Les Trois soeurs
86 pages
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Les Trois soeurs , livre ebook

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Description

Trois siècles. Trois femmes. Trois « sœurs » qui n’ont en réalité aucun lien de parenté. Seul le premier livre sur les plantes du Canada, le Canadensium Plantarum Historia, les unit à travers le temps et donne un sens à leurs destins marginaux.
La première, Maggie, quitte la France en 1659 pour échapper à la malédiction et s’établit dans le Nouveau Monde. La seconde, dite La Muette, vit à l’époque de la Rébellion des Patriotes. Abandonnée par sa famille, elle travaillera comme fille engagée avant de fuir, avec son compagnon d’infortune, sur une goélette vers la baie des Chaleurs. La troisième, Maudelaine, vit la période d’après la Révolution tranquille — les communes, l’émancipation des femmes, la Crise d’octobre — et renoue avec ses racines profondes.
Une œuvre singulière aux confins du roman historique et du récit poétique qui pose un regard nouveau sur la condition des femmes à trois époques charnières de l’histoire du Québec.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2012
Nombre de lectures 6
EAN13 9782895972372
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES TROIS SŒURS
DE LA MÊME AUTEURE

Magdelaine. Les trois sœurs , tome 1, Rosemère, Éditions Humanitas, 2009.
Le pacte avec les ours , Bonaventure, Éditions Inéditions, 2008. Conte micmac recueilli auprès des peuples de la mer par Ruth Holmes Whitehead, traduit et adapté par Rose-Hélène Tremblay; illustrations, Hélène Paré.
La lune noire , Montréal, Guérin littérature, 1996.
Le loup-garou , Montréal, Humanitas; Roumanie, Éditions de la Fondation culturelle roumaine, 1994.
La vallée des épilobes , Rimouski, Éditions Éditeq, 1990.
Rose-Hélène Tremblay
Les trois sœurs
ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Tremblay, Rose-Hélène, 1949-
Les trois sœurs / Rose-Hélène Tremblay.
(Voix narratives)
ISBN 978-2-89597-200-6
I. Titre. II. Collection : Voix narratives
PS8589.R4733T76 2012 C843’.54 C2011-907738-8

ISBN format ePub : 978-2-89597-237-2

Les Éditions David remercient le Conseil des Arts du Canada, le Secteur franco-ontarien du Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa. En outre, nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.

Les Éditions David
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Téléphone : 613-830-3336
Télécopieur : 613-830-2819
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Tous droits réservés. Imprimé au Canada.
Dépôt légal (Québec et Ottawa), 1er trimestre 2012
PARTIE 1
Maggie

Il y a des mondes qui, lorsqu’ils nous sont révélés, jettent une lumière si crue sur notre présence que rien ensuite n’est plus jamais pareil.
Lino, L’ombre du doute

