Sketches radiophoniques
96 pages
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Sketches radiophoniques , livre ebook

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Description

Ces sketches ont été émis par Radio-Paris en 1930.

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Informations

Publié par
Date de parution 15 mai 2021
Nombre de lectures 1
EAN13 9782375040867
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

TRISTAN BERNARD
R
SKETCHES ADIOPHONIQUES
Le narcotique - La morale et le hasard - Révélation -Expédition nocturne - La maison du crime -Une opération magistrale - Le triomphe de la science -Le coup de Cyrano - Un mystère sans importance
Ces sketches ont été émis par Radio-Paris en 1930
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POUR DES AVEUGLES INVISIBLES
C’est par le plus grand, des hasards, je dois Je dire, que j'ai été pris d’une passion subite pour la radiophonie. Un agent d’une maison de T. S. F. m’avait donné un appareil à l’essai. Les mélomanes de mon entourage, chaque fois que nous restions le soir à la maison, s’enivraient de musique. Quelquefois ils écoutaient des pièces en simple langage parlé qui nous arrivaient de différents points de Paris, ou de Lille, ou de Toulouse. On m’avertit un jour qu’un poste d’Etat avait inscrit dans son programme une de mes pièces. Je me disposai, avec un peu de méfiance, à l’écouter. Or, j’eus beaucoup de peine à la comprendre. Pourtant, j ’ai de la mémoire. Mais qu’en ont pensé les autres auditeurs. Ils ont dû tourner le bouton et passer à un autre poste. Les personnes qui organisaient cette audition ra-diophonique avaient choisi un peu au hasard les acteurs qui devaient interpréter mon petit acte. C’étaient des comédiens de talent, mais les voix étaient mal « assorties » et parfois se ressemblaient trop. Et, comme on ne voyait pas les personnages et rien ne vous casait qu’un tel était entré en scène et que tel autre n’y était plus, il en ré-sultait une certaine confusion. C’est à la suite de cette expérience que je résolus d’adapter des pièces ou d’en écrire de spéciales à l’usage de la T. S. F. en partant de cette idée très simple que ce public d’écouteurs ne voit pas les acteurs, ni l’endroit d’où ils parlent et sont censés gesticuler. Il fallait donc écrire du théâtre pour aveugles et faire en sorte que le dialogue même créât le décor dans les ima-ginations des auditeurs. Je dois dire que ces premiers essais furent assez appréciés, si j’en juge par les lettres très nombreuses des au-diteurs. Cependant, je fus violemment attaqué par les «techniciens» de la T.S.F. Car, aussitôt qu’apparaît une invention nouvelle, il se forme tout de suite des techniciens. Leur expérience est forcément un peu récente, mais ils n’en prennent que plus d’autorité, au moins à leurs propres yeux. Si vous alliez trouver un ouvrier des « Gobe-
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lins» et si vous lui faisiez des remontrances sur son travail, il vous rirait au nez et il aurait raison. Car son métier est vieux de cinq siè-cles. En le pratiquant, une longue suite de générations ont pu acqué-rir l’expérience nécessaire. Elles ont enregistré un grand nombre de réussites et se sont instruites tout autant par la notation d’un assez grand nombre d’erreurs. Donc, dès mes premiers essais, les techni-ciens me reprochèrent de m’improviser auteur radiophonique. A quoi je répondis humblement que j’étais venu depuis peu à la radio-phonie, mais que depuis quarante années je ne faisais pas autre chose que de chercher à atteindre le public et à l’intéresser. Or, les moyens d’expression ont beau être différents, l’âme du public ne change pas, qu’il s’appelle spectateur ou qu’il s’appelle auditeur. Les facultés d’attention sont modifiées, et c’est ce dont il faut tenir compte. Mais, cela, c’est l’affaire des auteurs, et non des ingénieurs. A chacun ses « oignons ». Dressons d’abord un petit tableau : Trois arts jumeaux et différents. Le cinéma muet, qui ne s’adresse qu’aux yeux. La radiophonie qui ne fait appel qu’à des écouteurs. Entre les deux, un art qui se fait à la fois voir et entendre, le théâtre, ou, si vous voulez, le film parlant, qui est du théâtre imprimé, fixé sur la pellicule. Puisque en écrivant pour la radiophonie on doit se dire que l’on s’adresse à l’imagination des auditeurs et ne point oublier qu’ils ne voient point nos personnages, c’est à l’auteur de réaliser un dialogue suffisamment évocateur pour pouvoir se passer de décors réels. Dans cette tâche, il faut que l’écrivain compense l’infirmité de ses res-sources par un plus grand effort d’ingéniosité, grâce auquel il remé-diera à l’insuffisance, au néant de la réalisation matérielle par la richesse de l’évocation. Je dis bien : la richesse, car on s’aperçoit que ces ressources pré-caires deviennent illimitées et que l’on peut créer avec des mots des décors imaginaires qui, s’ils étaient de bois et de toile, coûteraient des millions de francs. Les constructeurs de châteaux en Espagne
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sont des architectes admirables quand on sait les utiliser. Nous avons actuellement une belle pléiade d’auteurs dramatiques. Chaque fois que je rencontre un de ces écrivains, je l’engage avec ardeur à tra-vailler pour la radio. Je suis sûr qu’il y trouvera l’occasion d’un en-traînement excellent. Car il s’habituera à donner à ses mots le maximum de sens évocateur. Et ceci ne lui sera pas inutile, même quand il n’écrira pas pour la T.S.F. La Société de radiophonie fran-çaise, ou, si vous voulez, Radio-Paris, a mis largement à ma dispo-sition son auditorium pour mes neuf essais de diffusion. J’ai été bien secondé par mon bon confrère Jean Bouchor, et, pour la mise en scène, par Georges Colin, qui n’a pas seulement un grand talent de comédien, mais une curiosité fervente pour ces questions nouvelles. J’ai eu à ma disposition, comme interprètes, des artistes de haute valeur. C’est ainsi que j ’ai pu diffuser un certain nombre de sketches dont une grande partie est publiée aujourd’hui dans. Nous repren-drons, je pense, la saison prochaine ces expériences. Dans mes voyages d’été, j’ai recueilli, sans les chercher, de nombreuses ap-probations. Les auteurs qui me suivront verront comme il est émou-vant d’étendre ainsi sa clientèle. Mais je n’entreprendrai une nouvelle série d’études que lorsque nous aurons constitué une bonne collection de « bruits ». Actuellement, à ce point de vue et même dans des studios étrangers dont on nous vante de loin la perfection, la réalisation des bruits n’est pas au point. Car elle présente des difficultés qu’on ne soupçonne point au pre-mier abord. Quand vous suivez dans un appareil de T.S.F. un beau concert instrumental, vous entendez, après chaque morceau, les ap-plaudissements nourris de la salle. Vous savez que ce sont des ap-plaudissements. Mais il faut le savoir. Car cela se traduit par une espèce de crachement féroce, par un ronflement rauque et bizarre qui ressemblent peu à une marque d’enthousiasme. De même, il ne suffit pas de tirer un coup de feu à proximité de l’appareil pour que les auditeurs entendent un vrai coup de feu. On a enregistré dans des phonographes des bruits de gare authentiques qui cessaient, à la
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réception, d’être des bruits de gare. Vous me direz que certains ap-pareils récepteurs rendent plus exactement les bruits que les ondes leur apportent. Admettons que ces erreurs soient le fait non de l’ap-pareil émetteur, mais de l’appareil récepteur et qu’on arrive à amé-liorer les récepteurs de façon à ce qu’ils ne dénaturent point les bruits qu’on leur confie, la question ne sera pas encore tout à fait résolue. Il y a certains bruits que nous ne reconnaissons pas, même s’ils sont fidèlement rendus. Ainsi le bruit de la rue. Dans la vie, nous l’entendons constamment, mais nous ne l’écoutons pas. Rap-pelez-vous ce jeu de votre enfance qui consistait à se boucher du doigt, puis à se déboucher les oreilles, et cela plusieurs fois de suite. Nous entendions comme un bruit de soufflet de cheminée par les oppositions successives de silence et de bruit. Alors nous arrivions à prendre conscience du brouhaha de la rue. Il se fera peu à peu chez le public une éducation de l’oreille. Il faut qu’il apprenne à entendre, puis à écouter. J’ai reçu, à propos de cer-tains des sketches que vous allez lire, des observations d’amateurs déjà exercés de la T.S.F. et