Le long des rives
412 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Le long des rives , livre ebook

-

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
412 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Deux familles juives, une sépharade et l’autre ashkénaze, se retrouvent entraînées dans le maelstrom de la Première guerre mondiale. Entre le marteau et l’enclume des différents partis en conflit et les tensions sociales et religieuses s’ouvre une opportunité historique au peuple juif de retrouver sa dignité et la maîtrise de son destin. Elie, le sépharade, et Reizy, l’ashkénaze, se rencontrent à Londres où s'affrontent les idéologies nouvelles sur fond de guerre et d’espoir...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 octobre 2012
Nombre de lectures 0
EAN13 9782332522801
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0082€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-332-52278-8

© Edilivre, 2015
Les soldats de la légion juive devant le mur des lamentations en 1917 (photo Wikimedia)

L’écusson de la légion juive avec l’adage « KADIMA » « EN AVANT » écrit en lettres hébraïques
(photo wikipedia)
LE SECRET DU TEMPLE
I 1901 Marrakech
Soudain le vacarme incessant de la place Djemaa el-Fna sembla s’éloigner comme aspiré par le soleil couchant. Des volutes de fumée s’élevèrent au-dessus de la foule et le temps sembla suspendu l’espace d’un instant. C’est à ce moment que le muezzin entonna le credo musulman : « Allah est grand, il n’y a pas d’autre Dieu, et Mohammed est son prophète. » Pour Elie c’était l’heure de presser le pas. Son père l’attendait à la synagogue, la prière du soir allait commencer. Il se plaisait à flâner sur la place où les raconteurs d’histoires faisaient concurrence aux charmeurs de serpents et par-dessus tout il adorait voir arriver les caravanes apportant épices, tapis et tissus de toutes les couleurs au marché bariolé et parfumé de Marrakech.
L’entrée du mellah , le quartier réservé aux Juifs, était facile à reconnaître. La rue qui y menait comportait plusieurs bijouteries et magasins de tissus et l’animation était grande avant le shabbat. Les boutiques devaient fermer avant le coucher du soleil, et il était difficile de mettre un client dehors.
Elie connaissait par cœur les dédales des petites ruelles. Les cuisines exhalaient à l’approche du shabbat. Couscous, dafina, et autres spécialités excitaient les papilles.
Mais d’abord, l’obligatoire passage à la synagogue. C’est que son père était le président de la communauté et il se devait d’avoir tous ses enfants près de lui pendant l’office. Il chantait les refrains liturgiques avec une telle ferveur et une telle joie que les textes s’étaient imprégnés au plus profond d’Elie. « Viens, shabbat, viens comme une fiancée vers ton bien-aimé… Écoute Israël, l’Éternel est notre Dieu, l’Éternel n’est qu’Un… Béni sois-tu, toi qui ressuscites les morts… Qu’elles sont belles les filles de Jérusalem… »
Et puis à la fin de la cérémonie, la bénédiction du vin. Après avoir rappelé que le monde a été créé en six jours et que le septième jour est destiné au repos, le fruit de la vigne est béni.
– C’est quand même bizarre, pensait Elie, nos voisins musulmans n’ont pas le droit de boire du vin, et nous y sommes obligés ! Et comme c’est une obligation, eh bien moi, je n’aime pas le vin. Pourquoi les pères juifs doivent-ils tellement discuter ? J’avais hâte de rentrer à la maison pour goûter le couscous spécial de mama. Mais aujourd’hui la discussion semble avoir pris un tournant très sérieux. Le cousin David qui habite à Paris et tient une maroquinerie fort prisée nous a fait savoir qu’il y avait beaucoup de remous à Paris et qu’on avait saccagé sa vitrine parce qu’un certain capitaine Dreyfus aurait vendu des secrets français aux Allemands. Forcément l’état-major français ne pouvait pas faire confiance à un Juif, alsacien de surcroît pendant l’occupation de l’Alsace par l’Allemagne. Mon père pense que les Juifs ne doivent pas se mêler de politique, que ça se retourne toujours contre eux. Le secrétaire, Milou Cohen par contre, trouve qu’il faut faire comme disait le journaliste Herzl qui suivait le procès et rapportait un tas d’invraisemblances dans l’accusation : s’organiser politiquement pour défendre les intérêts des Juifs, et même créer un État juif. Mais là, il allait trop loin. C’était du blasphème, défaire ce que Dieu avait fait, sans attendre le Messie. Et puis ça risquait de troubler les bonnes relations avec les autorités qui protégeaient les peuples du Livre. C’est de l’inconcevable, il faudrait des soldats pour protéger ce pays. Ça pousserait les jeunes soldats à tuer. C’est péché ! Tu ne tueras point ! Mon père s’énervait, devenait tout rouge. Il fallait aider le cousin David, mais il ne fallait pas blasphémer. Étant tout de même un homme doté d’un esprit pratique, il se calma et proposa de se retrouver après les prières de shabbat pour décider de ce qu’il convenait de faire.
* *       *
« Les parnassim c’est-à-dire les responsables de la communauté ont l’habitude de se retrouver après la prière du shabbat à la table de mon père pour goûter la fameuse dafina de ma mère. La table était dressée sous une pergola au centre de la cour intérieure. Tous les notables étaient là et s’agitaient en jurant et en invoquant les rabbins miraculeux, mais rien n’y faisait, mon père attendait. Quand la discussion se calmait un peu mon père faisait semblant de dire quelque chose et puis tout le monde se taisait.
