Hannah, le prix de la liberté
129 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Hannah, le prix de la liberté , livre ebook

-

129 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Michel Brunel Hannah, le prix de la liberté Coup de cœur d' Eliette Abecassis - Prix 2014 Roman Éditions Les Nouveaux Auteurs 16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com ÉDITIONS PRISMA 13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com Copyright © 2014 Éditions Les Nouveaux Auteurs — Prisma Média Tous droits réservés ISBN : 978-2-8195-03620 Je dédie cette histoire à tous ceux qui ont eu à souffrir de la barbarie nazie et, en particulier, Myriam, sept ans, Arieh, cinq ans, Gabriel, quatre ans, et Jonathan, trente ans, lâchement assassinés par un terroriste islamiste à Toulouse le 19 mars 2012 parce qu’ils étaient juifs. Sur mes cahiers d’écolier Sur mon pupitre et les arbres Sur le sable sur la neige J’écris ton nom… LIBERTÉ Paul Éluard, Liberté, 1942 PROLOGUE Septembre 1945 Comme chaque jour, à la même heure, six heures quarante cinq, elle arrive au domicile de ses patrons. C’est une jeune femme de vingt-cinq ans, employée comme bonne à tout faire, et elle fait vraiment tout : en plus du ménage, de la cuisine, du linge, elle doit veiller sur sa patronne qui n’a plus toute sa tête, depuis que, prise sous un bombardement, lui a-t-on dit, elle a perdu la raison. Il y a aussi un bébé de six mois, Alexandre, qui demande beaucoup de soins. Mais elle se plaît bien dans ce rôle et, du matin au soir, en l’absence du mari, elle est seule à diriger la maisonnée.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 19 juin 2014
Nombre de lectures 68
EAN13 9782819503620
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Michel Brunel
Hannah, le prix de la liberté
Coup de cœur d' Eliette Abecassis - Prix 2014
Roman
Éditions Les Nouveaux Auteurs
16, rue d’Orchampt 75018 Paris www.lesnouveauxauteurs.com
ÉDITIONS PRISMA
13, rue Henri-Barbusse 92624 Gennevilliers Cedex www.editions-prisma.com
Copyright © 2014 Éditions Les Nouveaux Auteurs — Prisma Média
Tous droits réservés
ISBN : 978-2-8195-03620
Je dédie cette histoire à tous ceux qui ont eu à souffrir de la barbarie nazie et, en particulier, Myriam, sept ans, Arieh, cinq ans, Gabriel, quatre ans, et Jonathan, trente ans, lâchement assassinés par un terroriste islamiste à Toulouse le 19 mars 2012 parce qu’ils étaient juifs.
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J’écris ton nom…
LIBERTÉ
Paul Éluard, Liberté, 1942
PROLOGUE

