La rose de Nérac
112 pages
Français

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Description

1592 - Alors que je m’apprête à tirer les courtines, un chevaucheur de Sa très gracieuse Majesté Henri IV m’apporte un pli. Le roi requiert ma présence auprès de lui pour affaire me concernant : mon père vient de mourir, apprendrai-je bientôt. Voulant à toute force savoir d’où vient le coup, j’entreprends devant le roi de me remémorer chacune des missions auxquelles depuis près de trente ans, il nous a été donné - mon père, certains de nos gens et moi-même - de participer. En tant que membres de la diplomatie secrète de la couronne, employés à des missions et pour des cas où les officiels plénipotentiaires ne sauraient suffire, nous nous retrouvons - souvent malgré nous - au cœur même de notre histoire : celles des guerres de religion. 1563 - En route pour la ville d’Orléans où je dois faire mon droit, j’assiste au meurtre de notre plus grand capitaine : François de Lorraine, duc de Guise. On découvre sur lui un document chiffré. Un complot ? Sans doute, mais lequel ? La reine mère Catherine de Médicis nous demande en sous main et dans le plus grand secret de mener enquête… Je me nomme Charles d’Anglerays, chevalier de la Roche. La rose de Nérac est le premier volet de mes mémoires. Bonne et agréable lecture…

Informations

Publié par
Date de parution 15 janvier 2015
Nombre de lectures 1
EAN13 9791029002090
Langue Français

Extrait

La rose de Nérac
Pierre-Georges Pichard
La rose de Nérac

















Les Éditions Chapitre.com
123, boulevard de Grenelle 75015 Paris
© Les Éditions Chapitre.com, 2015
ISBN : 979-10-290-0209-0
Printemps 1592
1
La lettre et le pourpoint
Rares sont ceux qui prennent une telle place dans votre vie qu’on se plaît à les croire immortels. L’idée me plaisait assez que la grande horloge ait pu l’oublier. Mais non. Son implacable course n’oublie jamais personne et n’oublie jamais rien. Pas même mon père.

Toujours aimant, il était avec moi presque comme un frère et en toutes occasions, mon ami. Étant le dernier de ses trois fils, il savait qu’à ce titre, je ne pourrai prétendre ni à lui succéder dans le ménagement de ses domaines, ni à rentrer dans les ordres. Aussi, résolut-il très vite, de m’initier à l’art difficile de la diplomatie secrète, pensant avec raison me donner le moyen de servir la couronne en assurant ma fortune.

Ainsi donc, dès ma prime enfance, je n’ignorai rien des fonctions exactes qu’il tenait auprès des Valois-Angoulême. Il commença sa carrière en entrant comme page au service d’Henri II, le jour anniversaire de ses treize ans, et pendant près de quarante-cinq ans, il servit la Couronne avec la plus grande loyauté.

J’étais seul dans ma chambre un soir de mars en la quarantième année de mon âge à relire au lit, une écritoire sur les jambes, ce que j’avais couché sur le papier par cette journée froide et humide. Comme je m’apprêtais à moucher le candélabre avant de tirer les courtines, d’Outreville, mon vieux précepteur, un homme chenu de quinze ou dix-huit ans mon ainé, vint m’annoncer l’arrivée d’un capitaine des suisses, qui, couvert de boue et trempé jusqu’aux os, attendait dans la cuisine :
– Que veut-il ? Fis-je en passant une robe de chambre.
– Je ne sais. Il vous a demandé, mais n’a depuis pas décroché un mot. Adèle lui a donné un bol de soupe qu’il dévore de grand appétit, mais il ne veut avoir affaire qu’à vous, Charles.
– Eh bien, ne faisons pas attendre ce bon soldat. Pour avoir chevauché de nuit par le temps qu’il fait, il faut qu’il soit mandé par quelque haut personnage, ou pour quelque affaire d’importance.

D’Outreville empoigna le candélabre et m’ouvrit le chemin. Par le vis d’une quinzaine de marches inégales logées dans la tour d’angle, nous accédâmes à l’étroit corridor qui donnait dans la cuisine, unique pièce – hormis ma chambre et la grande salle - qui disposait du seul véritable luxe de notre temps : une cheminée où un grand feu brulait été comme hiver. C’est pour cette raison sans doute que dans certaines provinces du royaume, comme le Vivarais, où nous avons des cousins, cette pièce se nomme le chauffoir.