« La semaine prochaine nous devons voir le vizir de son altesse le sultan Moulay Abd el Aziz pour la djizya , l’impôt spécial des Juifs. Comme chaque année, il me giflera comme recommandé par le Coran, me traitera de tous les noms et m’insultera devant tous les notables musulmans. Après, si la somme apportée se révèle fructueuse, nous irons souper à la palmeraie et j’apporterai le meilleur vin de mes caves. Le vizir Ba’Hmad sait apprécier une bonne bouteille tout en évoquant le bon temps de l’Andalousie et en récitant des poèmes d’Omar Khayam. Je lui toucherai un mot à propos de la situation en France métropolitaine, et je m’informerai de l’impact sur le développement de l’école israélite. Pour le cousin David, il faudrait commander un nouveau stock de peaux tannées et de tapis. Ce n’est pas vraiment le meilleur moment de l’année, mais le cousin du vizir s’est retrouvé avec un grand stock de marchandises non écoulées. Il doit sûrement y avoir un moyen d’arranger les choses au mieux. C’est à ce moment que je pourrai lui faire comprendre que s’il veut continuer à vendre des articles en cuir sur le marché français, il aurait intérêt à nous aider face aux Français. La première chose c’est qu’il nous donne la permission d’ouvrir une école de l’Alliance israélite. Les enfants ayant reçu une éducation française seraient plus à même de favoriser les contacts avec la France et ainsi nouer des relations commerciales dans l’intérêt de tous.
Là-dessus, le rabbin Shimon Benguigui se leva et traita le père d’Elie d’irresponsable.
– Si les enfants apprennent le français ils seront tentés par les livres français remplis d’hérésies et d’idées révolutionnaires qui les détourneront du bon chemin. Non, non, les enfants continueront à suivre les cours à la synagogue.
Heureusement, Milou Cohen, qui avait déjà visité la France se leva pour répondre au rabbin que dans les écoles de l’Alliance israélite les enfants recevaient autant de cours de religion que de cours profanes.
Après mille et une palabres, mon père fut autorisé à évoquer l’école de l’Alliance avec le vizir.
– En ce qui concerne Dreyfus, reprit le père d’Elie, il faudrait que dans les relations avec la France le Maroc soit du côté des Dreyfusards. Imaginez que des émigrés marocains s’installent en France et qu’ils soient considérés comme Dreyfus, c’est-à-dire suspects parce que différents, cela ne pourrait donner lieu qu’à des injustices.
– Pour commencer, lui répondit le rabbin, l’armée n’est pas un endroit recommandable pour les Juifs. Ce n’est pas leur place. Ce n’est qu’attirer la foudre que d’être à l’armée. Il est interdit de tuer, les lois du Décalogue sont claires et sans équivoque.
– Mais rabbi, l’armée française défend les idées d’égalité, de fraternité et de liberté. Grâce à ces valeurs, les Juifs de France ont finalement pu apporter leur contribution à la société. Regardez l’essor des écoles en France, l’amélioration des conditions de vie grâce aux travaux des équipes médicales. Et si l’armée française n’était pas intervenue nous serions encore à la merci des brigands qui terrorisent les routes.
– Oui je l’admets, il y a une différence entre « Ne tue pas » et « Tu ne tueras point » comme c’est écrit et qui sous-entend que cette loi n’est qu’un espoir pour l’ère messianique et qu’il faut admettre le monde comme il est et non comme on aimerait qu’il soit…
– Bien, nous sommes tous d’accord, la semaine prochaine j’irai voir le vizir et j’aborderai les problèmes politiques français concernant l’affaire Dreyfus, la commande des stocks de peaux tannées et de tapis et le développement de l’école de l’Alliance israélite. D’autres questions ?
– Et la djizya diminuée ?
– Comment ça, la djizya diminuée ? Milou, tu as quand même bien vérifié les comptes de la communauté ?
– Les troubles en France ont eu des répercussions non seulement sur l’exportation de la maroquinerie, mais aussi sur l’entrée de devises diminuée par les détournements de fonds par des petits caïds locaux et des bandes de pillards. Mais je suppose que le vizir est au courant et ne nous mettra pas dans une situation nous empêchant de nous fournir auprès des producteurs.
– Ne compte pas trop sur le bon sens du vizir. Tu connais l’histoire du scorpion et du crocodile ?
– Non, raconte…
– Un jour, un scorpion demande à un crocodile de l’amener sur l’autre rive du Nil. Le crocodile lui dit : « Je te connais, tu vas me piquer avec ton dard empoisonné. » « Allons crocodile, sois raisonnable, si je te pique je me noie avec toi. » « D’accord, marché conclu. » Arrivé au milieu du fleuve le scorpion, n’y tenant plus, pique le crocodile. « Mais scorpion qu’est-ce que tu fais, nous allons tous deux nous noyer ! Pourquoi as-tu fais ça ? »
–  Maktoub , c’est écrit, c’est mon destin…
– Ça ne présage rien de bon pour notre visite au vizir…
* *       *
Accompagné de Milou Cohen, Victor Sitbon le président de la communauté marchait vers le palais situé juste à côté du mellah . Milou Cohen tenait la mallette avec la djizya de cette année. Il était

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents