Sabaru Jinne - Les tam-tams du diable
281 pages
Français

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Sabaru Jinne - Les tam-tams du diable , livre ebook

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Description

Ce roman-essai est l'œuvre d'un écrivain qui a le culte de la phrase et qui se fait une haute idée de l'écriture, voire jusqu'à la thérapie. Il y a longtemps que l'écriture romanesque africaine n'a pas été bouleversée. C'est ici, enfin, chose faite. Voici une oeuvre contemporaine forte, innovante, filmique. Un roman singulier à la structure narrative étonnante, élevée, pleine de souffle et d'énergie. Voilà entre vos mains le livre d'une écrivain au grand appétit, à l'esprit raffiné, cirtique. Un écrivain qui a trouvé l'arroganc d'imposer au lecteur un niveau d'exigence de veille sur l'écriture romanesque, bouleversant ainsi des schémas trop logntemps établis. Ce roman est une déflagration. Un marqueur. Les personnages qui le composent conjuguent passé, présent et avenir. Chacun est une île.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2015
Nombre de lectures 197
EAN13 9782911673764
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0150€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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1 Sabaru jinne,en langue wolof, peut se traduire littéralement en français :La danse des djinns
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© Editions Feu de brousse © Pape Samba Kane er 1 Trimestre 2015 ISBN : 9782911673764 BP : 22032 DakarPonty, Sénégal Courriel : edfeubrousse@gmail.com Conception : ANF/ Amadou Lamine BA Image de couverture : Racine Elimane à partir d’une peinture de Mel Odile
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Pape Samba Kane
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Roman
Les Editions Feu de Brousse
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A la mémoire de Boubacar Diop, mon grandpère, bienveillant et généreuxet de sa compagne Soda Bâ, qui jamais n’a baissé les bras.pour que nous ne manquions de rien d’essentiel…A mon ami et complice, intellectuel généreux, Boubacar Boris Diop ; A l’ami, poète contagieux, Amadou Lamine Sall ; A mon frère irremplaçable, le peintre Ousseynou Mbaye  « Séni ».A ma fille, Marième, penchée sur mon épaule, l’œil sur l’écrantout au long de l’écriture de ce roman, avec ses « Hëëy, papaa !!! »destinés à me tenir la bride.Je pourrais dire, sans exagérer, que ce livre, nous l’avons écrit, pour ainsi parler, àquatre mains.
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TRAVERTISSEMENT Ce texte est une fiction qui se nourrit copieu sement de la réalité, avec des sources histo riques avérées et repères autobiographiques si manifestes, qu’il paraîtra tenir du réel. Ne vous y fiez pas ! Toute similitude entr’aperçue ou dûment notée dans ou entre les lignes sui vantes, toute ressemblance avec des faits, toute relation avec des personnes connues, vivantes ou non, toute référence proche ou lointaine aux mêmes faits et personnages, ou à des lieux et objets existants ne sont aucunement, comme on dit toujours, benoitement, en de pareilles occa sions, « le fruit du hasard ». Au contraire ! Toute correspondance établie dans ce texte avec qui ou quoi que ce soit de connu est une réelle et pure fantaisie.
