Les manèges du rabbin
157 pages
Français

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Les manèges du rabbin , livre ebook

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Description

Un rabbin amoureux, une communauté de gens « ordinaires », qui ne le sont pas toujours, qui doivent s’accommoder de leurs origines disparates et vivent au rythme des fêtes qui rassemblent et des événements qui inquiètent. Par petites touches, les manèges du rabbin vous emmèneront dans un monde que vous ne connaissez peut-être pas mais qui, pourtant, vous semblera familier. Une peinture tantôt drôle, tantôt tendre, émouvante, parfaitement ancrée dans le réel de la vie quotidienne en France d’hier et d’aujourd’hui.

Informations

Publié par
Date de parution 10 septembre 2015
Nombre de lectures 2
EAN13 9782312035529
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0012€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les manèges du rabbin
Françoise Harrosch
Les manèges du rabbin
Et petites incursions dans la vie quotidienne de ses paroissiens













LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
À Albert




















© Les Éditions du Net, 2015
ISBN : 978-2-312-03552-9
Avertissement
Inspirée de la réalité cette histoire est une fiction dont les personnages sont des constructions. Toute ressemblance avec des personnes vivantes ou ayant vécu serait fortuite. En revanche les faits historiques ou d’actualité dont il est fait mention sont tout à fait réels et exacts.

