L Exil des Aschkenazy
210 pages
Français

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L'Exil des Aschkenazy , livre ebook

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Description

Aujourd'hui, la Galicie est une petite province à l'ouest de l’Ukraine, autour de la ville de Lvov. Jusqu'en 1918, elle constituait la frontière nord de l'empire austro-hongrois. Une importante communauté juive y vivait paisiblement. Parmi elle, la famille Aschkenazy composée des parents, de deux fils et de trois filles.

Cet ouvrage raconte leur histoire à travers deux guerres mondiales qui ont bouleversé le monde. À l'issue de ces deux cataclysmes, pratiquement aucun membre de cette famille ne vivait plus en Galicie, ils avaient tous émigré pour trouver un meilleur avenir...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414127641
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0060€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-12762-7

© Edilivre, 2017
1914
Dans le grand jardin, l’ombre fraiche d’un grand chêne offre un refuge contre la chaleur torride de ce mois de juillet aux nombreux convives réunis autour de la longue table recouverte d’une nappe blanche. Les conversations roulent, ponctuées d’éclats de rires et d’embrassades affectueuses. La gaîté d’une réunion de famille, animée, tendre et agitée, comme toutes les autres réunions de famille. Leo Aschkenazy est assis au bout de la longue table. Il rayonne de bonheur aujourd’hui, car ils sont tous assemblés autour de lui pour fêter son anniversaire.
Les conversations bruyantes s’entrecroisent dans un brouhaha incessant, dans un mélange confus d’allemand, de yiddish et de polonais, à l’image de ce coin de terre où se croisent tant de cultures différentes. La famille Aschkenazy vit depuis des décennies à Przemysl, une petite ville située en Galicie, aux confins de l’empire austro-hongrois. Cette petite ville abrite une population catholique de langue polonaise, une communauté juive assez importante et une nombreuse administration autrichienne, surtout militaire. Car Przemysl est une ville de garnison défendant la frontière russe très proche. En 1914 l’empire autrichien s’étend jusque-là et il n’existe plus de Pologne depuis le troisième partage de cette nation en 1795.
Leo inspire physiquement le respect : sa tête massive et carrée s’orne d’un nez droit et fort, d’un haut front surmonté de cheveux blond-roux mêlés de blanc coiffés en brosse, d’une moustache drue aux pointes légèrement relevées, à la mode autrichienne, et de grands yeux bruns, qui peuvent exprimer toutes les gammes de sentiments, de l’autorité la plus ferme jusqu’à la tendresse paternelle la plus douce. Leo n’est pas très grand, mais son corps massif et puissant, ses larges épaules et sas jambes solides en imposent à tous ses interlocuteurs. Comme tous les jours, mais peut-être plus particulièrement en ce jour de fête de famille, Leo est très élégant : il est vêtu d’une redingote gris clair d’une étoffe fine et légère, d’un gilet croisé en soie et d’une cravate aux tons rouge et ocre. Son pantalon sombre tombe impeccablement sur des bottines noires recouvertes de guêtres blanches immaculées.
Le physique de Leo lui sert dans l’exercice de sa profession parfois difficile. Notamment lorsqu’il faut rappeler des créanciers indélicats au respect des signatures et des échéances. Car Leo est banquier, un banquier réputé de la petite ville de Przemysl. Pas un employé de banque, pas un clerc ou un fondé de pouvoirs : il est son propre maitre, de sa propre banque avec ses propres capitaux. S’il gagne de l’argent sur les prêts qu’il consent, il accroit son capital et s’il en perd du fait de créanciers insolvables, il assume seul les pertes. Ce métier l’a conduit à aiguiser son jugement des affaires en général et des êtres humains en particulier et à inspirer une autorité paisible, mais qui ne souffre pas la discussion. Leo compte entre autres dans sa clientèle tous les industriels, commerçants et artisans juifs, une communauté prospère.
Son épouse Mina lui fait face à l’autre bout de la table et il ne se lasse pas de l’observer derrière ses paupières plissées. Elle est si belle et si fière de la famille qu’elle a fondée avec lui, une famille heureuse !
Mina est ce qu’on appelle une maitresse femme. Avec le temps et de nombreuses grossesses, sa ligne s’est alourdie, mais son doux visage encadré de beaux cheveux gris drus et abondants, soigneusement coiffés en un chignon serré sur la nuque inspire toujours la force paisible et l’amour dont elle a constamment fait preuve à ses côtés depuis plus de trente ans de mariage. En cette chaude journée d’été elle porte une robe de cotonnade blanche à broderies qui lui rappelle leur mariage à Iaroslav en 1877. Mina lui a donné cinq beaux enfants qui font leur fierté. Elle lui a aussi apporté un confort matériel, auquel il ne pouvait prétendre dans sa jeunesse : Mina vient d’une famille riche, les Libermann, propriétaires de puits de pétrole en Ukraine et sa dot était confortable. Un des frères de Mina est un des espoirs de la haute administration et nombreux sont ceux qui promettent à ce libéral démocrate un avenir politique brillant (il sera membre du gouvernement polonais en exil à Londres plus tard).
