À la recherche de Suberbieville
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À la recherche de Suberbieville , livre ebook

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Description

Une mine d’or, une cité perdue, un aventurier ami des souverains malgaches et concessionnaire d’un immense territoire, un corps expéditionnaire colonial décimé par les fièvres : c’est le sujet très romanesque de cette petite histoire en marge de la grande. Disparue des cartes et des mémoires, Suberbieville a pourtant bien existé. Il fallait la sauver des gouffres de l’oubli. (Nombreuses illustrations.)




Yannick Boulay a longtemps servi comme inspecteur détaché au Ministère de la Coopération et du Développement, chargé de l’enseignement du français dans les pays francophones d’Afrique et de l’Océan Indien. À ce titre, il a effectué de nombreuses missions à Madagascar entre 1984 et 1998, soit cent ans après l’histoire qu’il relate. Amoureux de la Grande Île, il y revient souvent.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 2
EAN13 9782373630794
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0030€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Yannick Boulay
À la recherche de Superpieville
Cité Perdue à Madagascar
Bipliothèque malgache
Prologue
Maevatanana – malgré son nom de paradis polynésien – est la ville réputée la plus chaude de Madagascar. À peu près à mi-chemin entre Antananarivo (Tananarive) et Mahajanga (Majunga), c’est une bourgade vivante, un e étape où se pressent taxis-brousse, 4×4 et autres chariots. Une foule nombreus e et multicolore anime les rues de ses mouvements browniens, sans souci de la canicule . J’y étais passé plusieurs fois en revenant de Majun ga ou en y allant, lui accordant moins d’intérêt qu’au spectaculaire pont sur la Bet siboka, le véritable Fleuve Rouge s’il en est un au monde, à 30 km de là.
Le Dr Catat, grand voyageur à Madagascar dans les a nnées 1880, note dans ses carnets (Itinéraire n° IX, de Majunga à Tananarive) : «Village d’une centaine de cases, région désolée et stérile, très montagneuse, chaleu r très forte. Pays très malsain. » La cause semblait donc entendue : ce bled est un de ces chaudrons dont parlent volontiers les aventuriers pour montrer qu’ils « en ont vu de rudes ! ». Mon ami Jacques et moi y avions même passé une nuit dans un des rares hôtels, lors des travaux de réfection du pont de la Betsiboka qui ob ligeaient les transporteurs à se soumettre à une circulation semi-journalière altern ée. Le climatiseur poussif et le sommier aléatoire confirmaient le verdict commun, q ue la gentillesse rieuse du personnel et l’amabilité de la direction atténuaien t considérablement sans l’abolir. Or, au retour, précisément, de ce voyage avec Jacqu es, j’avais rapporté quelques livres anciens trouvés au marché des bouquinistes d e Tananarive, où on déniche surtout de vieilles revues dépenaillées et des livr es de poche spongiformes, mais pas seulement : dans l’un des vrais bouquins – parfaite ment relié par Jean-Luc, un véritable artiste que son nom octosyllabique m’obli geait à appeler par son seul prénom – je trouvai des récits historiques passionnants qu i me rappelèrent que j’avais dans ma propre bibliothèque pas mal de livres sur l’histoire de Madagascar. Ce fut donc le début d’une lecture curieuse et pres que frénétique de tout ce que je possédais et le coup d’envoi d’achats d’autres sour ces chez des marchands ou dans
des ventes aux enchères, sans compter, comme on dit en français, lesurf sur le Net. Bref, je m’intéressai particulièrement à l’expéditi on de 1895 qui clôtura l’ère des escarmouches politiques et militaires impliquant le gouvernementhova, les Anglais et les Français depuis presque un siècle. Le corps expéditionnaire du général Duchesne débarq ua à Majunga et s’engagea, non sans d’immenses difficultés dues aux fièvres – qui firent beaucoup plus de victimes que les combats – et aux obstacles du terr ain, dans une longue marche qui devait le conduire jusqu’à Tananarive, où il obtint la reddition de la reine Ranavalo III et de son gouvernement. Ainsi commença la colonisation de Madagascar.
