Terre des sans-patrie
229 pages
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Terre des sans-patrie , livre ebook

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Description

Mahmoud Soumaré Terre des sans-patrie Roman CIV 3269 DU MÊME AUTEUR Aux Classiques Ivoiriens LES MARCHEURS DE BOUGREVILLE TOME 1,2014. Prix National Bernard B. Dadié dujeune écrivain (Premier roman) 2015 LES MARCHEURS DE BOUGREVILLE TOME 2, DuMaryland à la ferme aux albinos, 2015. LES MARCHEURS DE BOUGREVILLE TOME 3, Les derniers pas de la vérité,2017 Ces gerbes de mots tissés vont à deux grandes âmes : Dramane Boaré et Isabelle Gremillet. C’est à ma première rencontre avec Dramane que j’eus à dire : « Monsieur le Directeur, je suis professeur de mathématiques à l’Université Félix Houphouët-Boigny, et mes étudiants disent que je suis fou. J’ai sous le bras le manuscrit intituléLes Marcheurs de Bougreville et,veuillez me croire, ces étudiants s’arracheront le premier millier d’exemplaires dès sa sortie. Nonparce qu’ils aiment lire mais parce qu’ils voudront découvrir ce que le fou a écrit… ». Ce jour-là, Dramane m’écouta pendant une dizaine de minutes puis se mit aussitôt à lire les premières pages, avant de tendre l’assemblage de feuilles à Juliette, son assistante, en disant : « Ce roman, on l’édite dans trois mois ! » /¶pGLWHXU GUHVVDLW DLQVL GHYDQW PRL OD KDXWH HW PDJQL¿TXH échelle de la littérature. Puis, il plaça sur mon chemin Isabelle, celle que j’appellerai plus tardL’ingénieure sociale.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2023
Nombre de lectures 22
EAN13 9782372232692
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mahmoud Soumaré
Terre des sans-patrie Roman
CIV 3269
DU MÊME AUTEUR Aux Classiques Ivoiriens
LES MARCHEURS DE BOUGREVILLE TOME 1, 2014. Prix National Bernard B. Dadié  du jeune écrivain (Premier roman) 2015
LES MARCHEURS DE BOUGREVILLE TOME 2,  Du Maryland à la ferme aux albinos, 2015.
LES MARCHEURS DE BOUGREVILLE TOME 3, Les derniers pas de la vérité, 2017
Ces gerbes de mots tissés vont à deux grandes âmes : Dramane Boaré et Isabelle Gremillet. C’est à ma première rencontre avec Dramane que j’eus à dire : « Monsieur le Directeur, je suis professeur de mathématiques à l’Université Félix Houphouët-Boigny, et mes étudiants disent que je suis fou. J’ai sous le bras le manuscrit intituléLes Marcheurs de Bougreville et, veuillez me croire, ces étudiants s’arracheront le premier millier d’exemplaires dès sa sortie. Non parce qu’ils aiment lire mais parce qu’ils voudront découvrir ce que le fou a écrit… ». Ce jour-là, Dramane m’écouta pendant une dizaine de minutes puis se mit aussitôt à lire les premières pages, avant de tendre l’assemblage de feuilles à Juliette, son assistante, en disant : « Ce roman, on l’édite dans trois mois ! » L’éditeur dressait ainsi devant moi la haute et magnique échelle de la littérature. Puis, il plaça sur mon chemin Isabelle, celle que j’appellerai plus tardL’ingénieure sociale. Et c’est le grand geste qu’Isabelle eut envers une jeune sans-papier – assise et grelotant sous le mistral, dans une ruelle vide d’Arles – qui t germer dans mon esprit l’idée d’écrire l’his-toire de cinq enfants n’ayant aucune patrie dans cette vaste Afrique. Ce roman est en fait dédié à ceux qui voient, à ceux qui entendent
Tout commence quelquefois par un vague murmure et ceux qui dormaient se réveillent. L’âme, en son demi-sommeil, com-munique avec de lointaines racines, avec sa profondeur terrestre. Elle a toujours voulu savoir et maintenant elle sait. Puis, dans le grand ébranlement, il n’y a plus rien à quoi s’accrocher car les dieux s’en sont allés et les églises vaniteuses se sont changées en mottes triturées. La frayeur qui naît alors n’est pas celle que provoque le taureau furieux, ou le poignard qui menace ou l’eau qu’on avale. C’est une frayeur cosmique, une insécurité instantanée, l’univers qui s’effondre et se décompose. Et pendant ce temps la terre tonne sourdement, avec une voix que personne ne lui connaissait. La poussière que les maisons avaient soulevée en s’écrou-lant se dissipe peu à peu. Et nous restons seuls avec nos morts et avec tous les morts, sans savoir pourquoi nous sommes vivants.