Septembre 1945
Comme chaque jour, à la même heure, six heures quarante cinq, elle arrive au domicile de ses patrons.
C’est une jeune femme de vingt-cinq ans, employée comme bonne à tout faire, et elle fait vraiment tout : en plus du ménage, de la cuisine, du linge, elle doit veiller sur sa patronne qui n’a plus toute sa tête, depuis que, prise sous un bombardement, lui a-t-on dit, elle a perdu la raison. Il y a aussi un bébé de six mois, Alexandre, qui demande beaucoup de soins.
Mais elle se plaît bien dans ce rôle et, du matin au soir, en l’absence du mari, elle est seule à diriger la maisonnée.
Son travail est d’importance, tout repose sur elle, mais on a confiance, ce qui la motive. Petit à petit, elle s’est prise d’affection pour sa jeune maîtresse qui a son âge, est si jolie mais vit dans un monde à part, à elle, où l’on ne peut entrer, dont on ignore tout. Il y a aussi le petit Alexandre à qui elle sert de mère, alors qu’ils se désespèrent, avec Antoine, son mari, de ne pas en avoir au bout de trois ans de mariage. Et puis, elle n’aurait jamais espéré un si bon salaire, mérité toutefois, se dit-elle.
En bas de l’immeuble, elle sonne plusieurs fois. Elle va pour sortir sa clef lorsque, par réflexe, elle tourne la poignée et s’étonne, contrairement à l’habitude, de constater que la porte n’est pas fermée.
Avant de monter à l’étage, elle appelle :
—  Monsieur ! Monsieur ! C’est moi…
Nulle réponse mais elle entend pleurer le bébé pourtant si sage. Inquiète, elle grimpe rapidement l’escalier, ouvre la porte du vestibule puis celle de la chambre du petite Alexandre qu’elle prend dans ses bras, et berce doucement pour le calmer.
Le bercer ne calme pas le petit Alexandre, les bébés sont comme des oisillons, s’ils ne mangent pas de quelques heures, ils piaillent sans cesse et meurent rapidement.
—  Mais qu’as-tu, mon chéri ? Mon Dieu, Papa a oublié ton premier biberon ?
Elle cale le petit sur son bras gauche, saisit la bouteille de lait, en remplit le biberon puis verse son contenu dans une casserole qu’elle place sur la cuisinière à gaz, mais elle a du mal avec le bébé dans les bras à gratter une allumette et allumer le feu. Trois minutes plus tard, elle confectionne le biberon, ajoute la Blédine, agite le tout. Elle fait gicler quelques gouttes sur son poignet et, satisfaite de la température, elle glisse la tétine entre les lèvres du nourrisson.
Le petit Alexandre l’aspire aussitôt et se met à téter si goulûment que le liquide inonde sa bouche et, en toussant, il en asperge sa nounou.
—  Mon Dieu, quel appétit, quelle faim de loup, mon petit chéri.
Avant qu’il ne se remette à pleurer, elle lui redonne le biberon et lui parle doucement :
—  Allons, Alex, ne t’énerve pas, bois ton lait gentiment…
Le biberon terminé, elle relève un peu l’enfant sur son épaule et lui tapote le dos. Le bébé émet un rot sonore plein de satisfaction. Elle le replace dans son petit lit.
—  Allons, je vais voir ce que font tes parents.
Après avoir frappé discrètement plusieurs fois, elle entrouvre la porte de la chambre de ses patrons.
Une terrible impression l’envahit, à lui couper le souffle. La jeune femme, découverte, gît sur le dos, les yeux ouverts fixant le plafond. Son mari, sur le côté, lui couvre à demi le corps, son bras gauche la serrant contre lui.
Avec l’enfant qui ne pleure plus, elle redescend l’escalier, sort à l’extérieur pour entrer dans l’épicerie d’à côté, où bien souvent, pour les courses, elle change ses tickets d’alimentation.
Ils sont là, les commerçants, dans le désordre et la senteur des fûts remplis d’olives baignant dans leur jus, des caisses ouvertes de harengs séchés aux yeux étonnés, au milieu des boîtes de conserve, des bacs contenant les haricots blancs, les lentilles sombres, les verts pois cassés, contre le mur un grand bidon de lait avec sa mesure et au plafond les tranquilles toiles d’araignée.
Pendant qu’on fait asseoir la jeune femme et qu’on lui enlève le bébé, elle dit :
—  Vite, monsieur Destrès, montez chez mes patrons, ils sont encore couchés, je ne sais ce qui se passe.
L’épicier sorti, son épouse, interloquée, pose mille questions à la nounou.
—  Mais enfin, qu’as-tu vu, Antoinette, qu’est-ce qui te bouleverse ainsi ?
—  Je ne sais pas, madame, je les ai vus, encore enlacés dans le lit et ils n’ont pas bougé lorsque j’ai ouvert la porte.
—  Mais nigaude, ils ont eu une nuit agitée et ils s’offrent une grasse matinée.
—  Mais le petit Alexandre pleurait, ils auraient dû l’entendre !
À ce moment, l’épicier revient, la mine sombre :
—  Vite, Germaine, téléphone au docteur Fouché, qu’il vienne ici, rapidement, pour une urgence.
Mais enfin, que se passe-t-il là-haut ?
Mars 1938
Les troupes allemandes entrent en Autriche, applaudies par la population.
En France, on rappelle sous les drapeaux cent mille hommes qui s’installent sur la ligne Maginot.
 
Septembre 1938
Au congrès de Nuremberg, Hitler affirme qu’il ne reculera pas devant la Tchécoslovaquie, ni la France et ni l’Angleterre.
 
24 septembre 1938
Ordre de rappel en France de un million cent mille hommes. La guerre paraît de plus en plus inévitable.
 
Novembre 1938
En Allemagne, violentes manifestations contre les Juifs. Leurs commerces sont pillés, les synagogues incendiées.
 
5 février 1939
Les dix à douze millions de Juifs dispersés en Allemagne et en Europe sont dorénavant considérés comme les ennemis héréditaires de la Grande Allemagne. Les bourgmestres devront les chasser de la vie civique, des affaires et des professions libérales. Un des buts du Troisième Reich sera l’élimination, l’éradication de la race juive sur son territoire.
(Directive codée ultrasecrète d’Hitler interceptée et déchiffrée par le sergent Philippe Lamour [LMR])
 
6 février 1939
Hitler aurait confié à des proches que la Tchécoslovaquie serait très prochainement rattachée à la Grande Allemagne. Les troupes massées à la frontière n’attendraient que l’ordre d’une invasion possible avant le 15 mars.
21 avril 1939
 
Sept heures quarante-cinq, Hannah Berstein pédale allègrement juchée sur sa bicyclette « Hirondelle », cadeau à l’occasion du déjà lointain certificat d’études. La nuit avait été courte. Élève infirmière en dernière année, elle avait dû assurer la veille, une garde tardive qui s’était terminée à deux heures. Quand le petit réveil posé sur sa table de chevet avait sonné six heures et trente minutes, elle ne fit que dire « zut, zut et rezut ! » les yeux toujours englués par le sommeil. Elle s’accorda quelques minutes puis alluma la lumière du plafond par peur de se rendormir. Elle se leva et s’étira. Quand je serai chez moi, les jours de repos, je fais le serment de dormir jusqu’à midi !  pensa-t-elle. En souriant à cette vague promesse qui embellissait un avenir encore incertain, elle fit une toilette brève mais minutieuse, avala deux biscottes avec son café puis, sans bruit, pour ne pas déranger ses parents, elle descendit l’escalier, saisit son vélo, ferma la porte et partit pour une nouvelle journée d’école et de travail à l’hôpital Lariboisière de Rouen.
Sur le boulevard Malesherbes, un léger vent de face et sa propre vitesse font onduler sa belle chevelure d’un châtain naturel. À dix-neuf ans, parfaitement équilibrée sur sa machine et dans sa vie, elle se sent libre et sourit. Elle sourit dès qu’elle quitte le toit familial et s’échappe de la morosité ambiante : un père dont l’autorité frise la tyrannie et une mère tellement triste de soumission qu’elle ne se souvient même plus de sa dernière joie, de son dernier plaisir.
Mes parents, se disait-elle, sont des gens sérieux qui ne s’accordent jamais ce qui rend la vie belle, ces petites choses, la musique autre que la difficile musique de chambre, le cinéma ou le théâtre, et, au quotidien, les plaisanteries, l’humour, les menus plaisirs, les petits cadeaux… L’austérité, la rigueur sont leurs maîtres mots qui ne me conviennent pas car, à l’inverse, je veux bouger, aimer, aimer la vie. Mon père, membre de l’Institut et de plusieurs organisations scientifiques, officier de la Légion d’honneur, s’est toujours comporté ainsi, ne pensant pas à sa fille. Et ma pauvre maman, subjuguée par un époux si glorieux, ne songe pas une seule seconde à le contrarier, à contester ses décisions. Et ces prières, cette religion que je suis arrivée à rejeter totalement…
Mais elle pense, la jeune fille, que sa dernière année d’études se déroule au mieux. À la fin du mois de juin, après les contrôles, elle devrait recevoir son diplôme. À elle, alors, de s’investir dans sa vie professionnelle et dans sa vie de femme. La vraie vie va commencer, se répète-t-elle depuis des mois. Son père croit qu’ensuite elle poursuivra par une première année de médecine. C’est un ambitieux. Hannah est fermement décidée à s’en tenir là. Je m’éloignerai de Rouen, de la dépendance à mes parents, j’irai au loin, dans le Sud ou bien en Afrique. Son rêve. Elle s’y voit à Bobo-Dioulasso, en blouse blanche, soignant de petits Noirs aux yeux rieurs et pleins de reconnaissance. Les jours de congé, partir en brousse ou dans la savane, rire au spectacle des familles de si

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents