Un roman d Algérie
158 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Un roman d'Algérie , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
158 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Un soir de 1997, dans un hôtel parisien, Eric Guerrier a vécu le début de ce roman. Il en a tiré un huis-clos dramatique confrontant deux mémoires vécues d'une Algérie dont les témoins auront bientôt tous disparu. Roman doublement autobiographique, mais de pure fiction, où pourtant et d'une certaine façon, tout a été vécu çà ou là. La parole de face va ainsi durer et se durcir en un affrontement, non pas de points de vue politiques, mais d'homme à homme. À ranimer chacun les souvenirs de son enfance jusqu'à sa vie d'homme, puis ceux des paroxysmes de la guerre et du déchirement de l'exil, les deux natifs d'une même terre, ne se trouveront pas de commune mesure. Cette rencontre improbable essaie ainsi de montrer comment se nouent et se dénouent les histoires individuelles, noyées dans l'aveuglement de la grande Histoire, qu'on falsifie éhontément de part et d'autre pour fabriquer les histoires officielles.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 mars 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312006345
Langue Français

Extrait

Un roman d’Algérie

Eric Guerrier
Un roman d’Algérie
La parole de face





LES ÉDITIONS DU NET 70, quai Dion Bouton 92800 Puteaux Du même auteur

Histoire de chasser sous la mer – Arthaud 1972
Essai sur la cosmogonie des Dogon – Robert Laffont 1975
La chasse sous-marine – Solar 1980
Le principe de la pyramide égyptienn e – Robert Laffont 1981
Le premier testament des dieux – Le Rocher 1981
Les dieux et l’Histoire Sainte – Le Rocher 1982
De Bethléem à la fin des temps – Le Rocher 1983
Les Pyramides, l’enquête – Cheminements 2006
Dominici, expertise du triple crime de Lurs – Cheminements 2007
La réparation – Cheminements 2007
Mathusalem export – Edilivre 2009
Que l’avenir redevienne un rivage – Edilivre 2010

*



Avertissement

Ce roman a déjà été publié en 2007, sous le titre La réparation , aux Éditions Cheminements, liquidées depuis. Cette nouvelle édition ne diffère de la précédente que par ses première et quatrième de couverture, son titre et quelques corrections. Certaines scènes de guerre peuvent choquer, elles ne doivent donc pas être laissées entre toutes les mains.

*





Couverture : Femme regardant la mer – Eric Guerrier 1987 ©
Illustration : Ombre et lumière, d’après Le Corbusier bc Fondation Le Corbusier ©