Pablo Neruda,J’avoue que j’ai vécu
Tout passera, sauf mon bonheur, qui restera dans l’humide reet du lampadaire sur la chaussée, la courbe prudente de l’esca-lier de pierre qui descend vers les eaux noires du canal…dans tout ce que dans sa générosité Dieu a créé pour entourer la solitude de l’homme !
Vladimir Nabokov, Lettre qui n’est
pas parvenue en Russie, 1930.
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En ce début de crépuscule chaud et humide de mois de mars, après avoir fait asseoir la visiteuse à côté de lui dans un sec fauteuil en rotin et pris sa main comme il le faisait avec ses invités lorsqu’il souhaitait entamer un long et beau voyage, le patriarche commença :
« C’est en 1957 que j’ai quitté ceux que j’appelais abusivementles miens. Sur les routes et sur les sentiers battus, une voix me soufait toujours à l’oreille :Le Paradis, c’est un peu plus loin.Je suis arrivé ici, à cette place, dans ce ravin, en 1959. L’Indépendance arriva une année après, en 1960, et se répandit comme un engrais, comme un pesticide tout autour du ravin, sur tout l’Empire Extérieur. Un engrais qui t pousser des immeubles partout et un pesticide qui t disparaître la race des hommes de bien, les semblables d’Amadou Hampâté Bâ, celui qui disait :Si vous voulez faire une œuvre durable, soyez patients, soyez bons, soyez vivables, soyez humains. Le pesticide ne put atteindre la bre des médiocres, de ceux qui avaient extrait la morale et la compassion de leurs cœurs pour en faire des carapaces.
 Je souhaite que vous ayez le temps de travailler sur une thèse intituléeIndépendance : engrais ou pesticide ?dit la visiteuse au patriarche, avec une voix teintée d’un bonheur instantané. J’aimerais maintenant savoir pourquoi l’endroit que vous habitez, ce ravin, cette gorge, est un paradis pour vous.
 Oui, c’est le paradis, et pour moi et pour un groupe de personnes que tu auras peut-être l’occasion de rencontrer, dont Le Bachelier des Champs et les jumelles. Ils m’appellent Mathusalem. Et les jumelles m’ont baptisé Baba Mathus,
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ajouta-t-il, oubliant que les deux petites llesétaient couchées à côté et ne dormaient pas. Sur les ancs du Paradis, je vois et j’admire vos maisons en bois disposées les unes à côté des autres mais non pas collées, les unes au-dessus des autres mais pas sur la même verticale. Cette disposition assez bien décalée offre d’étroits passages aux habitants, que la plupart des vi-siteurs prendraient pour des gens à la vie bien rétrécie... À regarder de près, je suis tentée de dire que ce ravin est un bras de lagune qui s’est asséché. On peut aussi y voir un sta-dium dont les gradins seraient occupés par les baraques et les spectateurs condamnés à demeurer chez eux pour suivre les matchs.
