La comtesse de Charny
623 pages
Français

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La comtesse de Charny , livre ebook

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Description

Alexandre Dumas (1802-1870)



"Les deux hommes, en se trouvant tête à tête, se regardèrent un instant sans que le regard du gentilhomme pût faire baisser les yeux à l’homme du peuple.


Il y a plus, ce fut Billot qui prit le premier la parole.


– Monsieur le comte m’a fait l’honneur de m’annoncer qu’il avait quelque chose à me dire. J’attends qu’il veuille bien parler.


– Billot, demanda Charny, d’où vient que je vous rencontre ici chargé d’une mission de vengeance ? Je vous croyais notre ami, à nous autres nobles, et, en outre, bon et fidèle sujet du roi.


– J’ai été bon et fidèle sujet du roi, monsieur le comte ; j’ai été, non pas votre ami, un pareil honneur n’était pas réservé à un pauvre fermier comme moi ; mais j’ai été votre humble serviteur.


– Eh bien ?


– Eh bien ! monsieur le comte, vous le voyez, je ne suis plus rien de tout cela.


– Je ne vous comprends pas, Billot."


– Pourquoi vouloir me comprendre, monsieur le comte ?"



4e et dernier roman des "Mémoires d'un médecin"


Tome III


Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 12 janvier 2023
Nombre de lectures 0
EAN13 9782384421800
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mémoires d’un médecin
IV


La comtesse de Charny

Tome III


Alexandre Dumas


Janvier 2023
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-38442-180-0
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 1178
XCVI
La haine d’un homme du peuple