Une femme habite un lieu, en cedit temps de l’an 1651.
Son visage est un paysage habité par d’immenses yeux aux couleurs changeantes de la mer. Cette vaste nappe d’eau où ses ancêtres bretons s’étaient attablés depuis tant de siècles, pour en tirer leur si indispensable sel, est ainsi devenue une grande porte ouverte sur le Nouveau Monde. Grâce à ce sel qui sert à conserver la nourriture et le poisson, il avait été possible de rester en mer durant de longs mois. Prendre le temps de longer les côtes du continent à explorer, avant de se hasarder sur des terres habitées par des peuples inconnus. Tenter de s’y installer est un péril, sans cesse renouvelé. C’est à ça qu’elle pense, la femme d’une vingtaine d’années. Même si elle est loin de Stadaconé, elle entend circuler toutes sortes de mauvais bruits. On dit que les Hollandais et les Anglais soudoient des Iroquois afin qu’ils détruisent toutes les installations des Français qui longent les rives du fleuve aux Grandes Eaux.
« Comment bastir maison quand chaque arbre dissimule une menace? » se demande Maggie. En travaillant. Au fort Stadaconé, à l’intérieur des palissades, même les chiens dressés à débusquer les Sauvages, même les arquebuses et les mousquets à portée de la main ne suffisent pas à vaincre la peur d’être enlevée et amenée au fond des bois. Alors, comment penser survivre ici, hors des murs? Malgré la beauté nourricière de cette rivière, malgré la combe fertile, l’isolement agite les ombres de la montagne d’un frisson de peur.
Des rumeurs disent aussi que des familles entières de Hurons ne cessent de déferler sur Kébec. Décimés par la grande mortalité, la petite vérole, on les voit arriver au fort, aussi affamés que blessés dans leur fierté. Dans la Huronnerie, on dit qu’il y a eu trente mille morts, en quelques décennies. Dispersés par les Iroquois qui les harcèlent sans relâche, certains Hurons seraient allés jusqu’à manger des mousses et des lichens, avant de se réfugier derrière la palissade d’une civilisation qui n’était pourtant pas la leur. C’était comme se livrer, fatalement démunis. « Comment profiter de cette terre si convoitée par les peuples d’Europe venus, sans l’arracher aux Indiens? Comment le païs habiter? » pense-t-elle intérieurement.
Si, un bon printemps, les bateaux n’arrivaient pas de France? Serait-il possible de penser survivre ici, sans le soutien de la mère patrie, parmi ces peuples hostiles, dans un climat si rude? D’aucuns lui avaient raconté ces horribles années où les frères Kirke, au nom de l’Angleterre, avaient assiégé le fort de Stadaconé… Le manque de vivres était une chose qu’on avait réussi à combler, mais le rêve brisé était une brûlure dont on se souviendra longtemps.
* * *
Maggie est agenouillée sur les pierres. Elle frotte sur une planche rugueuse un grand drap de lin gris. Elle est en Nouvelle-France depuis deux ans. Les religieuses lui ont trouvé un mari. Il est toujours dans le bois, car la forêt vit au plus profond du cœur de ces hommes en rupture d’histoire.
Maggie passe la main sur son front. Pour chasser, non seulement les mouches, mais aussi les pensées voraces. On la voit alors tordre son drap. Toute sa peine et sa rage se sont transformées en détermination. Elle lutte. Soudainement, elle se redresse, hume l’air, dépose le drap dans un panier en clisses de frêne et dare-dare quitte les bords de la rivière du Gouffre. En évitant des souches et des branchages, elle court jusqu’à sa cabane. Un vrai défi! La barrière de l’enclos est ouverte. Le cochon et le veau qu’ils ont ramenés de Stadaconé, en canot, le lendemain de leurs noces, sont en fuite. La laitue, à peine sortie de terre, a été piétinée. Elle s’agenouille et replante, renchausse les jeunes plants, puis remplit de terre les traces de sabots. Heureusement, les haricots, les courges et le maïs, les « trois sœurs », comme le disait la Sauvagesse, ne sont pas encore sorties de terre. Ensuite, pour ramener ses bêtes, elle crie avec les mêmes sons gutturaux que lorsqu’elle les appelle pour les nourrir : « Kio, Kio, Kio ».
Le veau revient en gambadant. Demain, ce sera une vache qui donnera du fromage. Ici, on mange de la tourte, de l’anguille et du hareng, de la truite, du saumon. La nourriture est abondante et variée. Chaque saison a sa manne. Mais le monstre du souvenir, né de la rupture et tapi dans l’oubli, demande à être nourri. Une odeur cachée dans un tissu, quelques phrases écrites au dos d’une image rappellent que le passé a vraiment existé. C’est la présence de ses proches, qu’elle aurait voulu retrouver dans ces odeurs de lait caillé et de saucissons épicés, qui lui manque cruellement.
Depuis des semaines, son mari est parti dans le bois. Même l’hiver, il part pendant des jours et des jours. Il revient en tirant son traîneau rempli de peaux à tanner, de chair à manger. Il est capable de vivre comme les Sauvages, pendant des mois. Ça se sent jusque dans l’odeur de sa peau où se mélangent sapinage et boucane. Il essouche pour avoir le droit de garder sa terre. C’est un devoir qu’il s’impose. Une identité qu’il paye pour que les autres, en cas de besoin, lui donnent assistance et refuge. C’est un genre de métis culturel, en travers dans la vie. Il arrache ses souches avec rage, comme elle. Mais ce n’est pas pour les mêmes raisons. Avant de s’établir en Neuve-France, son père, soldat de Sa Majesté, avait guerroyé en Autriche et au Portugal. Il méprisait ces paysans vétustes et obtus qui portaient la barbe et sentaient la boucane. Sa mère n’était jamais sortie des murailles de pieux où ses deux années en terre d’Amérique l’avaient recluse. Elle aurait voulu retourner en France. La vie le lui refusa. Elle mourut brûlante et en délire après avoir donné à la terre d’Amérique le fruit béni de ses entrailles. On avait mis l’enfant en nourrice. Il n’a, de sa mère, qu’un petit tableau, pas plus grand que la main, peint par un faiseur de portraits sur son lit de mort. Il le garde, enveloppé d’écorce de bouleau, dans le fond d’un sac en peau. C’est une forme d’icône qui le rattache symboliquement au passé.
Dès sa dixième année, on avait voulu l’envoyer en France. Tenter de l’instruire afin d’en faire un homme de Dieu au service de l’élite; à défaut, un apothicaire ou un milicien. Mais aucun bateau n’avait pu le prendre à bord. La vie des bois lui était alors apparue comme un refuge pour fuir l’autorité paternelle. Peut-être était-ce un éden où il espérait retrouver, sous sa peau, l’Adam originel! Quand, plus tard, il eut mangé sur la t

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