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e couvercle de la malle trop pleine soulevé, Massata Lcoffre en bois ancien. Massata les ignore et entreprend de s’agenouille devant son contenu. Des feuilles, libérées de la pression, s’échappent pour s’éparpiller tout autour du fouiller la masse de papiers divers restés dans le meuble, sans trop savoir ce qu’il cherche vraiment. Il fait de nouveau tomber des do cuments, parfois en blocs de feuilles agrafées ou tenues par un trom bone. Ses doigts tombent sur un bloc plus volumineux que les autres. C’est une reliure compacte de feuilles fines tenues par une couver ture dûment cartonnée, comme un livre. Il l’arrache à l’agrégat de documents, faisant une fois encore choir sur le sol, autour de lui, des volumes de feuillets imprimés ou griffonnés à la main. Ces derniers rejoignent le tas déjà impressionnant de libelles, récits, pamphlets, nouvelles et recueils divers disséminés autour de lui. La plupart sont à l’état de brouillon, projets d’écriture restés inachevés. Toujours à genoux, Massata tourne la couverture cartonnée de cou leur bleue et vierge de toute inscription. Il manque de rire aux éclats face au contenu de la page de garde. Un rire qu’il étouffe en portant sa main droite à sa bouche, laissant du même coup la couverture se re fermer sur le bloc. Celuici est assurément volumineux, comparé aux paquets agrafés ou sous trombone disséminés tout autour de lui. Il se lève, déjà fourbu, alors qu’il sait avoir une longue nuit de vant lui, referme la malle en bois à moitié vidée de sa paperasse, s’assoit dessus, pose le document sur ses cuisses et se penche vers le sol. Malgré une légère douleur au dos, il fait un effort pour repousser de ses mains, délicatement, le magma de papiers autour du meuble vers le centre de la petite pièce. Puis, il se redresse, plaque son dos au mur, ce qui le soulage de sa douleur, et allonge ses jambes. Cellesci rejoignent, sans se poser dessus, l’amas de feuillets noircis, soit de son écriture laide, proprement illisible, soit de textes dactylo graphiés sur sa vieille Burlington. Cette machine à écrire d’un autre temps, depuis l’avènement des ordinateurs, lui avait été offerte par
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Ken Mbaye, un jour à Malem Hoddar. Massata lui avait rendu, à la grande joie de son érudite amie, une visite inattendue dans son vil lage natal perdu dans leNdukumaan. Détendu, Massata ouvre une deuxième fois son « livre » et, sans rire, regarde d’abord longuement la page de garde avec son titre : « Rêveries sur le réel ». Il s’arrête ensuite sur son soustitre qu’il a voulu rieur : « Traité de philosophie poétique d’un fou sophiste ». Il tourne cette page et tombe sur une longue citation d’Epicure, mise en exergue juste audessus des débuts de sa propre prose. S’il avait jugé ce texte assez sérieux, quand il avait fini de l’écrire, pour en confier la saisie aux opératrices du journal de Grand Bira, ça n’était pas pour rire. Ghaël, une éditrice indépendante à qui il avait parlé de son chantier d’écriture en cours  « un roman philosophique », avaitil osé annoncer lui avait demandé de le lui montrer. Et elle avait, à plusieurs reprises, manifesté son intérêt pour le projet. Alors, Massata avait fait saisir son texte dans un beau Times et avait demandé aux techniciens des Nouvelles Imprimeries du Sénégal, les NIS, où l’on tirait le journal où il « pigeait », de relier le tout. Quand cela avait été fait, il avait chassé l’idée de proposer son délire à la publication. Ghaël, elle, s’était à la longue découragée de le relan cer. Bien sûr, Massata sait ce que contient ce texte, en substance, mais il n’en connaît plus très précisément les détails. Cela faisait tellement longtemps qu’il n’était pas revenu dans cette chambre pour travailler ou  d’un œil critique ou jubilatoire, selon ses humeurs  relire ses brouillons. La lecture de ses « Rêveries » sera donc pour lui comme une découverte ; tout au moins, une redécouverte. Et c’est le seul plai sir qu’il en attend. Il hésite un peu, puis respire un bon coup avant d’introduire son pouce droit dans la brochure, au hasard, pour l’ouvrir. La page sur laquelle il tombe, vers le milieu du volume, raconte une journée agitée, parmi d’autres, d’un personnage, Talla, derrière lequel il a dû se dissimuler pour se raconter avec plus de confort. Elle retient son attention, pendant que les souvenirs affluent en nombre, à la fois sur cette période de son enfance dans ce quartier où