Les deux hommes, en se trouvant tête à tête, se regardèrent un instant sans que le regard du gentilhomme pût faire baisser les yeux à l’homme du peuple.
Il y a plus, ce fut Billot qui prit le premier la parole.
– Monsieur le comte m’a fait l’honneur de m’annoncer qu’il avait quelque chose à me dire. J’attends qu’il veuille bien parler.
– Billot, demanda Charny, d’où vient que je vous rencontre ici chargé d’une mission de vengeance ? Je vous croyais notre ami, à nous autres nobles, et, en outre, bon et fidèle sujet du roi.
– J’ai été bon et fidèle sujet du roi, monsieur le comte ; j’ai été, non pas votre ami, un pareil honneur n’était pas réservé à un pauvre fermier comme moi ; mais j’ai été votre humble serviteur.
– Eh bien ?
– Eh bien ! monsieur le comte, vous le voyez, je ne suis plus rien de tout cela.
– Je ne vous comprends pas, Billot.
– Pourquoi vouloir me comprendre, monsieur le comte ? Est-ce que je vous demande, moi, les causes de votre fidélité au roi, les causes de votre dévouement à la reine ? Non, je présume que vous avez vos raisons pour agir ainsi, et que, comme vous êtes, vous, un homme honnête et sage, vos raisons sont bonnes, ou tout au moins selon votre conscience. Je n’ai pas votre haute position, monsieur le comte, je n’ai pas votre savoir ; cependant, vous me connaissez ou m’avez connu homme honnête et sage aussi ! Supposez donc que, comme vous, j’ai mes raisons, sinon bonnes, du moins selon ma conscience.
– Billot, dit Charny, qui ignorait complètement les motifs de haine que le fermier pouvait avoir contre la noblesse ou la royauté, je vous ai connu, et il n’y a pas longtemps de cela, bien autrement que vous n’êtes aujourd’hui.
– Oh ! certes, je ne le nie pas, dit Billot avec un sourire amer, oui, vous m’avez connu bien autrement que je ne suis ; je vais vous dire comme j’étais, monsieur le comte : j’étais un vrai patriote, dévoué à deux hommes et à une chose : ces deux hommes, c’étaient le roi et M. Gilbert ; cette chose, c’était mon pays. Un jour, les agents du roi – et, je vous l’avoue, dit le fermier en secouant la tête, cela commença à me brouiller avec lui – un jour, les agents du roi vinrent chez moi, et, moitié par force, moitié par surprise, m’enlevèrent une cassette, dépôt précieux qui m’avait été confié par M. Gilbert. Aussitôt libre, je partis pour Paris ; j’y arrivai le 13 juillet au soir ; c’était au milieu de l’émeute des bustes de M. le duc d’Orléans et de M. Necker ; on portait ces bustes par les rues en criant : « Vive le duc d’Orléans ! Vive M. Necker ! » Cela ne faisait pas grand mal au roi, et, cependant, tout à coup, les soldats du roi nous chargèrent. Je vis de pauvres diables qui n’avaient commis d’autre crime que de crier vivent deux hommes qu’ils ne connaissaient probablement pas, tomber, autour de moi, les uns la tête fendue par des coups de sabre, les autres, la poitrine trouée par des balles ; je vis M. de Lambesc, un ami du roi, poursuivre dans les Tuileries des femmes et des enfants qui n’avaient rien crié du tout, et fouler aux pieds de son cheval un vieillard de soixante et dix ans. Cela continua de me brouiller un peu plus encore avec le roi. Le lendemain, je me présentai à la pension du petit Sébastien, et j’appris par le pauvre enfant que son père était à la Bastille, sur un ordre du roi sollicité par une dame de la Cour ! Et je continuai de me dire, à part moi, que le roi qu’on prétendait si bon avait, au milieu de cette bonté, de grands moments d’erreur, d’ignorance ou d’oubli, et, pour réformer, autant qu’il était en moi, une des fautes que le roi avait commises dans un de ces moments d’oubli, d’ignorance ou d’erreur, je contribuai de tout mon pouvoir à prendre la Bastille. Nous y arrivâmes – ce ne fut pas sans peine ; les soldats du roi tirèrent sur nous, nous tuèrent deux cents hommes, à peu près ; ce qui me donna de nouveau occasion de n’être pas de l’avis de tout le monde sur cette grande bonté du roi ; mais, enfin, la Bastille fut prise : dans un des cachots, je trouvai M. Gilbert, pour lequel je venais de risquer de me faire tuer vingt fois, et la joie de le retrouver me fit oublier bien des choses. D’ailleurs, M. Gilbert me dit tout le premier que le roi était bon, qu’il ignorait la plupart des indignités qui se faisaient en son nom, et que ce n’était pas à lui qu’il fallait en vouloir, que c’était à ses ministres ; or, comme tout ce que me disait M. Gilbert à cette époque était pour moi parole d’évangile, je crus M. Gilbert, et, voyant la Bastille prise, M. Gilbert libre, et Pitou et moi sains et saufs, j’oubliai les fusillades de la rue Saint-Honoré, les charges des Tuileries, les cent cinquante ou deux cents hommes tués par la musette de M. le prince de Saxe, et l’emprisonnement de M. Gilbert sur la simple demande d’une dame de la Cour... Mais pardon ! monsieur le comte, dit Billot en s’interrompant, tout cela ne vous regarde point, et vous ne m’avez pas demandé à me parler en tête à tête pour écouter les rabâchages d’un pauvre paysan sans éducation ; vous êtes à la fois un grand seigneur et un savant.