© Les Éditions du Net, 2012 ISBN : 978-2-312-00634-5

À Jean-Michel, mon frère





« Oui, j’y voyais clair soudain : la plupart des gens croient à la pérennité de la mémoire (des hommes, des choses, des actes, des nations) et à la possibilité de réparer (des actes, des erreurs, des péchés, des torts)… Le rôle de la réparation (et par la vengeance et par le pardon) sera tenu par l’oubli. Personne ne réparera les torts commis, mais tous les torts seront oubliés ».
Milan Kundera
( La plaisanterie )
I
1
Xavier Marlès appela la secrétaire de son client à Paris, là où avait lieu la réunion :
- Alice, mon hôtel habituel est complet. Pourriez-vous me trouver une chambre ? Pas trop excentrée, si c’est possible.
- Bien sûr.
Dans son message de « mai 16 1997 – 15 h 32 », Alice avait indiqué que tout était plein partout à cause du Salon. Après de très nombreuses tentatives d’abord rive gauche, puis rive droite, elle avait finalement trouvé une chambre, mais seulement dans le XIX e . Xavier grimaça, mais les trois étoiles le rassurèrent.
Quelques jours après, lorsque le taxi s’arrêta devant l’hôtel, Xavier retrouva sa grimace. À peine dans le hall, il se demanda comment l’hôtel avait gagné ou conservé ses étoiles. Démodé passe encore, mais défraîchi à ce point ! Heureusement propre. L’essentiel après tout, se rassura-t-il. Très professionnelle, la réceptionniste lui servit en prime un vrai sourire. Sur son badge, le prénom de Samira confirma le type qu’annonçaient les yeux de gazelle, les lèvres brunes bien ourlées, le teint mat, et le cheveu noir et frisé malgré la tension exercée par un chignon serré. Derrière elle, Xavier n’avait pas porté attention à l’homme debout qui tournait le dos. Mais alors que la fille lui tendait sa clé, l’homme s’était retourné. Et Xavier reçut en plein visage le laser glacial d’un regard bleu, d’une dureté insoutenable. Faisant effort pour y échapper, Xavier se détourna comme si de rien n’était, et se dirigea vers l’ascenseur.
En passant devant le salon, une discussion à voix forte, mi en arabe mi en français, lui confirma que l’hôtel était tenu et fréquenté par… Décidément, Xavier n’arrivait pas à donner aux gens qui avaient entouré son enfance le nom de Maghrébins. Catégorie sémantique qui englobait désormais Algériens, Marocains et Tunisiens dans le langage convenu. Pour lui, ce nom incolore, inodore et sans saveur ne recouvrait aucune réalité. Le son même résonnait en son for intérieur de façon incongrue et risible, quelque chose comme un mauvais pataquès mélangeant magret avec bain… Complètement idiot, quoi !
C’est que Maghreb est une désignation savante en arabe. C’était la « terre du couchant », orientée par le point de vue géographique des envahisseurs arabes, qui auraient d’ailleurs été outrés qu’on les appelle des Maghrébins. Autrement dit, aujourd’hui et vu de France, ça n’a vraiment aucun sens. Et les Français, sauf exception, ignoraient l’existence du Maghreb jusqu’à ce qu’une récente cuistrerie soit allée exhumer le mot pour remplacer l’Afrique du Nord de son temps à lui. Quand Xavier vivait en Algérie, comme tout le monde, il disait les « zarabes », pas les Arabes, car la majuscule leur ôtait certaine familiarité qui lui demeurait au cœur. En langage convenu, on lui avait appris à dire les « indigènes » ou les « musulmans », avec une sorte de détachement clinique. Mais ce respect humain lui avait toujours déplu presque autant que l’humour offensif, donc offensant, que les Méditerranéens pratiquent partout pour se défendre de leurs vrais sentiments. Mais comment échapper à la gamme des noms, allant de la raillerie amicale à l’insulte haineuse, en passant par le mépris, et dont l’usage lui était devenu quasi naturel depuis l’enfance ? Melons, pinsons, pingouins et pin-pins, ratons, biques et bicots, officiers de ravin, sous-mariniers de montagne et autres troncs de figuier [1] … En revanche, les crouillats, crouilles, bougnoules ou ratagaz lui étaient étrangers. C’était là le dernier argot militaire des appelés du contingent pendant la guerre d’Algérie. Et pas des moins péjoratifs !... Xavier ignorait d’ailleurs que tous ou presque de ces surnoms, avaient été légués par d’autres générations de bidasses venus de métropole, expédiés dans les Bat’d’Af ou la Colo. « Pan ! Pan ! l’arbi, les chacails sont par ici, par ici, par là-bas… » Ceux-ci n’avaient pas pris le temps de comprendre que ya-rhouya voulait dire « mon frère ». Ils avaient entendu crouillat , et l’argot parisien en avait fait des crouilles . Chacun sa langue ! Et les ratons alors ? Comme « mon petit rat » est un mot d’affection courant en France, on peut donc se demander comment c’était devenu là-bas une appellation péjorative et insultante jusqu’à la « ratonnade ». Là aussi, il s’agissait d’une origine militaire. Un des bastions de la révolte kabyle de 1871 était la grande tribu des Imraten , nom qui, à travers une contraction en « ratènes », avait été dévié en « ratons ». Mais, pour la génération de Xavier, tous étaient donc devenus des zarabes, sans autre distinction de premier abord. Par facilité. Car Xavier savait bien que les Kabyles ou les gens des Aurès venaient d’un autre peuplement : ces Berbères antérieurs aux invasions arabes, Numides en partie romanisés et christianisés, dont la langue n’avait rien à voir avec l’arabe, sans parler des Touaregs ou des Noirs des oasis. Mais tous avaient eu le tort de devenir musulmans, ce qui masquait leurs différences.
Xavier, lui, faisait partie des « zeuropéens ». Pas encore Européens, donc sans majuscule non plus, ils comprenaient en effet beaucoup d’origines autres que les « Français de France », comme on disait. Xavier n’avait-il pas connu et côtoyé toutes sortes de gens d’origine espagnole, italienne, maltaise, suisse, hollandaise, anglaise, polonaise, russe, etc, sans compter les juifs autochtones ou ceux venus de France et d’ailleurs. Tous n’avaient fini en peuple « pied-noir » qu’au commencement de la fin, et pas avant les années 1955/56.
Tiens, cette origine de l’appellation de « Pieds-noirs », voilà une question qui agaçait singulièrement Xavier ! Depuis les années soixante, périodiquement, on en était venu à se demander d’où elle avait bien pu émerger. Et, bizarrement, on était allé exhumer deux origines pour le moins invraisemblables et pourtant en passe de devenir vérités académiques. Comment croire qu’il s’agissait du point de vue des arabes, étonnés par les pieds européens équipés de chaussures, godillots, bottes et bottines ou escarpins de cuir noir, voire verni ? Car, d’abord, aucune expression en

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents