Souterraines
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Souterraines , livre ebook

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Description

Un étudiant, Sam Phegan, fraîchement marié à Alma, devient champion de Virginie de Chess-Boxing et gagne une croisière. Blessé au visage lors de son combat, il est emmené par son coach et mécène, le richissime Jack Carradine, à l'hôpital. Là-bas, il rencontre Susan qu'il n'avait pas revue depuis des années. Elle est aujourd'hui infirmière et Jack lui propose, pour la remercier de ses soins et pour fêter la victoire de Sam, de les rejoindre dans le meilleur restaurant de Norfolk. Au cours du repas, Susan va raconter l'histoire de sa famille, des émigrés polonais, dont le trisaïeul fut un survivant du naufrage du Titanic. Les souvenirs évoqués, les rancoeurs, les jalousies et l'alcool vont entraîner les convives vers des eaux périlleuses dont personne ne sortira indemne.

Informations

Publié par
Date de parution 26 octobre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312005355
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Souterraines
Yannick Reux
Souterraines





Les éditions du net 70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux
© Les Éditions du Net, 2012 ISBN : 978-2-312-00535-5
Alma crut sentir son bébé bouger au moment où Sam Phegan connut son premier flash. Sans doute le résultat de son inquiétude à ce tournant du match.
« Est-ce que cette croisière en vaut autant la peine ? pensa-t-elle en se tordant les doigts. »
Au tapis, sur le ventre, la tête de guingois, son mari ne bougeait plus sur le ring. Il essayait de se concentrer sur les phosphènes qui venaient d’envahir son champ de vision. Comme il n’avait jamais connu pareille situation, il ne pouvait comprendre que le direct de Jim Ruthertown, son adversaire dans cette finale organisée par la WCBO (World Chess-Boxing Organization) pour le titre régional, venait de l’assommer pour quelques secondes.
En se tenant le ventre, sa femme se rassit tandis que les murmures confus de l’assistance s’éteignaient. L’arbitre commença à compter.
Etourdi, Sam distinguait des points lumineux, petits mais nombreux, sans motifs particuliers. Comme des taches de couleurs diverses dont l’intensité variait, ça s’allumait puis ça s’éteignait, un genre de faisceau en ligne brisée qu’il n’arrivait pas à suivre.
Il pensa qu’il était peut-être K.-O., alors il essaya de se relever, mais son corps ne répondait pas. A la deuxième tentative, il réussit à se mettre sur un genou, luttant de toutes ses forces contre le mal de crâne qui le gagnait.
Son adversaire, Jim Ruthertown, un gaillard d’un mètre quatre-vingt, sautillait sur place en tapant un gant contre l’autre. Le gong retentit, mettant fin au cinquième et dernier round de la rencontre. A quelques secondes près, le match était dans sa poche, il égraina entre ses dents une bordée de jurons.
Car il restait la dernière partie d’échecs, la sixième, qui départagerait les candidats au titre. Et à moins que Sam ne soit déclaré forfait et emmené d’urgence à l’hôpital, il n’avait, avec son classement ELO d’environ 1800 points, pas la moindre chance en face de celui qui venait de gagner les cinq blitz précédents. Parce que les règles du chess-boxing étaient redoutables : onze manches, dont cinq de trois minutes pour la boxe anglaise qu’il avait toutes remportées, et six de quatre minutes, pour les échecs.
Sur le ring, on réinstallait déjà les chaises et l’échiquier sur pied.
Assis dans son coin sur un tabouret, Sam récupérait de son vertige à une vitesse stupéfiante. A ses côtés, il reconnaissait parfaitement Jack, Jack Carradine, son soigneur, qui lui passait alternativement sur les joues et sur les tempes des poches bourrées de glaçons, et Alma, rayonnante en contrebas.
« Mon chéri, mon amour, mon Dieu vivant… dans quatre minutes, tu es qualifié pour le national et nous partons en croisière ! Accroche-toi ! »
Elle avait pris le ton d’un curé psalmodiant des prières. Il lui sourit, il aimait cette façon bien à elle de réagir dans une situation difficile.
« Il t’a explosé l’arcade, il va te falloir un rafistolage, dit Jack en lui enlevant ses gants.
- Ça va aller. On s’en occupera après. »
Après les quatre minutes pour mettre échec et mat son adversaire et être proclamé Champion de chess-boxing de Virginie, côte est des Etat-Unis d’Amérique ! Pour remporter un premier titre national à Wahington dans trois mois ?
C’est le coup dans le plexus solaire qui l’avait envoyé à terre, respiration coupée. Sans doute avait-il baissé sa garde un instant, et ça avait suffi à l’autre. Sous le choc, paralysé, il avait serré les dents, s’était courbé, mais la douleur était ingérable, il avait plié les jambes, s’était effondré. Il n’avait perdu conscience qu’une fraction de seconde puisque l’arbitre commençait à peine à le compter quand il avait avalé de l’air à nouveau. Sans le gong, il ne savait pas s’il aurait eu le temps de se relever.
Maintenant que les phosphènes s’étaient dissipés, même si les élancements dans sa poitrine persistaient, Sam recouvrait sa lucidité, il enfila un survêtement.
Sous le pansement provisoire que lui avait posé Jack, le sang sourdait, l’envahissait, et une goutte tomba sur l’échiquier. Sam prit un kleenex dans sa poche et l’effaça, puis il tamponna plusieurs fois la gaze.
Ce handicap ne devait pas le gêner plus longtemps parce qu’après son dixième coup, Reine en E5, certitude de mat en trois coups, Jim Ruthertown fit rouler, en signe d’abandon, son Roi sur le plateau.
A ce geste, le public de la salle Omnisports de Norfolk qui suivait le déroulement de la partie sur un écran géant, applaudit le vainqueur de la rencontre. Sans frénésie, car les spectateurs savaient que le gong avait retenti au bon moment, un quart d’heure auparavant.
« Sam Phegan, nouveau champion de chess-boxing ! » lança l’arbitre en dressant à la verticale le bras droit du vainqueur, lequel salua le public en lui envoyant des baisers de sa main libre.
Sa femme se fit aider de Jack pour grimper sur l’estrade, elle en était à son troisième mois de grossesse et ne prenait aucune précaution particulière, elle voulait être à côté de lui, sur la photo, quand on remettrait au champion la coupe aux grandes oreilles.
Le président de la ligue de Chess-Boxing la lui offrit après lui avoir donné l’accolade. Sam la brandit au-dessus de sa tête pour que tout le monde la voit.
« Maintenant, regardez à l’intérieur ! »
Alma plongea sa main et en ressortit une enveloppe contenant deux billets de la Princess Cruises, la compagnie qui sponsorisait le combat. Une cabine double sur l’Ocean Princess pour une croisière de dix-neuf jours sur l’Atlantique, au départ de Douvres (England), avec escales aux Iles Feroe, Reykjavik et arrivée à New York. Un cadeau de dix mille dollars. Ainsi que deux allers simples Norfolk-Londres offerts par United Airlines pour rejoindre leur port d’embarquement anglais. Le rêve d’Alma devenait réalité.
« Ô mon chéri, mon chéri ! »
Elle le couvrait de mille baisers sous le regard souriant des spectateurs qui applaudissaient dru maintenant. Sam la repoussa gentiment, il n’aimait pas les démonstrations amoureuses en public.
Puis il rejoignit les journalistes du Daily Progress et du Manassas Journal Messenger, deux journaux de Norfolk, et celui de la rubrique sportive du New York Times. Ils s’étaient tous les trois déplacés pour rendre compte de l’événement, même si celui-ci ne ferait pas la une du lendemain.
Car le Chess-Boxing ne comptait pas beaucoup d’adeptes au plan international. Environ 150 000 - pas si mal pour un sport de moins de dix ans d’existence - mais ce chiffre progressait d’année en année.
Jack se pencha sur sa blessure.
« C’est bien ouvert… Alors, maintenant, tu prends ta douche, tu te changes, et on file à l’hosto. »
Sam et Alma partirent en direction des vestiaires.
« Cette saloperie a bougé tout à l’heure, murmura-t-elle en grimaçant.
- Ne parle pas comme ça de notre bébé, s’il te plaît.
- De ton bébé.
- Si tu veux. Mais il est trop petit, tu ne peux pas encore le sentir bouger.
- Je te dis que si.
- Tu galèjes : il pèse moins qu’un rocher Suchard !
- Rocher Suchard ou pas, il bouge !
- Dans ton imagination.
- Parce que tu sais mieux que moi ce qui se passe dans mon corps ? »
En fait, Alma était au courant de sa grossesse depuis une semaine. L’inexpérience de ses dix-huit ans ne l’avait pas préparée à ça. Encore fallut-il à Sam l’obliger à aller consulter un gynéco pour qu’elle en fût convaincue.
Aussitôt, elle s’était rebellée. Il n’était pas question pour elle de le garder. Trop tôt, trop envie de jouir de sa jeunesse pour la sacrifier au pouponnage d’un tout-petit. Et puis, elle se savait belle, svelte et elle ne pouvait concevoir qu’il en fût autrement d’ici quelques mois.
Ils s’étaient rencontrés à Lafayette-Winona School, voilà trois ans, quand il était venu un soir chercher sa petite sœur, Kathy, de cinq ans sa cadette, élève dans une section de la somophore year comme celle d’Alma, puisqu’elles avaient le même âge.
Tout de suite son visage long comme un jour sans pain, la franchise de son regard bleuté et ses cheveux blond filasse qui lui tombaient jusqu’au milieu du dos, l’avaient séduit.
L’année suivante, les deux

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