en Haïti. Toutefois, il dit qu’au Québec, ce n’est pas la même chose, que les étudiants n’ont aucune considération pour leurs professeurs et qu’il serait mille fois plus utile à Cap-Haïtien, sa ville natale. Souvent, je vois ses anciens élèves qui vivent maintenant à Montréal l’appeler maître. Maître Manno. Son vrai nom c’est Emmanuel, mais tout le monde le surnomme Manno.
Aujourd’hui, il ne fait plus aucune remarque désobligeante à mon endroit. Plutôt, il m’offre ses conseils. J’aurais aimé l’aider à mon tour, sauf que je ne sais pas comment, car nous sommes dans le même bateau, tous les deux à panser nos plaies, à cuver notre peine. Alors forcément, cela nous a rapprochés. C’est bête qu’il ait fallu tout ça pour que nos relations reviennent à ce qu’elles étaient au temps de mon enfance, le temps de l’harmonie, quand il me racontait des histoires de son pays natal, cette région envoûtante, la première république nègre au monde, le lieu où l’homme noir brisa les chaînes de l’esclavage et d’où la liberté fut exportée. Haïti.
Bien qu’ayant vu le jour à Montréal, à cette époque, je voulais ardemment retourner dans ce pays que je considérais comme le mien, même si mes pieds n’avaient jamais foulé son sol. Car à force d’entendre mes parents maudire l’hiver, ressasser les souvenirs d’antan et reprocher aux Blancs leurs préjugés, j’avais grandi avec le sentiment que, comme eux, je n’étais ici que de passage. Ce fut après que je compris que ce projet de retour n’était qu’une chimère, une façon de se remémorer leur vie passée, un réflexe d’immigrants toujours prompts à idéaliser leur pays d’origine qu’ils ont pourtant quitté. Ainsi, jusqu’à douze ans environ, je vécus dans l’attente de cet éventuel départ. Après, je tournai la page. Le charme était rompu. J’avais compris qu’on ne peut retourner là où on n’a jamais été.
Ce fut aussi vers cet âge que je cessai de m’intéresser aux réunions dominicales qui se tenaient dans le sous-sol de notre maison de Longueuil. Ah ! J’en ai vu défiler des individus lors de ces réunions. Elles connurent leur apogée au départ de Jean-Claude Duvalier, quand d’un coup se brisèrent les chaînes de la dictature, ouvrant ainsi la voie à toutes les possibilités, tous les rêves et tous les espoirs. Nombreux furent ceux qui, du jour au lendemain et sans une planification adéquate, décidèrent de faire le chemin en sens inverse. C’est qu’après vingt-neuf ans d’autocratie duvaliériste – quatorze avec le père et quinze avec le fils – de répression, de souffrance et de frustration, le jugement de certains était altéré et ils pensèrent, à tort, que le régime des Tontons Macoutes 1 était le seul responsable des maux qui affligeaient leur pays. Mes parents, eux, optèrent pour le moyen terme, se donnant ainsi le temps de bien planifier leur réintégration.
J’étais fasciné par ces réunions et les joutes oratoires qui s’y tenaient. Souvent, je n’y comprenais que dalle, et malgré tout, je ne me lassais pas d’écouter ces grandes personnes qui semblaient tout savoir. De certains, je garde encore une image très nette. Par exemple, Marcelin, lui aussi professeur, mais qui abandonna le métier une fois installé au Canada. À chaque situation, il trouvait son corollaire dans le temps, évoquant ce qui s’était passé sous le règne de tel président, ponctuant ses informations de forts détails et tirant les solutions appropriées. C’était un grand bonhomme, à la peau très foncée, barbu et aux cheveux grisonnants, qu’il s’obstinait à garder à la mode afro. Vu qu’il ne se coiffait pas souvent, certains jours, il ressemblait plus à un disciple de Bob Marley que d’Angela Davis 2 . Malgré son manque d’élégance,

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