Clair-obscur
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Clair-obscur , livre ebook

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Description

« Clair-obscur » : distribution des lumières et des ombres, ambiguïté, incertitude.

C’est ce que vont vivre Arlette Gravier, employée aux Trois Quartiers, Arnaud Larribe, métreur, Damien Rubot, ouvrier chez Citroën, pris dans les drames de la France des années 1940-1945. Ils répondront aux interrogations du moment en fonction de leur engagements passés, et par l’appel à leur conscience individuelle, seul recours possible en ces temps où tout s’écroule, où l’obscurité triomphe dans un premier temps pour faire place ensuite à une incertaine clarté, porteuse d’espoirs fragiles.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 30 juin 2015
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332960641
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0045€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-96062-7

© Edilivre, 2015
 
Prologue
« Voici maintenant l’allocution du Maréchal Pétain, qui est par ailleurs en train de former ce jour 17 juin 1940 le nouveau gouvernement. »
La défaite… Quel euphémisme pour désigner cet écroulement, ce tremblement de terre, ce raz-de-marée inédit qui venait d’emporter en quelques semaines le sort de ce pays : la France. Un cauchemar national qui venait de commencer, un effondrement collectif, qui paraissait d’autant plus insupportable qu’un observateur inattentif de cet événement lui aurait attribué un caractère largement prédictible.
Arlette Gravier cherchait des raisons de comprendre. Pourquoi l’armée française avait-elle été vaincue en quelques semaines ? Pourquoi le pays s’était-il décomposé, désintégré au sens le plus littéral du terme ? Il avait perdu tout sens de l’organisation, toute articulation visible. Les relations quotidiennes étaient anéanties. Arlette Gravier, qui s’était intéressée déjà au temps du Front Populaire aux soubresauts de la vie publique, aux convulsions de la vie sociale française, avait à cette époque acquis la conviction que les progrès sociaux garantissaient aux travailleurs des droits, des possibilités d’une émancipation durable. Ils constitueraient des fondations fermes, stables, sur lesquelles pourraient s’appuyer les générations futures… L’histoire effectuait, par cette défaite militaire de 1940, un rappel, un renvoi à une ironie cruelle, implacable : elle ne s’arrêtait jamais, surtout pas pour faire entrevoir un éternel bonheur aux masses travailleuses. Tout cela n’était qu’illusion, un mirage dérisoire.
« Mais que sommes-nous, devenus, que nous arrive-t-il ? », se dit Arlette Gravier en ouvrant son poste de radio, pour écouter ce Maréchal, vainqueur d’une autre guerre, qui allait présider aux destinées du pays.
« Chers auditeurs, le discours du Maréchal Pétain :
À l’appel de M. le président de la République, j’assume à partir d’aujourd’hui la direction du gouvernement de la France. Sûr de l’affection de notre admirable armée, qui lutte avec un héroïsme digne de ses longues traditions militaires contre un ennemi supérieur en nombre et en armes, sûr que par sa magnifique résistance elle a rempli son devoir vis-à-vis de nos alliés, sûr de l’appui des anciens combattants que j’ai eu la fierté de commander, sûr de la confiance du peuple tout entier, je fais à la France le don de ma personne pour atténuer son malheur.
En ces heures douloureuses, je pense aux malheureux réfugiés, qui, dans un dénuement extrême, sillonnent nos routes. Je leur exprime ma compassion et ma sollicitude. C’est le cœur serré que je vous dis aujourd’hui qu’il faut cesser le combat. Je me suis adressé cette nuit à l’adversaire pour lui demander s’il est prêt à rechercher avec nous, entre soldats, après une lutte et dans l’honneur, les moyens de mettre un terme aux hostilités. Que tous les Français se groupent autour du gouvernement que je préside pendant ces dures épreuves et fassent taire leur angoisse pour n’écouter que leur foi dans le destin de la patrie. »
Arlette Gravier fut accablée, assommée par ces propos. Non par les décisions qu’ils portaient à la connaissance du public, mais par tout ce qu’elles pouvaient impliquer quant au sort de ses proches, de ses amis, de ses camarades engagés, comme, elle, pour une cause commune.
Que devenait Bertrand, ce jeune homme rencontré dans les années trente, à l’émancipation duquel elle pensait avoir très largement contribué dans les domaines affectifs, intellectuels, personnels. Il avait été mobilisé le 1 er  septembre 1939, juste après la déclaration de guerre de la France à l’Allemagne en réponse à l’envahissement de la Pologne par cette dernière.
Était-il prisonnier, en fuite vers l’Angleterre, replié vers l’Afrique du Nord ?
Les nouvelles circulaient mal, en raison bien sûr de l’état de guerre, mais aussi par la présence de multiples rumeurs, toutes plus incontrôlées et plus fantaisistes les unes que les autres…