Chapitre 1
Tout en repliant son taleth, le rabbin pensa qu’il devait se dépêcher s’il voulait faire valider son billet de loto pour le tirage du soir même. Déjà il rangeait en grande hâte le châle dans sa pochette, quand la secrétaire du consistoire local vint lui dire que madame Aboth l’attendait pour lui parler « personnellement ».
Il pesta intérieurement : toutes ces femmes allaient finir par le rendre fou ! Depuis dix mois qu’il était veuf c’était l’enfer : tout ce que la communauté comptait de femmes seules - qu’elles fussent divorcées, vieilles célibataires ou veuves – s’accrochaient à ses basques, déployant des trésors d’imagination pour capter son attention ou pour le séduire ; Celle ci s’était soudain transformée en pratiquante exemplaire venant assister à chaque office, accoutrée d’une abominable perruque synthétique sur laquelle glissait inexorablement un chapeau échappé de la belle époque, qu’elle devait constamment remettre en place.
Telle autre, sous des prétextes divers, investissait son bureau à tout bout de champs, vêtue de robes si décolletées qu’on lui voyait le cœur et presque le nombril. Une fois elle avait même trouvé le moyen de s’asseoir sur sa table et, sous couvert de lui montrer des photos du mariage de sa fille à Jérusalem, lui avait collé un genou sous le nez…
Une autre encore le gavait de pâtisseries orientales et en profitait, à chaque fois, pour débiner ces « Ashkénazes » « qui ne peuvent pas comprendre notre mode de vie à nous ». « On est tous deux d’Afrique du nord : notre vie c’est le soleil, la couleur, les épices… comment voulez vous qu’elles comprennent nos chants, nos danses, nos coutumes…Ah ! monsieur le rabbin il faut vous remarier avec une de chez nous. Une qui vous fera les bons petits plats que vous aimez : la soupe aux fèves fraîches et l’agneau aux pruneaux pour Pessah et pas ces affreuses boulettes de Matzoth et cette dégoûtation de carpe farcie ! »
Une autre encore, richissime veuve d’un gros industriel, l’invitait presque chaque semaine à des réceptions mondaines, auxquelles participait le gratin local, dans sa magnifique villa avec piscine et près d’un hectare de terrain en plein centre ville ; ou le conviait à venir passer le dimanche-lundi dans « son cabanon » du bord de mer (en réalité une villa, qui devait compter quatre ou cinq chambres, construite en bordure de plage près de Valras). Dans cet environnement enchanteur, où il se rendit une fois, elle lui confia combien il était difficile pour une femme comme elle de supporter la solitude depuis que son pauvre mari était décédé.
« Bien sûr il avait fait en sorte qu’elle soit à l’abri du besoin pour les reste des ses jours, et même, elle pouvait bien le lui confier, sa fortune était largement suffisante pour vivre à deux très, très confortablement … mais que voulez vous, monsieur le rabbin, qui pourrais je trouver, moi, femme d’âge mûr, juive de surcroît dans ce pays où nous sommes si peu nombreux… »
D’autres lui avaient écrit des lettres sentimentales, quelques unes un peu osées.
Enfin une était venue sonner chez lui, un soir, assez tard…sous son manteau, elle était en chemise de nuit transparente ! Elle s’était collée à lui et il avait bien failli succomber. Mais il avait réagi et l’avait éconduite un peu durement.
Il n’aurait pas dû !
Elle avait écrit au consistoire central pour se plaindre, l’accusant d’avoir profité d’elle en lui promettant le mariage puis de l’avoir abandonnée. L’affaire avait été désagréable : convoqué par le grand rabbin de France, il avait été sommé de s’expliquer, et même si pas un mot des allégations de cette folle n’était vrai, il avait été vexé et gêné d’avoir bien involontairement suscité un tel comportement, de n’avoir pas su gérer la situation avec davantage de tact.
Oui, toutes ces femmes allaient finir par le rendre fou. Or, secrètement, le rabbin était amoureux.
Il ne la voyait que rarement. Elle n’était pas assidue aux offices, elle ne portait pas de perruque, n’était pas riche et n’était pas non plus séfarade !
Elle venait trois ou quatre fois par an, notamment à Kippour « pour ne pas être tentée de faire quoi que ce soit et pour rencontrer les autres » et elle passait déposer son chèque quelques jours après « pour qu’on garde un rabbin, une synagogue et des cours de Talmud Torah pour les enfants » disait-elle. Puis elle retournait à ses occupations.
C’était une juive française comme on n’en voit jamais ou presque dans les synagogues, issue d’une de ces familles installées en France depuis l’époque napoléonienne, qui, au début du vingtième siècle, avaient vu arriver les juifs d’Europe centrale aux caractères et aux coutumes variés : certains étaient très religieux, d’autres pas du tout. Elles avaient regardé avec un étonnement teinté d’amusement, parfois d’agacement, les exhibitions des « Polonais » avec leurs « peyots », leur « straïmel » et leurs grandes chaussettes… Au fil du temps, ces familles françaises avait connu des unions avec des goym-surtout des hommes- et avec des juifs-surtout des juives d’ailleurs, car la judéité se transmet par les femmes- d’Europe de l’est, Ashkenazes, Romaniotes ou Krymchaks. Ces familles françaises, habituées à la discrétion, pratiquaient un judaïsme familial plus axé sur l’étude que sur les traditions.
Beaucoup d’entre elles avaient eu du mal à s’habituer dans les années soixante au déferlement des coreligionnaires d’Afrique du nord, à la faconde étourdissante, volontiers expansifs, voyants et souvent intrusifs. Elles étaient devenues moins assidues aux offices, moins impliquées dans la vie communautaire. Peu à peu les « Séfarades » ou « Mizrahim » avaient « pris le pouvoir » et considéraient souvent les « Ashkénazes » qui n’étaient pas TRES religieux comme assimilés !
Naturellement, avec le temps, les dissensions se réduisirent. Les Séfarades furent, à leur tour, confrontés à la vie en « milieu ouvert », ils virent parfois leurs enfants déserter la synagogue et épouser des goyim. Eux qui jugeaient si sévèrement les « mélanges » dans les familles ashkénazes, durent s’adoucir. Leurs dents devinrent moins acérées, leur compréhension plus ouverte. Les Ashkénazes s’habituèrent aux expressions outrancières de ces méditerranéens qui avaient souvent le cœur sur la main. Petit à petit, les communautés se ressoudaient…
Il avait su qu’elle existait bien des années auparavant, par son caviste. En fait elle était la seule, avec le rabbin, à acheter du vin cascher.
Il sourit en pensant aux « grandes religieuses » de la communauté qui prônaient une rigueur absolue qu’elles ne s’appliquaient pas et lui racontaient des carabistouilles à longueur de temps… il savait parfaitement qui consommait quoi. Il ne jugeait pas ; il savait que certains étaient si pauvres qu’il leur était difficile de se nourrir ; Pour eux les produits cashers étaient inaccessibles. D’autres y avaient renoncé trouvant ces produits souvent trop chers et de médiocre qualité ; Ils se contentaient de « cachériser » la viande qu’ils achetaient aux supermarchés…c’est à dire de la mettre dans l’eau pendant au moins vingt minutes, puis de l’enduire de sel afin d’en ôter tout le sang- dont la consommation est absolument proscrite dans le judaïsme- et après une heure, de la rincer longuement à l’eau claire.
Il ne jugeait pas, il souriait seulement à la pensée des comédies qu’on lui jouait parfois.
La secrétaire réapparut dans l’embrasure de la porte, lui rappelant par un signe qu’il était attendu.
Il respira : ce n’était pas Madame Aboth mère qui l’attendait mais sa bru.
Bien en chair et toujours souriante, cette dernière était la sympathie personnifiée. Elle se prénommait Elisabeth mais toute la ville l’appelait Betty : c’était une des figures locales

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