Je découvris alors que le corps expéditionnaire ava it, en juin 1895, fait étape, installé un camp important et logé son quartier gén éral dans les locaux d’une grande exploitation aurifère près de Maevatanana, nomméeSuberbieville, du nom de son fondateur, Léon Suberbie, un aventurier d’envergure , qui avait obtenu du Premier ministre malgache en 1886 une immense concession po ur l’exploitation de l’or, après avoir par ailleurs joué un rôle politique et diplom atique important dans les difficiles négociations entre Madagascar et la France, après l ’occupation de Tamatave en 1883. Des documents – en particulier des cartes – montrai ent que Suberbieville, en 1895, était plus importante que sa petite voisine Maevata nana, dont la prise par le corps expéditionnaire avait cependant donné lieu à un com bat sérieux, le 9 juin. Jamais sur place je n’avais entendu parler de Suberbieville lors de mes passages, ni à Tananarive, ni à Maevatanana, ni ailleurs. Bien p lus, lorsque j’interrogeai
spécifiquement plusieurs personnes, Malgaches ou Fr ançais, je ne recueillis aucun écho. Aucun. Je me promis alors de rechercher le site, pour voir s’il en subsistait des ruines, des épaves de machines ou autres vestiges et pour essay er de comprendre quand et pourquoi avait disparu jusqu’à la mémoire du lieu. Je viens donc de passer deux nuits à Maevatanana, d ans le même hôtel, avec le même climatiseur poussif et le même personnel aimab le. La première, en allant à Majunga, était un samedi soir ; les administrations étaient fermées dans l’après-midi, à l’heure de notre arrivée. Les Malgaches interrogés ne savaient rien de Suberbieville, n’avaient jamais entendu ce nom. Un factotum de l’h ôtel proposa de nous conduire, mon chauffeur et moi, vers un « cimetière français » qu’il semblait seul connaître. Je pensai aussitôt à un cimetière militaire, puisque l e camp de Suberbieville, en 1895, comportait un hôpital où étaient probablement morts des fièvres un certain nombre de soldats. Nous y parvînmes après un parcours bref mais accide nté, aux confins de la ville. Mais il s’agissait de quelques tombes sommaires en ciment, civiles et datant des années 1920.
Mon chauffeur Rasolo, intéressé par le problème et ancien cadre de la JIRAMA – compagnie des eaux et de l’électricité – avait inte rrogé des agents de cette société qui pensaient que, peut-être, « la mine d’or des França is » s’était trouvée là où s’élève maintenant la station de pompage de la ville. Le 4×4 nous conduisit alors vers ce lieu si confide ntiellement mythique jusqu’au point où le chemin n’était vraiment plus praticable . Un passant nous suggéra d’y aller à pied, mais c’était encore loin et la nuit tombait. On décida de faire halte de nouveau à Maevatanana au retour de Majunga et de consulter l’ administration des Domaines. À Majunga, je réussis à rencontrer Jacky Cauvin, unZanatany qui connaît bien la région et qui possède un petit avion avec lequel il nous avait promenés, Jacques et moi, l’année précédente, au-dessus destsingyde Namoroka. Je me disais qu’il pourrait peut-être me faire surv oler Maevatanana pour repérer d’en haut le site de la ville fantôme. J’étais – presque ! – prêt à envisager de consentir un effort financier pour cette reconnaissance.
Jacky n’était pas disponible. Il n’avait jamais ent endu parler de Suberbieville. Mais il avait avec lui un couple d’amis français d’Afrique du Sud qui connaissait non pas Suberbieville, mais un ami belge de Tamatave – M. G eorges – passionné omniscient de Madagascar et possesseur d’une des plus belles c ollections de documents sur son histoire. On l’appelle. En effet, il a entendu parl er de Suberbieville, croit – comme moi – qu’il n’en reste pas grand’chose, et nous convenons de nous rencontrer à Tamatave, puisque j’y vais la semaine suivante. La deuxième étape à Maevatanana, au retour de Majun ga, nous permet de passer aux Domaines, qui nous envoient au Service Topograp hique. Là, des jeunes gens sympathiques n’ont jamais enten du parler de Suberbieville, mais se montrent intéressés, nous sortent un vieux plan de 1907 de « la nouvelle ville », consultent avec nous l’image satellite du coin, un peu floue, sur leur vieil ordinateur et nous parvenons, en la comparant avec nos cartes de 1895, à repérer un site qui pourrait être ce qui reste de Suberbievill e. Il apparaît que la ville ancienne de Maevatanana ét ait à quelques kilomètres au nord-est de la nouvelle ville, que nous nous trouvo ns précisément sur le site de Ranomangatsiaka, ancien village des mineurs devenu un faubourg de Maevatanana et que Suberbieville devrait se trouver au nord-nord-o uest de la ville actuelle, à environ 5 ou 6 kilomètres. Mais les