stadium que tu imagines est très proche de la Le réalité puisque, par les fenêtres, nous regardons les plus jeunes jouer le jeudi après-midi et les moins jeunes le samedi matin. À la place des vestiaires, se tient une école réduite à une classe. Une école qui, en fait, est un centre d’alphabétisation, où enfants et adultes sont assis coude-à-coude, devant des maîtres bénévoles, hommes et femmes, parfois de haut niveau. Là, ils apprennent à lire et à écrire. Pas plus. Ils n’ont pas besoin de diplômes puisque, pour travailler, en plus de ces papiers cartonnés et joliment calligraphiés, il leur faudrait présenter un certicat de nationalité, chose qu’ils n’ont pas. Tu y rencontreras Chem, un garçon brillantqui a ni par me dire qu’il a lu tous les livres de ma petite bibliothèque, qu’il a appris tout ce que les maîtres d’ici pouvaient lui apprendre et qu’il en voulait plus. C’est alors qu’il a osé partir s’asseoir sur les bancs
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d’une école de l’Empire Extérieur. La suite de son histoire, tu la connaîtras.  Vous dites bien que les gens d’ici n’ont ni acte de naissance ni certicat de nationalité.  Oui,nous ne sommes ls ou lles d’aucune nation.  Comment pareille situation peut-t-elle arriver ? l’instar d’une très belle femme parée de ses À plus beaux bijoux qui rencontre un gueux sur son chemin, l’Indépendance m’a vu dans mon trou et m’a ignoré quand elle est venue couvrir de ses ailes l’Empire Extérieur. Il faut dire que, moi aussi, je l’ai ignorée, jusqu’en cette matinée de je ne sais plus quelle année, où je me suis retrouvé au commissariat de police, suite à une descente dans ma fosse qui, selon un indicateur, aurait abrité un nid de voyous. Ils m’ont demandé la carte d’identité que chaque citoyen indépendant devrait avoir. Dès que j’ai ouvert la bouche pour dire que je n’ai pas cette pièce, ils ont déclaré que je n’ai pas de patrie, que je suis apatride. Ils m’ont relâché après m’avoir donné à lire un petit carnet portantConstitutionen couverture. Le carnet m’a fait penser à celui qu’avait chaque malade de la léproserie : le livret qui contenait le chronogramme des prises de comprimés et des pansements à faire.
C’est avec le temps que j’ai compris que la constitution est un ensemble de règles autorisées et de règles interdites qui sont élaborées par les tenants du pouvoir pour que le peuple vive avec une forme de lèpre : la pauvreté et la maladie. Quoique non écrites, il est des constitutions bien insidieuses. Je vous citerai, par exemple, la constitution
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du Colonialisme dont les chapitres s’apparentent à des légendes.  Parlez-moi alors d’une légende du Colonialisme. »
La visiteuse écoutait le patriarche avec grand intérêt, comme jamais auparavant. Elle volait pourtant des instants pour regarder les deux êtres étendus sous la table d’à côté, sous une couverture qui n’était pas assez large pour couvrir leurs maigres jambes.
« Si vous avez la patience de rester encore, je vous dérou-
lerai une de ces légendes.
 Je vous écoute, Honorable !  Il était une fois, un petit colon qui s’était ainsi adressé à une foule d’indigènes rassemblés sous un grand arbre de la savane : "Là où je vous incite à partir, c’est le pays au sol généreux, où le bout de tige de manioc que l’on jette repousse en se redressant. C’est le pays des plantations de café, de cacao et de palmiers à huile ; c’est la Côte d’Ivoire. L’homme d’ici, de la Haute-Volta, ou d’à côté, du Soudan Français, et généralement l’homme de la bande Sahélo-Saharienne, habitué à travailler dur pour tirer sa pitance de la terre aride sous l’ardent soleil, n’aura, là-bas, besoin que d’une égale énergie pour à la fois s’enrichir et enrichir ses nouveaux et réels amis Blancs dont je ferai partie." Trois jours plus tard, au petit matin, une cinquantaine d’indigènes célibataires et de couples d’indigènes sans enfants se rent enrôler et se retrouvèrent entassés dans un camion Citroën-T46, comme du bétail, prêts à être convoyés dans les
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