La Force de Coriolis
236 pages
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La Force de Coriolis , livre ebook

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Description

Kigali, septembre 1993. Clarisse, jeune infirmière tutsie, rêve de partir en Amérique, loin de la guerre qui gronde aux portes de la ville. Vincent et Marie-Hélène s’adaptent difficilement à leur nouvelle vie de coopérants, malgré la bienveillance de Xavier, conseiller culturel à l’ambassade de France. Et Faustin, cadre hutu ambitieux, cherche à concilier ses attaches ethniques et sa culture occidentale. Autour d’eux, les conditions du génocide se mettent en place, dans l’apparente indifférence des instances internationales et des puissances étrangères. Aucun des protagonistes ne sortira indemne du drame qui se noue et qui constituera, par son ampleur, un des épisodes les plus tragiques du XXème siècle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 07 mars 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782414034741
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0067€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-03472-7

© Edilivre, 2017
Avertissement
Cette histoire – qui se déroule au Rwanda – est une œuvre de fiction, dont les principaux protagonistes sont des personnages imaginaires. Seul le contexte historique dans lequel elle se déroule est tragiquement exact. Le génocide rwandais a fait 800 000 victimes, pour l’essentiel Tutsis ou Hutus modérés.
Chapitre 1
L’aéroport de Kigali ressemblait à tous les aéroports du monde, au détail près qu’il pleuvait dans le grand hall central et que le voyageur égaré devait naviguer au milieu des mares d’eau et des bâches posées à même le sol. À son inauguration – vieille de moins de trois ans – l’édifice devait symboliser les ambitions du régime en place. Au fil des mois il était devenu l’exemple le plus probant de la déliquescence de l’administration locale. Les piliers se fissuraient, les dalles du toit se soulevaient par gros vent, et une odeur nauséabonde émanait des toilettes sans que l’on puisse la juguler. Le tableau n’aurait pas été complet si on n’y avait ajouté le spectacle des hommes en armes de toutes catégories qui déambulaient dans le hall, dévisageant les passagers avec un mélange de morgue et de curiosité villageoise qui faisait froid dans le dos. Seules les familles endimanchées qui accompagnaient l’un des leurs pour le grand voyage en Europe et la noria de petits métiers qu’engendraient immanquablement les dysfonctionnements de l’aéroport donnaient à l’endroit un peu d’humanité.
Ils appelaient cela entre eux la corvée : tout le monde y était soumis – à l’exception du chef de mission – quelques semaines par an. Aller chercher le nouveau coopérant qui avait le mauvais goût d’arriver un samedi ou un dimanche, le conduire à son hôtel, lui indiquer les multiples procédures à suivre et lui brosser la situation politique et économique du pays. Chacun s’acquittait de cette tâche avec plus ou moins de conviction, se contentant du service minimum ou poussant la convivialité jusqu’à inviter l’impétrant à son domicile et à le saouler de conseils et de mises en garde pour la plupart inutiles. Cases, lui, cherchait à faire la chose avec le maximum de professionnalisme, n’omettant rien de ce qui devait être dit, mais se refusant à toute connivence avec des personnes qui se révélaient à ses yeux la plupart du temps médiocres. Et il ne lui serait jamais venu à l’idée d’inviter l’un de ces nouveaux venus et de prendre un verre en sa compagnie !
Par excès de conscience professionnelle, Cases avait apporté le dossier de Delannoy chez lui, et il en feuilletait distraitement les pages en écoutant un disque de Cesaria Evora. Il reconnut sans difficulté les petites notes blanches, sans en-tête et sans signature, qu’affectionnaient les renseignements généraux :
« DELANNOY Vincent, né le 13 août 1968 à Courbevoie (Hauts-de-Seine). Profession du père : ouvrier typographe. Profession de la mère : correctrice dans une maison d’édition. Études secondaires au lycée Paul Lapie de Courbevoie. Classe préparatoire au lycée Chaptal. École nationale supérieure des arts et métiers, option ingénierie informatique. Parents sympathisants communistes, mais pas d’engagement politique connu en ce qui le concerne. S’est opposé violemment dans son école à la pratique de « l’usinage ». Champion universitaire de tennis et de handball. A épousé cathodiquement le 9 juillet 1993 Mlle Marie-Hélène Prieur de La Combe. Sans enfants ».
Cases sourit à la faute de frappe. La présence de cette fiche était inhabituelle dans le dossier d’un volontaire du service national, sans doute l’œuvre d’un membre zélé du ministère. En revanche, Cases s’attarda sur la description du poste que devait occuper Delannoy : informaticien au ministère de l’Éducation, avec comme objectif la gestion centralisée du personnel et de la paye. Le chef de mission avait classé le poste en A, signe de l’intérêt qu’il portait au projet. Cases eut une moue dubitative : dans un pays en guerre, la paye des enseignants était un luxe. De plus, rien ne disait que la durée de vie de ce régime excéderait quelques mois !