Et Billot fit un mouvement pour porter la main à la serrure, et rentrer dans la chambre du roi.
Mais Charny l’arrêta.
Pour l’arrêter, Charny avait deux raisons :
La première, c’est qu’il apprenait les causes de cette inimitié de Billot, qui, dans une pareille situation, n’était pas sans importance ; la seconde, c’est qu’il gagnait du temps.
– Non ! dit-il, racontez-moi tout, mon cher Billot ; vous savez l’amitié que nous vous portons, mes pauvres frères et moi, et ce que vous me dites m’intéresse au plus haut degré.
À ces mots : mes pauvres frères ! Billot sourit amèrement.
– Eh bien donc, reprit-il, je vais tout vous conter, monsieur de Charny, et je regrette que vos pauvres frères... un surtout... M. Isidore, ne soient pas là pour m’entendre.
Billot avait prononcé ces paroles : un surtout, M. Isidore, avec une si singulière expression, que Charny comprima le mouvement de douleur que le nom de son frère bien-aimé éveillait dans son âme, et, sans rien répondre à Billot, qui ignorait visiblement le malheur arrivé à ce frère de Charny dont il désirait la présence, il lui fit signe de continuer.
Billot continua :
– Aussi, dit-il, quand le roi se mit en route pour Paris, je ne vis qu’un père revenant au milieu de ses enfants. Je marchais avec M. Gilbert près de la voiture royale, faisant à ceux qu’elle renfermait un rempart de mon corps, et criant : « Vive le roi ! » à tue-tête. C’était le premier voyage du roi, celui-là ; il y avait tout autour de lui, devant, derrière, sur sa route, sous les pieds de ses chevaux, sous les roues de sa voiture, des bénédictions et des fleurs. En arrivant sur la place de l’Hôtel de Ville, on s’aperçut que le roi n’avait plus la cocarde blanche, mais qu’il n’avait pas encore la cocarde tricolore ; on cria : « La cocarde ! la cocarde ! » Je pris celle qui était à mon chapeau, et la lui donnai ; il me remercia, et la mit au sien aux grandes acclamations de la foule. J’étais ivre de joie de voir ma cocarde au chapeau de ce bon roi ; aussi je criai à moi seul « Vive le roi ! » plus fort que tout le monde ; j’en étais si enthousiaste, de ce bon roi, que je restai à Paris. Ma moisson était sur pied, et avait besoin de ma présence ; mais bah ! que m’importait ma moisson ? J’étais bien assez riche pour perdre une récolte, et, si ma présence était utile en quelque chose à ce bon roi, au père du peuple, au restaurateur de la liberté française, comme, nous autres niais, nous l’appelions à cette époque-là, mieux valait que je restasse à Paris, bien certainement, plutôt que de retourner à Pisseleu ; ma moisson, que j’avais confiée aux soins de Catherine, fut à peu près perdue ! – Catherine avait, à ce qu’il paraît, autre chose à faire que la moisson... N’en parlons plus ! – Cependant, on disait que ce n’était pas bien franchement que le roi acceptait la Révolution ; qu’il y marchait contraint et forcé ; que c’était, non pas la cocarde tricolore qu’il aurait voulu porter à son chapeau, mais la cocarde blanche. Ceux qui disaient cela étaient des calomniateurs, ce qui fut bien prouvé par le repas de MM. les gardes du corps, où la reine ne mit ni la cocarde tricolore, ni la cocarde blanche, ni la cocarde nationale, ni la cocarde française ! mais simplement la cocarde de son frère Joseph II, la cocarde autrichienne, la cocarde noire. Ah ! je l’avoue, cette fois, mon doute recommença ; mais, comme me le disait M. Gilbert : « Billot, ce n’est pas le roi qui a fait cela, c’est la reine ; or, la reine est une femme, et, pour les femmes, il faut être indulgent ! » Moi, je le crus si bien, que, lorsqu’on vint de Paris pour attaquer le château, quoique je trouvasse, au fond du cœur, que ceux qui venaient pour attaquer le château n’avaient pas tout à fait tort, je me mis du côté de ceux qui le défendaient ; de sorte que ce fut moi qui allai éveiller M. de La Fayette, lequel dormait, pauvre cher homme ! que c’était une bénédiction, et qui l’amenai au château, juste à temps pour sauver le roi. Ah ! ce jour-là je vis Madame Élisabeth serrer dans ses bras M. de La Fayette ; je vis la reine lui donner sa main à baiser ; j’entendis le roi l’appeler son ami, et je me dis : « Par ma foi, il paraît que c’est M. Gilbert qui avait raison ! Certainement, ce n’est point par peur qu’un roi, une reine et une princesse royale font de telles démonstrations, et, si elles ne partageaient pas les opinions de cet homme, de quelque utilité que cet homme puisse leur être dans ce moment, trois personnages pareils ne s’abaisseraient pas à mentir. » Cette fois encore, j’en revins donc à plaindre cette pauvre reine, qui n’était qu’imprudente, et ce pauvre roi, qui n’était que f

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