Ayant longuement observé son épouse, la tête pleine de souvenirs, le regard de Leo fait ensuite le tour de la tablée. Sur sa droite, son regard croise celui de sa fille aînée, Mania, engagée dans une discussion animée avec son frère. Mania est une grande jeune femme rousse à la silhouette pleine, aux joues rondes, aux grands yeux d’un bleu foncé presque noir. Elle est douée d’une autorité naturelle dont elle use avec douceur, notamment dans son rôle d’aînée des enfants. Elle a épousé récemment un allemand et vit désormais à Berlin. Ils ont tous les deux fait le voyage en train pour cette réunion de famille.
Son mari est à son côté, car on ne sépare pas les jeunes époux dans la première année de leur union. Un jeune homme tout en rondeurs, tant sur le plan physique que moral : un visage un peu poupin, orné de grands yeux noirs rieurs et d’une fine moustache, Paul Stern est toujours souriant, a toujours le mot pour rire. Et surtout sa gentillesse et sa générosité ont conquis toute la famille. Paul a la chance d’être l’héritier d’une famille prospère. Il a hérité des entreprises de minoterie en Silésie de son père, ainsi que de plusieurs propriétés confortables à Berlin et dans les environs et d’une collection d’œuvres de peintres français.
Puis son regard glisse vers la voisine de Paul, sa fille cadette Lucia. Lucia ne ressemble pas à sa sœur aînée et Leo se demande distraitement pourquoi : Lucia est brune avec de longs cheveux repliés en bandeaux autour de son visage long et mince. Elle ne sourit pas souvent mais tous connaissent, derrière son sérieux, sa grande gentillesse. Lucia est encore célibataire et vit avec ses parents à Przemysl.
Le regard de Leo glisse ensuite sur sa gauche. Sa fille dernière née, Sonia, est plongée dans une conversation animée avec son voisin, son frère Marcel. Leo et Mina pensent toujours avec tendresse à Sonia : ils l’ont ainsi prénommée en raison des difficultés rencontrées par Mina lors de sa dernière grossesse. Cette vie qu’ils avaient voulu donner une fois de plus et qui avait bien failli emporter celle de Mina. Sonia est mince, petite, vive et tranchante. Son visage mince, orné de cheveux bruns coupés courts presque à la garçonne, est animé par des yeux noirs qui crachent souvent le feu, au gré des humeurs de son tempérament de braise. Sonia vit aussi à Przemysl avec ses parents.
Aux deux côtés de Mina siègent les deux fils de Leo : Marcel, qui vient d’achever des études d’ingénieur à la faculté de Lvov. Marcel est calme, réfléchi, toujours rationnel, d’une solidité éprouvée qui fera de lui le pivot de cette famille pour un temps. Cette apparence sereine cache des convictions ardentes : à l’université, Marcel a rejoint les esprits les plus progressistes de sa génération. Il est devenu un fervent patriote polonais. Il désire de tous ses vœux qu’un nouvel état polonais voie le jour et que sa « patrie » soit ainsi délivrée de l’occupation autrichienne. Et cette nouvelle patrie polonaise, il ne la conçoit pas sur un autre modèle que socialiste !
A la gauche de Mina, Dollek, le fils cadet de la famille, fait du charme à toute la tablée comme à son habitude. Dollek est un surnom, il a été baptisé Abraham. Mina l’a placé à sa droite car c’est la place qu’il occupe dans son cœur. Dollek dans l’esprit de sa mère est « beau comme Dieu » ! Sa haute stature, son corps mince et athlétique, en imposent à tous. Son visage encore juvénile est d’un ovale parfait. Son menton est volontaire, orné d’une fine fossette en son milieu. Sa peau mate est lisse et parfaite, ses grands yeux noirs surmontés de paupières lourdes et de sourcils d’un dessin délicat, sont chargés de sensualité. Ses cheveux noirs, drus, épais, qu’il coiffe en arrière parfaitement séparés par une raie. Depuis l’adolescence, Dollek enflamme le cœur des jeunes filles de son âge comme celui des femmes plus mûres. Il sait rester discret sur ses conquêtes mais adore séduire, à commencer par sa mère naturellement. Mais Dollek n’aura jamais la solidité de caractère de son frère Marcel…
Dollek et Marcel sont en uniforme de l’armée autrichienne. Ils ont été mobilisés depuis peu. Ils ont fière allure dans leur vareuse gris clair à col monté, leur culotte de cavalier et leurs bottes noires rutilantes.
Malgré le bonheur de se retrouver en famille, Leo ressent une sourde inquiétude au fond de lui-même. Il ne parvient pas vraiment à partager la gaité de ses enfants et de ses gendres. Le fait de voir ses fils en uniforme n’y est pas pour rien. Car la guerre menace : l’armée autrichienne a commencé à mobiliser. Pour le moment on ne parle encore que d’une opération punitive contre la Serbie, coupable aux yeux de l’administration impériale d’avoir fomenté l’assassinat le 28 juin dernier de l’archiduc François-Ferdinand, l’héritier de la couronne impériale autrichienne.
A l’annonce de l’évènement, Leo avait d’abord eu une réaction de compassion, de père. Il avait compris et partagé la peine du vieil empereur François-Joseph, la meurtrissure d’un vieil homme qui perd un neveu après avoir perdu un fils. Il avait perçu le désarroi de cet homme qui n’avait jamais pu tourner la page nouvelle du vingtième siècle, de ce vieillard qui vivait encore dans les fastes et les traditions d’un dix-neuvième siècle si brillant et à qui un entourage obséquieux

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