Et Damien Rubot ? Et Julien Massis ? Le premier, militant communiste de longue date, sincère dans ses convictions au point même qu’il avait, durant les purges staliniennes de la fin des années trente, douté, était effondré. Pas uniquement par la défaite militaire de la France, mais plus encore par ce pacte germano-soviétique, véritable coup de tonnerre dans le ciel du militantisme, qu’il ne pouvait admettre… On lui avait expliqué : le Parti gagne du temps face à la menace hitlérienne, cette guerre est une guerre impérialiste, à laquelle les prolétaires ne peuvent véritablement s’associer… Le journal L’humanité avait été saisi en août 1939 et le parti communiste dissous en septembre de la même année. Autant dire que pour Damien Rubot, c’était une quasi-clandestinité qui avait bouleversé ses activités militantes. Julien Massis, fervent partisan, tout comme Arlette Gravier, de Boum, de la SFIO, n’avait pas su se démarquer de l’air du temps. L’air du temps, vers la fin de la décennie des années trente, c’était, dans certains milieux, d’être pacifiste, munichois. De sauver la paix à tout prix. Julien Massis y avait cru, avant de se résigner à regarder la réalité en face : le nazisme n’était pas un adversaire ordinaire. Il ne se laissait pas enfermer dans des catégories habituelles.
Arlette Gravier revoyait en pensée cette place de Billancourt, ce lieu d’où bruissaient les débats entre militants, d’où étaient entretenues à coup de controverses les plus folles des espérances impérieuses.
En passant en revue ces souvenirs, en se remémorant ces images, qui n’avaient pas encore la couleur sépia, car trop récentes, Arlette Gravier se souvint de cet ouvrier, Karim Djadel, qui avait un jour harangué Julien Massis et ses amis dans un café de la place Nationale, à Billancourt, à la sortie des usines Renault. Qu’était-il devenu après la dissolution de l’Étoile Nord-Africaine, organisation à laquelle il appartenait ?
Ses propos paraissaient incohérents, excessifs, polémiques.
Et ce Messali Hadj, dont il vantait les prises de position et la justesse de vue ?
Autant de personnes dont il allait devenir très difficile d’obtenir des nouvelles, car la circulation de l’information, déjà entravée par la censure militaire pendant la guerre, deviendrait à coup sûr très problématique, jusqu’à revêtir un caractère quasi-permanent d’incertitude. Arlette Gravier était cependant sûre d’une chose : le spectacle des troupes allemandes défilant tranquillement sur les Champs-Elysées après leur pénétration dans Paris le 14 juin deviendrait une référence, négative certes, un contre-exemple, mais un repère de ce qu’il faudrait effacer un jour, dissoudre dans la mémoire nationale : une humiliation, un rabaissement, la noirceur incarnée.
Pourtant, le 18 juin, à peine quelques heures après avoir tenté d’assimiler la cruauté et la dureté des récents événements ayant frappé le pays et sa ville de travail, Paris, Arlette Gravier écouta la radio d’une oreille assez distraite, peu attentive au déroulé des événements si inattendus, si malaisés à intégrer dans le quotidien. Elle régla son poste sur la longueur d’ondes de la BBC, pour tenter de recueillir des nouvelles fraîches, et crédibles. Un discours d’un général français était annoncé. Un général français, à Londres ? Une incongruité de plus dans ce décor décidément inédit :
« Les chefs qui, depuis de nombreuses années, sont à la tête des armées françaises, ont formé un gouvernement.
Ce gouvernement, alléguant la défaite de nos armées, s’est mis en rapport avec l’ennemi pour cesser le combat.
Certes, nous avons été, nous sommes, submergés par la force mécanique, terrestre et aérienne, de l’ennemi.
Infiniment plus que leur nombre, ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui nous font reculer. Ce sont les chars, les avions, la tactique des Allemands qui ont surpris nos chefs au point de les amener là où ils en sont aujourd’hui.
La voix de cet homme parut monocorde à Arlette Gravier, un peu rauque, mais les images employées par cet orateur étaient parlantes, pertinentes.
Mais le dernier mot est-il dit ? L’espérance doit-elle disparaître ? La défaite est-elle définitive ? Non !
Croyez-moi, moi qui vous parle en connaissance de cause et vous dis que rien n’est perdu pour la France. Les mêmes moyens qui nous ont vaincus peuvent faire venir un jour la victoire.
Car la France n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle n’est pas seule ! Elle a un vaste Empire derrière elle. Elle peut faire bloc avec l’Empire britannique qui tient la mer et continue la lutte. Elle peut, comme l’Angleterre, utiliser sans limites l’immense industrie des États-Unis.
Cette guerre n’est pas limitée au territoire malheureux de notre pays. Cette guerre n’est pas tranchée par la bataille de France. Cette guerre est une guerre mondiale. Toutes les fautes, tous les retards, toutes les souffrances, n’empêchent pas qu’il y a, dans l’univers, tous les moyens nécessaires pour écraser un jour nos ennemis. Foudroyés aujourd’hui par la force mécanique,
Nous pourrons vaincre dans l’avenir par une force mécanique supérieure. Le destin du monde est là.
Moi, Général de Gaulle, actuellement à Londres, j’invite les officiers et les soldats français qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, avec leurs armes ou sans leurs armes, j’invite les ingénieurs et les ouvriers spécialistes des industries d’armement qui se trouvent en territoire britannique ou qui viendraient à s’y trouver, à se mettre en rapport avec moi.
Quoi qu’il arrive, la flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne

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