chemins sont réputés impraticables même en 4×4. D’ailleurs la nuit tombe et nous repartons le lendemain matin de bonne heure . J’aurais pu lancer une petite expédition pédestre c e matin-là, mais… Mais je voulais arriver assez tôt à Tananarive, fai re durer un peu le plaisir de l’attente, rencontrer M. Georges à Tamatave, consul ter chez moi tranquillement Google Earth et… me donner un bon prétexte pour revenir ! Je n’ai pas pu voir M. Georges car c’était le week- end de Pâques et nos horaires ne se sont pas accordés. Nous sommes convenus de commu niquer par mail. Voilà où en est ma recherche de Suberbieville, cité perdue à coup sûr moins prestigieuse que les temples d’Angkor… mais l’aventure, c’est l’Aventure ! Avril 2016
Quelques mois après…
Après avoir cherché à débaucher des amis pour m’acc ompagner, en les alléchant avec la perspective de faire cette redécouverte his torique, et après avoir essuyé des refus polis et dûment motivés, j’eus le bonheur de convaincre mon ami Jacques et, alors que j’avais déjà pris mon billet et réservé R asolo et le 4×4 pour la première semaine, il décida de partir avec moi le 9 novembre . Nous voilà donc à Maevatanana, bien décidés à trouv er quelque chose de Suberbieville et partis tôt de Tananarive pour être à pied d’œuvre en début d’après-midi. Rasolo me conforta dans l’idée de passer d’abord au Service Topographique, pour ne pas débarquer sur le site présumé comme en terra in conquis. Nous y fûmes dès l’ouverture, à 14 h., et à peine le chef du bureau, Mamison Rakotomanga, nous eut-il reconnus qu’il nous sortit d’un tiroir, avec un lar ge sourire, les documents que je lui avais laissés en mars. Et nous voilà regardant les cartes, Rasolo discutan t ferme en malgache pour
expliquer nos hypothèses de localisation. Très vite le chef du bureau se proposa de nous conduire là où il pensait connaître ce que nou s cherchions. En effet, à la sortie de la ville, au nord du burea u (j’avais emporté une boussole !), il nous fit emprunter un sentier bordé de boutiques et , juste après nous avoir fait garer près de la centrale électrique thermique, nous amen a à pied dans une zone dégagée, vaguement cultivée où il nous montra quelques ruine s dispersées sous des manguiers épars. C’était Suberbieville ! Mission accomplie ! Photos du siècle !
Ces pauvres ruines, évidemment, ce n’était pas gran d-chose. On nous avait bien prévenus. « On », c’était Georges ou Pierre – « Pie rre de Malgachie », un autre passionné, rare connaisseur de l’aventure de Léon S uberbie, Belge résidant à Tananarive. Et d’ailleurs, nous pensions bien nous- mêmes que s’il y avait eu de vraies ruines, elles ne seraient pas passées inaperçues à ce point.
Suberbieville n’a jamais été une vraie ville, mais une petite agglomération de constructions en bois qui ont naturellement disparu . Rien de comparable avec la superbe ruine de la maison Eiffel qui survit au cœu r de Majunga. Si le nom de Suberbieville apparaît sur une carte aussi gros que celui de Majunga ou même de Tananarive, c’est que cette carte a été dressée par Léon Suberbie lui-même et son beau-frère Edouard Laillet… Ce que nous avons trouvé – quelques vestiges de murs et de constructions de pierre ou de béton – c’est vraisemblablement ce qui reste des installations industrielles. J’espérais vaguement que des structures métalliques , des carcasses de machines auraient survécu…
Mais l’essentiel était de retrouver le site et de f aire de cette quête une aventure, ne fût-ce que dans nos têtes. Il reste que lors de ce passage assez rapide nous n ’avons pas pu opérer de repérage précis des lieux par la comparaison entre les plans anciens et la ville moderne. Il semble que Suberbieville ait été en partie recouverte par la ville actuelle de Maevatanana et que les matériaux solides du site ab andonné aient servi à sa construction. Nous avons donc encore un peu de rêve à moudre et d e terrain à observer. Novembre 2016
Dernier (en date !) voyage.
Après avoir collecté et étudié bon nombre de docume nts, y compris aux archives nationales à Tananarive, grâce à la dynamique histo rienne Hélihanta Rajoanarison, je suis revenu sur les lieux avec mon ami Rasolo et no us avons eu le plaisir de retrouver M. Rakotomanga, qui avait eu le temps de faire avan cer un peu le « dossier ». Il avait, en particulier, retrouvé deux sites appar tenant peut-être au Suberbieville d’avant la guerre de 14-18. Le premier est un bâtim ent totalement noyé au centre-ville et qui servait d’entrepôt, appelé « le Petit Quai » . On y trouve une stèle très érodée dédiée aux morts de la Grande Guerre. Le second est une ruine de maison, isolée à
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