Sketo
165 pages
Français

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Description

Ce lundi-là, je me suis assise confortablement à ma place dans l’avion en partance pour Athènes, j’ai bouclé ma ceinture de sécurité et j’ai posé ce satané document sur mes genoux. J’y avais inséré une fiche cartonnée qui me servait de marque-page, sur laquelle j’avais pris de nombreuses notes. Au dos, j’y avais griffonné toutes les questions auxquelles je devais trouver des réponses. Celles qui me troublaient le plus étaient les suivantes : 1. Cette histoire est-elle vraie, ou n’est-ce simplement qu’un roman dont l’auteur, qui aurait connu ma mère, lui aurait donné un rôle ? 2. Si l’auteur est bien mon père, et s’il est mort dans l’accident qu’il décrit, comment a-t-il pu écrire sa mort ? D’ailleurs, le roman est inachevé, pourquoi ? Se serait-il … ? 3. Et puis s’il a effectivement écrit ce passage, c’est qu’il n’est peut-être pas mort ? Ou bien, ce n’est peut-être pas lui qui l’a écrit ? 4. Et, s’il n’est pas mort, alors pourquoi Maman m’a-t-elle toujours certifié qu’il était décédé dans un accident juste après ma naissance ? Je ne sais combien de fois j’ai lu ce dossier depuis que je l’ai découvert, mais une chose était sûre maintenant, je commençais à le connaître par cœur. En tout cas, je m’apprêtais durant le vol, à le relire une fois encore et probablement noter quelques détails de plus qui pourraient m’aider à découvrir la vérité. L’hôtesse servit des rafraîchissements et j’ai ouvert Taras à la première page…

Informations

Publié par
Date de parution 08 décembre 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312039671
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0015€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Sketo
À mon ami Sakis !
Ο Σάκης για τ ο ν φίλο μου !
Patrick Daspremont
Sketo
TARA Σ









LES ÉDITIONS DU NET 22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2015 ISBN : 978-2-312-03967-1
Première partie
Mercredi 6 avril 2011 : Bordeaux
Tout d’abord, sachez qu’il ne m’est pas réjouissant d’évoquer cette période toute récente de ma vie. Ce sont évidemment de très mauvais souvenirs, et toute cette histoire me perturbe énormément. Je n’avais pas encore vingt-trois ans ce jour-là, et voilà que la vie m’infligeait cette si rude épreuve. D’ailleurs, l’évocation de ces souvenirs me rappelle que je n’ai jamais fêté mon anniversaire cette année-là, et pour cause. Toujours est-il, que même si je savais que tout cela allait arriver un jour ou l’autre, ma détresse n’en fut pas moins douloureuse pour autant. Des jours durant j’ai perdu l’appétit en même temps que le sommeil. Et puis lorsque je ne dormais pas, je ne pensais qu’à elle. C’était vraiment terrible. Je dérivais pour ainsi dire, minute après minute dans un présent sordide, toute engluée de ma peine et de mon désespoir, sans jamais parvenir à me projeter plus loin que dans le quart d’heure qui allait suivre. Je fus si douloureusement affectée que je dus accepter un suivi médical pendant quelques semaines, afin de retrouver un semblant d’équilibre à ma vie. Tout en moi n’était plus que confusion d’incertitudes, de doutes, de solitude et de découragement. Le pire moment de ma petite vie se cristallisa ce matin-là, car voyez-vous, c’est ce jour-là que tout bascula vraiment.
Ma petite Maman chérie venait de mourir devant moi.
Durant les jours qui suivirent, seuls les remèdes prescrits par le docteur de Maman, avaient passagèrement raison des horribles cauchemars qui défilaient en continu derrière mes paupières brûlées de chagrin. Cécilia, ma petite mère - oui c’était son nom, et nous avions pris l’habitude depuis toujours de nous appeler par nos prénoms, comme deux copines - Cécilia donc, avait finalement abandonné sa lutte contre cette insupportable et sournoise maladie que fut son cancer. Cela avait occupé tous ses jours durant près de trois ans, et bien sûr les miens aussi. Aux inquiétudes avait succédé l’espoir d’une rémission, et puis une toux sèche et d’immenses fatigues sont réapparues ; et pour finir, la peur, la sienne bien sûr, et puis la mienne aussi. Alors le désespoir a envahi son pauvre regard et je me cachais d’elle pour pleurer ma tristesse. Je voyais bien qu’elle n’espérait plus rien, qu’elle n’attendait plus rien non plus. Ce qui me perturbait plus que tout, c’est qu’elle ne se plaignait jamais. Lorsque nous avions de la visite, elle s’inquiétait des autres en minimisant la gravité de son état personnel. Pour finir, Maman perdit son combat dans un calme artificiel, perfusée de morphine et autres médecines. Alors, elle s’en est allée tout doucement, au matin de ce mercredi 6 avril 2011. Il devait être neuf heures, ou dix heures peut-être, je ne sais plus. J’étais à son chevet depuis tard dans la nuit, et lorsqu’elle accepta d’abandonner là sa vie, moi je tenais ses belles mains diaphanes entre les miennes. Elle partit les yeux déjà fermés depuis le soir, sans une plainte, sans une larme, sans même un dernier clin d’œil à ce dérisoire petit monde qui avait été le nôtre durant toutes ces années. Elle me laissa là, toute seule dans le silence de sa chambre. Elle me quitta dans un pauvre soupir d’épuisement qui finit de m’anéantir. Je devinais bien depuis quelques jours que la fin était toute proche, mais je n’arrivais pas à m’y résoudre, c’était trop injuste, c’était trop définitif pour que je parvienne à accepter cela. J’étais tellement bouleversée lorsque cela se produisit, que je m’étonne encore aujourd’hui d’avoir oublié à cet instant-là d’en pleurer toutes les larmes que je lui devais. Peut-être était-ce le fait d’avoir déjà tant fondu en sanglots en me cachant à son regard, qu’il me semblait qu’aucune larme jamais ne parviendrait à envahir mes yeux. J’étais stupidement hébétée par la tristesse. Je suis restée là comme une sotte, sans bouger, appréhendant de lui faire peur, de la réveiller par mégarde, je ne parvenais pas à lâcher ce reste de vie qui subsistait encore dans la chétive chaleur de ses longues mains décharnées. Elle avait terriblement maigri. Son beau visage déjà émacié s’était tout à coup figé en un mystérieux sourire qui me fit réellement peur. Je ne réalisais pas encore qu’elle ne rouvrirait plus jamais ses grands yeux clairs. Je la dévisageais alors avec une intensité infinie, comme si j’apercevais son beau visage pour la première fois. Un extraordinaire mélange de tendresse et de désarroi tourbillonnait en moi. Une vague monstrueuse, mélange de doutes et d’incertitudes submergea mon cœur. Mon âme s’éparpilla en miettes en même temps que je perçus une immense sensation de froid et de solitude. Je crois me souvenir que tout mon corps s’est alors mis à trembler.
Un voile mystérieux venait de recouvrir son pâle visage aux traits marqués par tant de souffrance. Il me fallut alors une éternité pour qu’enfin je parvienne à en détourner mes yeux. Je ne m’étais jamais sentie aussi seule de ma vie.
Mon grand-père et ma grand-mère alertés sont arrivés dans la fin de la matinée. Les pauvres, ils étaient tout petits dans leurs habits du dimanche, comme deux enfants perdus. Ils se tenaient par la main comme pour ne faire qu’un, et ne semblaient pas vraiment comprendre ce qui venait d’arriver. Le docteur constata le décès et tout s’enchaîna très vite. C’est incroyable comme ces situations finissent par devenir banales pour certaines personnes. Cela est sûrement dû au fait qu’elles sont souvent confrontées à la mort, alors elles ne paraissent pas ébranlées. Enfin pour moi, tout ce qui a suivi me parvint comme au travers d’une brume d’automne, de façon intemporelle en même temps que bizarrement rassurante. Cela semblait ne poser de problèmes à personne. Des gens que je ne connaissais pas du tout envahirent notre maison et s’occupèrent de tout un tas de choses sans me demander mon avis. Tout semblait très normal, très organisé, alors je n’ai pas posé de questions, j’ai laissé faire. J’ai su après, que Maman avait tout anticipé de telle sorte que je n’eusse rien à gérer en ce terrible moment. Le lendemain matin, Maman fut mise en bière et ce fut la crémation. C’était sa décision. Elle avait pris le temps d’y penser, et même si mes grands-parents semblèrent plutôt la désapprouver, nous avons respecté sa volonté. Le jour suivant, je suis allée chercher l’urne avec ses cendres. On m’avait déconseillé de les récupérer le jour même, car il paraît que l’urne est encore chaude et que c’est très choquant. Je ne savais pas ce que je devais en faire, alors je l’ai ramenée à la maison et je l’ai déposée dans sa chambre, juste là, sur sa table de chevet. En procédant ainsi, j’avais cette impression un peu stupide que Maman n’était pas complètement partie, et qu’ainsi je pourrais encore lui faire quelques confidences en me penchant tout près de cette potiche ridicule dans laquelle désormais elle sommeillerait pour toujours. En tout cas, j’ai refusé que l’on répande ses cendres dans le petit parc qui jouxte le crématorium et qui est, m’avait-on dit, prévu à cet effet. En regardant cette urne, je ne parvenais pas à imaginer que ma petite Maman puisse être tout entière là-dedans. C’était extravagant, c’était violent, c’était simplement insupportable.
Nous vivions ensemble Maman et moi comme deux sœurs, comme deux amies intimes. Depuis toujours Maman louait, puis avait fini par acheter cette modeste échoppe près de Bordeaux, avec un petit jardinet sur l’arrière, qu’elle entretenait avec beaucoup de passion. Quelques semaines après son décès, alors que je m’efforçais de désherber ses plantations, j’ai soudain décidé d’entreprendre de trier ses affaires personnelles. Depuis que Maman n’était plus là, je n’allais dans sa chambre que pour faire un peu de ménage,

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