Cependant, je crois qu’il aurait été beaucoup plus juste de la nommer capharnaüm. Adèle, notre cuisinière, régnait, ou plutôt surnageait dans cet indescriptible désordre de bassins et de chaudrons, de poêlons et de broches, de lèchefrites, de grills et de mortiers, avec l’assurance d’un pilote de caravelle dans la tempête. C’était merveille de contempler cette déesse chtonienne {1} dans ses œuvres. Elle se jouait des ustensiles avec une si grande adresse qu’on eut pu la croire munie de sept bras.
À notre venue le Suisse qui, dos à l’âtre se séchait l’échine, se leva et d’un geste large essuya moustache et barbe au revers de sa manche. À considérer attentivement la montagne d’homme qui me faisait face, je pouvais me croire dans ce passage de l’ancienne alliance où le berger David défie le géant philistin. Mesurant plus de six pieds sous la toise, le citoyen helvétique ne laissait pas que d’impressionner. Et, s’il avait ôté le morion pour le déposer à ses pieds, il avait gardé sur lui sa demie-armure – corselet et gorgerin – qui luisant aux flammes de la cheminée, lui donnait les dehors d’un Goliath moderne.
– Eh bien Monsieur, que puis-je faire pour vous être agréable ? » lançais-je pour rompre un silence qui commençait à devenir pesant. Pour unique réponse, le soldat me tendit un pli dument scellé des armes du roi. Brisant le cachet, je poursuivis mon interrogatoire :
– Une réponse ?
– Monsieur de Rosny {2} , souhaite s’entretenir avec votre seigneurie. Je dois vous escorter auprès de lui.
– Où irons-nous ?
– Rouen.
– Diantre ! Par le déluge qu’il fait nous ferions mieux d’y aller en gabarre !

Tempête sous un crâne ! Le Suisse levant sur moi un sourcil interrogateur, je vis bien que le bonhomme ne goûtait guère le badinage et me sentis soudain bien seul :
– Quand partirons-nous, capitaine ?
– Monsieur de Rosny vous accorde le temps d’expédier vos affaires, de faire vos malles et de composer votre suite. D’ici à deux jours, nous devons être partis.
– Un moyen de s’y soustraire ?
– Aucun.
– C’est bien ce que je pensais.

Pourquoi Rouen ? Eh bien… Après ses échecs pour reprendre les faubourgs de Paris, Henri IV avait besoin d’un coup d’éclat. Souffler une capitale de province à la Ligue, lui semblait plus accessible. Son choix se porta sur Rouen dont Henri de Mayenne, fils de Charles et neveu de feu le balafré {3} était gouverneur. Peut-être le pensait-il une proie plus facile que ses pères et oncles. Il est vrai que le louveteau entrait dans sa quatorzième année. Malheureusement pour le roi, il était secondé par un grand capitaine, qui un jour deviendrait amiral, et qui pour l’heure rêvait de se tailler en Normandie, une principauté indépendante : André de Brancas, seigneur de Villars.

Tout le temps qu’avait duré le voyage, j’avais tenté de questionner l’estafier {4} , car une inquiétude diffuse m’étreignait le cœur, mais le Suisse, pour seule réponse à mes questions m’adressait un sourire poli teinté d’impuissance.
– Mes ordres sont clairs, avait lâché l’officier : rejoindre l’armée royale et assurer votre sécurité.
– Alors, qu’il en soit ainsi !
Cependant, et quoi qu’il soit resté muet sur les éléments connexes de sa mission, le soldat était plutôt bon vivant et ouvert. Cela nous avait permis d’échanger longuement sur nos vies respectives, d’apprendre beaucoup l’un de l’autre et de nous lier d’amitié. Ainsi, sans même y songer, nous étions passés assez vite du vouvoiement poli au tutoiement amical.
L’helvète originaire de l’Unterwald avait rejoint les armées du roi de France depuis une trentaine d’années, comme son père et son grand-père avant lui. L’âge venant – il avait passé quarante-cinq ans – il s’était éloigné de la vie des camps pour celle des antichambres. Discret, rapide et efficace, on lui confiait parfois des missions d’escorte et de protection ce qui lui valait de chevaucher aujourd’hui au botte à botte avec un gentilhomme de Touraine.
De la bonne ville de Loches, qu’on avait quittée depuis près de deux semaines, notre petite troupe – une dizaine de chevaucheurs, plus les bêtes de bât – allait bon train et l’allure impressionnante de notre escorte décourageait les velléités guerrières du plus redoutable des malandrins. Sans encombre, mise à part une rixe en forêt du Mans où jadis le roi Charles six était tombé fou, on arriva à notre avant dernière étape : le bourg de Blangy sur Bresle, où un chevaucheur nous attendait avec de nouvelles instructions :
– Vous devez vous dérouter sur Neuchâtel en Bray, où Sa Majesté a établi ses quartiers.
– Pourquoi cela ? demandais-je.

Le coursier nous expliqua que trois jours auparavant, le roi avait fait charger les troupes des ducs de Mayenne et de Parme par son avant-garde, Charles de Biron {5} en tête. Dans une effroyable mêlée, chevaux, hommes, armes et oriflammes avaient roulé cul par-dessus-tête. Dans la presse qui s’en était suivie, le roi avait reçu dans les reins une balle d’arquebuse. Fort heureusement le morceau de plomb n’avait fait que tâter de la peau du souverain et était allée se loger dans une souche.

Il précisa que Monsieur de Rosny qui avait trouvé l’alerte bien chaude, souhaitait que le roi se replie en un lieu clos et couvert. Pour faire enrag

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