qui me reprochaient d’écrire de temps en temps pour la radio des pièces à péripéties un peu violentes, au lieu de leur présenter constamment des comédies. Je leur ai répondu que tous les auditeurs n’étaient pas encore également entraînés à l’écoute et qu’il fallait parfois fixer et retenir un peu brutalement leur attention. Le public de la T.S.F. endurerait difficilement cer-taines tirades qui lui paraissent déjà un peu longues au théâtre, alors que, là au moins, la salle entière s’entraide à les supporter. S’il s’agit de faire rire, les lois du comique ne sont pas les mêmes qu’au théâ-tre, car le rire est contagieux. Il est plus facile d’amuser, de réjouir des spectateurs assemblés que des auditeurs dispersés. J’en ai fait l’expérience devant des publics populaires où j’avais devant moi des auditeurs pleins d’intelligence et de bonne volonté, mais de di-vers degrés de culture. Tous n’avaient pas été aussi souvent au théâ-tre. Leur finesse d’esprit n’était pas également exercée... Une bonne histoire du folklore, bien éprouvée, déclenchait tout de suite une cin-
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quantaine de rires. Puis arrivait à un cinquième de seconde un train dédoublé de deux cents personnes... Après cela, le reste de la salle entrait en joie. Cette espèce de groupement, de rassemblement du public ne peut se faire à la T. S. F. où le contact n’existe qu’entre les auditeurs installés dans une même chambre. Et encore là ne se produit-il pas d’une façon si puissante et aussi « entraînante» que dans une salle nombreuse. L’auteur comique doit tenir compte de cela. J’ai songé, au lieu d’annoncer des causeries pour les auditeurs de Radio-Paris, à leur faire dire que nous enregistrions pour eux des conférences faites devant des spectateurs. A cet effet, j’aurais consti-tué dans l’auditorium une bonne équipe de rieurs à qui j’aurais fait répéter leurs rôles une dizaine de fois, de façon à obtenir des éclats de rire sonores et qui parussent bien spontanés. Mais je ne sais même pas si avec ce renfort artificiel, analogue à la claque de théâtre, nous entraînerions suffisamment tous nos auditeurs isolés. Il faut donc avoir recours à une autre sorte de comique. Et peut-être cette contrainte, cette recherche, comme beaucoup de contraintes et de recherches, seront-elles fécondes en bons résultats.
Tristan Bernard .
P.S. — Nous avons supprimé, dans les sketches qui suivent, le plus possible d’indications de gestes ou de mouvements de scène, afin de placer le lecteur dans la situation exacte où se trouvaient les au-diteurs aveugles de ces comédies.
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SKETCHES RADIOPHONIQUES
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LE NARCOTIQUE diffusé le 3 mars 1930
PERSONNAGES Mme Domas ................................ ....Mme Marguerite Deval. Philibert ....................................... ....MM. Constant. Marchu .......................................... Etchepare. Barcelle.......................................... Saulieu.
Mme Domas. — Philibert ? Philibert . — Madame... Mme Dom a s. — Quelle heure est-il ? Philibert . — Ma montre est arrêtée, madame. Il n’est pas loin de 9 heures. Il y a plus de deux heures qu’on a dîné et on s’est mis à table à la nuit. Mme Domas. — Qu’est-ce que c’est que ce bruit qu’on entendait tout à l’heure sur la route ? Philibert . — Eh bien, madame, c’est l’autocar de la ville, le nouveau service. Mme Domas. — Jusqu’où va-t-il ? Philibert . — Jusqu’à Petit-Bourg, à deux kilomètres d’ici. Et puis il repassera tout à l’heure par ici pour retourner à la ville. Ça ne va pas mieux, madame ? Mme Domas . — Philibert, vous êtes un bon garçon, vous m’avez vue naître, vous êtes plein de sollicitude pour moi, mais, je vous en prie, ne me demandez pas tout le temps si je vais mieux... L’impor-tant, m’a dit le docteur, est que je ne pense pas tout le temps à ma neurasthénie. Il suffit que vous m’en parliez... Philibert . — Madame a raison, je n’en parlerai plus. C’est tout de même curieux que madame ne puisse se débarrasser de ça. Au fond, ça a commencé au décès de monsieur... Ce n’est pas que madame ait eu beaucoup de chagrin...
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