Berthe et Kléber
271 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Berthe et Kléber , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
271 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Aquitaine, 1928-1938. Deux amies d’enfance, des presque soeurs, sont confrontées, pour des raisons différentes, à la tuberculose. Elles sont séparées et leur nouvelle vie suit le parcours imparti aux pestiférées à cette époque. Du rejet social et familial à l’enfermement sanatorial il faudra du caractère pour transformer cette épreuve en nouveau départ. Et du caractère, elles en ont. Il parait qu’à quelque chose malheur est parfois bon.

Informations

Publié par
Date de parution 22 juillet 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312034874
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0017€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Berthe et Kléber
A celle que nous appelions Jeanne;
Que j'ai appelée Madeleine;
Et qui s'appelait Madeleine.
Ce que j'ignorais en écrivant ce livre.
Le cœur sur la main .
Bernard Thomas
Berthe et Kléber
















LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2015
ISBN : 978-2-312-03487-4
Première partie
Chapitre 1
P ÉRIGUEUX HIVER 1927-1928
Un couple d’âge mûr remonte, bras dessus-bras dessous la rue principale vers la place du marché.
Le temps est en accord avec la saison, les gens et les affaires : maussade.
La dame s’arrête, retient son compagnon par le coude et l’interpelle :
– Dis-donc André qu’est-ce qu’elles font les gamines là-bas ? La manche ?
L’homme en question qui, comme tous les hommes que leur femme traîne en ville n’avait rien vu, prend son temps puis, moqueur :
– La manche ? T’as vu comment elles sont habillées ? La quête plutôt.
Suzanne, étonnée :
– M’enfin mon pauvre ami, on est jeudi et il n’y a pas d’église ici. Tiens, regarde, elles ont une espèce de boîte, et la petite dame qu’elles ont arrêtée y a mis quelque chose. Qu’est-ce qu’elles fabriquent ?
Tout en s’approchant Suzanne détaille la tenue vestimentaire des deux enfants. Un long manteau gris avec une capeline surpiquée sur les épaules et, comme couvre-chef, un bonnet en laine pour la grande et un béret pour la petite. Du bonnet s’échappent des frisettes blondes indomptables et le béret libère une cascade de boucles auburn qui se répandent sur la capeline.
– On dirait deux sœurs reprend André de plus en plus intrigué. Elles ont une dizaine d’années, non ?
Maintenant tout près des deux fillettes, Suzanne reconnaît la petite :
– Oh, mais c’est Hélène. La fille des Bonnin. Tu sais bien les épiciers de la place du marché. Mais la grande c’est pas sa sœur. Elle est fille unique. Je la connais pas.
N’y tenant plus et la dame partie, Suzanne passe à l’offensive :
– Bonjour mes mignonnes. Qu’est ce que vous faites là, avec ce mauvais temps ?
La grande prend un air docte et sûre d’elle :
– On vend des timbres.
La dame glapit :
– Des timbres ?
La petite prend le relais :
– Oui, pour tuer les microbes.
Le couple se regarde, éberlué :
– Les microbes ?
Comme dans une pièce de théâtre au scénario bien huilé la grande renchérit :
– Oui, justement, les microbes de la tuberculose.
Les sourcils froncés Suzanne insiste :
– Et qui c’est qui vous a dit de faire ça ?
En cœur :
– Le président de la république.
Trop c’est trop. Le couple flaire la mauvaise plaisanterie. Mais, quand même à cet âge. Où va-t’on ? Faisant semblant de rentrer dans leur jeu, Suzanne contre-attaque :
– Et vous le connaissez bien le président de la république ?
La grande se sent piquée par le ton et le sourire narquois :
– Nous, non. Mais il a fait un grand discours qu’il a écrit dans le journal et que la maîtresse nous a lu. Il a dit que, pour sauver les enfants malades il fallait beaucoup de sous et que si tous les enfants pas malades vendaient beaucoup de timbres on pourrait construire des sanatoriomes pour les guérir.
La fillette reprend bruyamment son souffle après cette tirade débitée d’un seul trait.
Suzanne, tournée vers André :
– T’es au courant de cette histoire ?
André maintenant intéressé et amusé par la tournure de la discussion confirme :
– Oui c’est exact, il y a eu récemment un article sur le sujet. Ils expliquaient qu’en 1925 une expérimentation avait été faite dans un département de l’est. En Lorraine, je crois, où ils bénéficient d’une administration organisée à l’allemande. Les résultats ont été tellement favorables que le gouvernement a décidé de l’étendre à tout le pays.