Cases le reconnut du premier coup d’œil : la photographie de son dossier ne l’avait pas trahi. Grand, mince, l’allure sportive, l’air déterminé, le jeune homme regardait la scène avec un sourire amusé, presque goguenard. Sa jeune épouse donnait en revanche des signes évidents d’inquiétude, avec un chemisier blanc froissé et de longs cheveux blonds défaits, se défendant comme elle le pouvait des mains inopportunes qui cherchaient à lui arracher ses bagages et à l’entraîner vers un taxi. On la sentait prête à rebrousser chemin vers le bureau de douane, vouant sans doute son jeune mari aux gémonies pour l’avoir engagée dans une telle aventure. D’un geste protecteur, Delannoy la prit par les épaules et parvint à dégager un chemin vers la sortie. Incontestablement, ils formaient un beau couple. Cependant, à leurs visages angéliques, Xavier Cases eut la certitude qu’ils portaient le malheur avec eux.
Quand Delannoy aperçut Cases, il le héla avec une désinvolture qui stupéfia le conseiller culturel.
– C’est vous, le type de l’ambassade ? Ce n’est pas trop tôt, j’ai cru qu’on allait y laisser notre peau…
Cases eut un sourire indulgent et prit une des valises de la jeune femme, se promettant de donner un jour une leçon à l’impertinent. La 504 était garée dans le parking des personnalités officielles, ce qui évitait au conseiller culturel de donner la pièce à un gamin. Non que Cases fût particulièrement pingre ! Mais il pensait que la place des enfants était sur les bancs de l’école plutôt que sur le macadam d’un parking d’aéroport. Et son éducation protestante lui interdisait de subventionner une activité aussi immorale que contre-productive.
L’hôtel des Mille Collines était bondé, et l’assistante sociale de la mission avait dû héberger les Delannoy à l’hôtel de la Concorde. Cela parut à Cases osé pour de jeunes mariés, quand on connaissait l’animation vespérale qui régnait dans ces lieux. Mais peut-être l’assistante sociale n’avait-elle jamais mis les pieds dans les hôtels où elle logeait ses coopérants ? À moins que son esprit de vieille fille refoulée éprouvât une joie maligne aux situations scabreuses qu’elle provoquait. Cette dernière pensée arracha un sourire à Cases, qui provoqua un échange de regards interrogateurs chez les jeunes mariés.
Kigali n’était pas une ville, tout au plus un chapelet de quartiers disséminés sur les collines, au milieu des plantations de bananiers et des pâturages. Le centre-ville se réduisait à quelques grandes avenues bordées d’édifices publics et d’immeubles de bureau que les employés désertaient à partir de cinq heures de l’après-midi. Et les trois rues commerçantes qui longeaient le marché central avaient du mal à rivaliser avec leurs homologues de Brazzaville, Kinshasa ou Douala. Le volontarisme colonial ou l’arbitraire administratif n’y pouvaient rien. Pour faire une ville, il en fallait beaucoup plus : un fleuve, un port, un estuaire, un carrefour culturel ! Une histoire aussi, à l’image de ces villes mythiques d’Afrique de l’Ouest dont Xavier Cases gardait la nostalgie : Tombouctou, Gao, Ségou ou Kano… Kigali n’avait rien de tout cela. Elle étouffait entre ses vallées marécageuses qui la pénétraient comme autant de plaies béantes et nauséabondes, et ses collines qui lui barraient l’horizon de toutes parts. Elle étouffait de ses flics en civil, de ses Mercedes rutilantes de fonctionnaires corrompus, de ses grandes artères qui menaient de l’aéroport au palais présidentiel, et du palais présidentiel à l’aéroport, et que l’on garnissait les jours de visites officielles d’écoliers en uniforme. À coups de « déguerpissements », des édiles imbéciles avaient voulu faire de Kigali une ville propre et ordonnée, agréable aux puissants et aux nouveaux riches qui la sillonnaient la nuit dans leurs limousines aux vitres opaques. Ils avaient engagé la chasse aux petits métiers, aux vendeurs à la sauvette et aux marchands de brochettes. Ils avaient rasé, expulsé et aligné. Ils avaient circonscrit les quartiers pauvres et les quartiers résidentiels. Mais l’endroit était resté rebelle, rebelle au goudron et à l’assainissement, aux rues tracées au cordeau et à l’urbanisme bureaucratique. Les nids-de-poule se reformaient dès les premières pluies, les voitures luxueuses se recouvraient inexorablement de poussière à la saison sèche, et les pauvres gens reconstruisaient leurs cahutes là où il ne fallait pas. Jamais à cet endroit ensorcelé la nature ne s’était pliée aux injections des hommes !
Le seul avantage de l’hôtel de la Concorde était sa proximité de l’aéroport. La 504 s’engagea dans une longue avenue bordée d’échoppes et de maisons en poto-poto qui ne dépassaient pas un étage, parcourue par des autobus brinquebalants et bruyants, des voitures aux amortisseurs fatigués et des motos-taxis qui trompaient la mort en zigzaguant entre les obstacles. C’était dimanche, et pourtant il régnait dans ce quartier populaire une grande animation. Beaucoup de magasins étaient ouverts, et on déambulait sur les trottoirs en couple ou en famille, feuilletant la littérature religieuse proposée par des zélateurs de l’Esprit-Saint, ou admirant les tissus de pagne à peine déballés de leurs cartons. À un croisement se dressait la stature imposante de l’hôtel, fruit d’une éphémère coopération avec la Chine lors d’une poussée de fièvre tiers-mondiste du président au pouvoir. Depuis, un vent de libéralisme avait soufflé sur le pays, l’hôtel avait été privatisé, et il abritait une des activités commerciales les plus vieilles du monde. Les filles aux cheveux tressés et aux ca

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