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il est né, et sur le processus d’écriture de ces « Rêveries », achevées il y a plus de trois ans déjà. Dehors, la Médina ne dort pas encore, bien que la nuit soit assez avancée. Massata plonge en silence au cœur de son roman. ; avant l’école, après qu’il yIl restera souvent avec les femmes sera entré, les jours fériés, pendant les vacances ; et, plus tard, au collège, les jours d’école buissonnière. Elles l’aimaient bien, il le leur rendait trop. Elles en profitaient bien, lui aussi, beaucoup. Il était très vite devenu le préposé aux commissions. Aller chercher à la gare routière de Colobane telle de leurs amies qui ne pourrait venir seule à la maison, à l’époque très fréquentée ; ou porter sa part de la tontine à une autre, àBaay Gaïnde. Bien sûr, le billet du transport, en carrapide ou même en taxi, qui allait avec n’était jamais dépensé à cette fin. Talla appelait un de ses copains du quartier, Ngalla ou Mâ mour, et ils allaient à travers champs et rues, à l’aller comme au re tour, en grignotant des cacahuètes grillées, et gardaient pour la pro chaine séance de cinéma les sommes ainsi épargnées. Auparavant, il avait un peu fait mine de refuser et on lui avait ca ressé les cheveux, promis monts et merveilles, murmuré des gentil lesses à l’oreille ; des flatteries sur ses origines : «Wurusu Tukuloor ; 2 Tukuloor Aali raasin» . Les femmes étaient, à vrai dire, son univers de prédilection. Toutes ses tantes, les plus ou moins jeunes femmes 3 manjakula partie basse de la maison, leurs copines qui pas de saient, le jour, la nuit ; en toute saison pour celles qui, parentes proches ou éloignées, y séjournaient un certain temps. Elles le fasci naient. Toutes. Et surtout, leurs amies du quartier. Parmi cellesci, belle, remarquablement belle ; et libre, avec ses minis jupes colo rées, ses jeans collants, ses talonsaiguilles, sa perruque rousse, sa voix haut perchée:Mbissane Sène. Au premier regard posé sur Tal 2  « wurusu tukuloor, Tukuloor Aali rasin » :peut être traduit paror des « Toi, Toucouleurs ; petitfils d’Ali Racine ».3  manjaku : Ethnie d’origine Bissauguinéenne à l’époque, pas aussi intégrée qu’au jourd’hui.
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la, elle avait décrété que le garçon était son chéri, qu’elle était la rivale de Mame Penda et qu’elle allait remporter ce combat. Talla avait dix ou onze ans quand elle était apparue dans sa vie. Elle le prenait quelquefois pour l’emmener en ville faire du lèche vitrines ; et ils passaient toujours dans ces endroits qu’elle fréquen tait le jour comme la nuit et dont on ne parlait dans le quartier qu’en chuchotant : « Le Bodega », « La Taverne ». Elle le présentait à des filles habillées comme elle et à des messieurs efféminés, en disant dans son français approximatif : « c’est mon chéri ». Tous étaient très bavards et buvaient de la bière. Mbissane, elle, ne buvait pas ; du moins, personne dans le quartier ne l’avait jamais vue le faire. Au retour de ces sorties, véritables évasions pour lui, le jeune homme revenait les bras chargés de paquets où il y avait des chaus sures, les bottines qu’il appréciait particulièrement depuis StLouis, et des gâteries : pâtisseries de chez Gentina et pizzas orientales. Parfois, elle laissait Talla dans le taxi qui les avait ramenés, et elle descendait avertir qu’elle le gardait pour la journée. Chez elle, le jeune homme était choyé, caressé, complimenté, nourri de préparations culinaires sophistiquées très épicées, riz aux crabes et aux palourdes à la sauce curry ou, moins improvisée, plus classique, undaxin u biiru xar(une préparation à base de riz et de pâte d’arachide, cuite comme du risotto, et agrémentée de tripes de mouton). Après le régal, Talla piquait une petite sieste durant la quelle il ne dormait jamais, enivré par les parfums féminins qui émanaient de Mbissane Sène et de ses amies qui dormaient à côté de lui, tout près de lui. Sa Mbissane, elle, était toujours la plus proche ; très, très près de lui, ses doigts fins dans ses cheveux, son souffle doux et léger sur son visage. La rivale de Mame Penda, assurément, alors que Talla entrait en adolescenceleur idylle allait durer jusqu’à ses 15 ans disposait d’armes de séduction prééminentes. Elle avait excité ses sens déjà émoustillés par sa proximité avec les femmes depuis sa naissance, et plus il grandissait, plus leurs flirts perdaient de leur innocence. Il
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