Suzanne admirative :
– Et on en fait quoi de vos timbres ?
Martine, ravie qu’on les prenne au sérieux se tourne résolument vers le monsieur :
– Oh ! C’est pas pour la poste. Mais pour le courrier de Noël. Papa et Maman en collent un sur les cartes de voeux. Comme ça on sait qu’ils ont sauvé un enfant. Et puis vous avez vu comme ils sont beaux ? Hélène, montre-les.
La petite extrait un carnet de sa poche et l’agite devant les yeux ébahis du couple. On y voit, de dos, une petite fille qui envoie des baisers au soleil. De sa petite voix fluette mais déterminée elle continue :
– C’est une petite fille comme nous qui l’a dessiné. Le soleil et l’air pur l’ont guérie et elle a gagné le concours de dessin. Comme j’aimerais qu’elle soit notre grande sœur !
Suzanne n’y comprend plus rien :
– Ah bon ! Vous êtes sœurs ? Je croyais que tu étais fille unique.
– Oui mais je m’ennuie tellement toute seule. Alors Martine et moi on s’est dit qu’on serait deux sœurs.
La grande précise :
– Moi, j’ai un grand frère, mais il est bête comme ses pieds alors, c’est pas mieux.
André qui s’amuse de plus en plus :
– Eh bien mes chéries vous m’avez l’air d’avoir l’esprit vif et la langue bien pendue. Et vous les vendez combien ces timbres ?
– Le timbre c’est dix centimes mais les gens en prennent tous au moins dix. Ca fait que 1 franc. C’est pas cher pour soigner un enfant.
– Et en plus ça joue déjà les vendeuses averties. Bien joué ma grande, je vais t’en demander deux. Deux carnets bien sûr.
Et André glisse un billet de 5 francs dans la fente de la tirelire. Suzanne acquiesce d’un signe de tête :
– Et ça marche le commerce ?
Pour preuve Hélène secoue la boîte. Sa tête bouge à l’unisson imprimant une farandole aux guirlandes de cheveux. Il s’en détache mille piécettes dorées qui tombent et résonnent sur le pavé, du même bruit que le trésor de leur tirelire. Son sourire met le feu aux paillettes de ses yeux noisette et le charme opère. Ahuris Suzanne et André restent bouche bée. Pour eux c’est déjà Noël. Les petits anges s’éloignent et les pièces tintinnabulent longtemps après qu’elles aient disparu.
Arrivées place du marché nos commères font irruption chez les Bonnin. Madeleine et Pierre, les parents d’Hélène. Madeleine fronce les sourcils. Pierre sourit aux anges. Et aux petits anges. Pour peu que la mère d’Hélène soit bien lunée elles auront peut-être droit à un chocolat chaud. C’est décidément Noël et les mignonnes dégustent l’instant, échafaudant déjà la stratégie à mettre en oeuvre samedi, jour de marché. Mais Martine habite loin sur le plateau et reprend son vélo laissant le trésor de guerre à sa « sœur ». Elles font caisse commune car Martine, plus âgée de deux ans, a obtenu la permission de chapeauter la petite. Celle-ci compte et recompte : 22 francs et 40 centimes. Elle ne sait pas vraiment si c’est bien ou non. Elle avait entendu parler de chiffres astronomiques. Plus de mille francs pour le meilleur, un charentais, l’an passé. Mais elles étaient petites encore et le champion en question devait avoir treize ans. Comme Etienne, de la boulangerie. Il leur avait promis de leur donner des « tuyaux » pour améliorer leur chiffre. Mais à condition de ne pas empiéter sur son territoire. Elles iraient le voir et comme Martine avait l’autorisation de rester dormir là, on allait voir qui c’est le meilleur. L’union fait la force. Vivement samedi.
Le lendemain Hélène se précipita pour annoncer le chiffre d’affaire à Martine et à sa maîtresse qui, rassurée leur confia vingt carnets supplémentaires.
Samedi, à l’heure dite les fillettes étaient au rendez-vous, devant la boulangerie. Etienne arriva, l’air triomphant. Il avait déjà vendu trente et un carnets. Pressé de questions il accepta de leur expliquer sa technique. On rentra se mettre à l’abri.
– Bon les filles vous m’écoutez bien ?
Précision inutile, tous sens aiguisés, les deux sœurs buvaient ses paroles.
Prenant un air décidé, Etienne s’adresse directement à Martine, décrétée chef de vente :
– Le mieux, c’est les commerces. Tu passes l’air de rien devant la vitrine et tu j

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents