Les trottoirs de Strasbourg
92 pages
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Les trottoirs de Strasbourg , livre ebook

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Description

Aux travers d’anecdotes vécues, 30 années de prostitution à Strasbourg, - du milieu local aux réseaux mafieux de l’Est - résumées par le Chef de la Brigade des Mœurs. Et un avis intéressant d’un homme de terrain sur la législation actuelle dans notre pays au moment même où le débat sur la prostitution est relancé.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 mai 2013
Nombre de lectures 2
EAN13 9782312010755
Langue Français

Extrait

Les trottoirs de Strasbourg

Denis Ponton
Les trottoirs de Strasbourg








LES ÉDITIONS DU NET 22 rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
© Les Éditions du Net, 2013 ISBN : 978-2-312-01075-5
Lundi 16 février 2009, 17 h salle des fêtes de Sarrebourg
C’est l’heure des adieux. Je n’avais pas imaginé réunir tant de monde autour de moi. Le départ à la retraite d’un commandant de police donne forcément lieu à une cérémonie protocolaire ; il y a mes collègues, ma hiérarchie, l’institution judiciaire, les élus, les administrations, ma famille. Mais dans l’assemblée d’autres connaissances aussi , tel un repris de justice qui vient de purger une peine de cinq ans d’emprisonnement pour meurtre ou une ex prostituée….

C’est par hasard que je suis entré dans la Police Nationale. Mon fils était en nourrice chez la femme d’un inspecteur de police. Lequel s’était dit en me voyant : « tiens celui-là, il est grand, fort et pas trop bête, je pourrais le recruter ». Et moi je m’étais dit « il n’a pas l’air trop fatigué le soir ce policier, il doit avoir un bon job ». Voilà comment est née ma vocation.
Le premier juin 1977, après neuf mois de scolarité à Cannes Ecluses, j’ai franchi le seuil du Commissariat Central de Strasbourg au 11 rue de la Nuée Bleue. Le bâtiment est vétuste, mais impressionnant. Il est chargé d’histoire : il s’agit de l’ancien hôtel du maréchal de Bourg qui a abrité le Tribunal de Strasbourg avant d’être transformé en Commissariat de Police jusqu’en février 2002.
J’avais revêtu un costume neuf, acheté pour l’occasion, et j’étais fier d’avoir obtenu le droit d’exercer ce métier passionnant d’inspecteur de police.
Originaire de Sainte-Marie-Aux-Mines, je n’étais titulaire que d’un baccalauréat. Mes parents n’avaient qu’une passion, leurs trois fils. Mon frère aîné enseigne à la faculté, il est docteur en sociologie après avoir fait Normale sup’ et mon jeune frère est agrégé de mathématiques. J’avais le sentiment d’avoir moi aussi trouvé ma place. Avoir le baccalauréat était alors la condition sine qua non du recrutement. Depuis les choses ont changé, le concours d’inspecteur de la police nationale a été remplacé par un concours de lieutenant de police et le recrutement se fait à bac +3.

Nous étions alors une quinzaine de stagiaires, tous pressés d’être affectés dans les différents services existants. Parce que je jouais au foot, et que le chef de la Sûreté départementale était fan de ce sport et drivait l’équipe de la Sûreté urbaine, j’allais y être affecté. La plupart des autres stagiaires trouvaient leur place dans les commissariats d’arrondissements. Ils iraient faire leur classe derrière un clavier de machine à écrire en étant préposés aux plaintes.
La police urbaine de Strasbourg avait son siège au 11 rue de la Nuée Bleue. Les brigades spécialisées (Crime’, Stups, Mineurs, Voie publique, Mœurs, Débits de boissons, Étrangers) y étaient également logées. Dans chaque arrondissement de Strasbourg existaient des commissariats de police chargés des « affaires courantes ».

J’avais donc eu plus de chance que mes autres jeunes collègues. J’étais affecté à la Brigade des Mœurs de la Sûreté Urbaine, située au premier étage de l’aile droite en pénétrant par le porche d’entrée. La brigade occupait alors trois bureaux, était dirigée par un inspecteur divisionnaire et composée de quatre inspecteurs et deux gardiens de la paix. J’en devenais donc le huitième élément.

J’y suis entré sur la pointe des pieds, timide et impressionné à la fois, mais de suite adopté et immédiatement pris en charge par Jean, mon grand frère administratif, chargé de me former. Et je me souviens encore de mon pot d’arrivée, une tradition dans la police nationale. J’avais convié l’ensemble de la brigade au bistrot du coin et proposé l’apéritif. Mon chef de brigade sans tenir compte de ma proposition avait commandé du… champagne. Jamais ce breuvage n’a eu dans ma bouche un goût aussi amer, cette commande étant nettement au-dessus de mes moyens d’alors. Mon salaire d’inspecteur stagiaire me permettait avant toute chose de nourrir et loger ma petite famille dans une HLM de Hautepierre. Mais au moment tant redouté, c’est bien lui qui avait payé la note. Le ton était donné et j’étais soulagé.

Je partage mon bureau avec Jean. Nous avons en fait une immense table de travail, nous sommes face à face. Il occupe la partie gauche et moi celle de droite. Nous sommes sommairement meublés, une armoire, deux chaises de bois anciennes estampillées d’un poinçon de la « Wehrmacht » (nom de l’armée allemande).
Nous partageons également une vieille machine à écrire Olympia. C’est l’époque des procédures établies en six exemplaires. Deux feuilles dures et quatre pelures. Et que dire des « carbones » usés qui marquent plus nos mains que nos documents !

À cette époque la brigade des Mœurs est chargée de la répression du proxénétisme et de toutes les atteintes aux mœurs (les viols, agressions sexuelles et autres exhibitions).

En 1977, le « milieu » strasbourgeois est local. C’est l’époque du « gang des perruques » qui braque les banques sous la direction de celui qui sera nommé par la presse « l’Arsène Lupin alsacien ».

Il en est de même des trottoirs de Strasbourg, occupés par des locales, dont les souteneurs sont bien connus de nos services et ont la main mise sur la prostitution à Strasbourg.

« Robes », « Charly », « le beau Dédé », « Jacky le rouquin », « Gilbert le parrain » et consorts se partagent le gâteau !
La prostitution est alors surtout nocturne - il n’y a guère qu’autour du secteur gare qu’on y trouve des filles dans l’après-midi-. Elle est localisée sur les boulevards, la rue de la Première Armée et la rue du Feu.

Il est une autre forme de prostitution, moins visible certes mais pourtant bien réelle qui se pratique dans les différents bars à hôtesses, mais dont le contrôle échappe à la brigade des Mœurs et est confié à la brigade des Hôtels et garnis ou débits de boissons composée alors de quatre éléments.

Nous avons le contrôle exclusif des filles de la rue et sommes le seul service à nous y intéresser. Ce n’est plus le cas actuellement. En effet, « l’internationalisation » du phénomène et sa sur-médiatisation ont réveillé tous les services (Office central, police judiciaire, gendarmerie, police de l’air et des frontières). Pas forcément au bénéfice d’une meilleure efficacité, je pense même plutôt à son détriment, mais j’aurai l’occasion d’y revenir plus tard….

En ce début des années 80, les péripatéticiennes n’ont d’autres interlocuteurs que nous et les membres de l’association du Nid, dirigé alors par un père catholique. J’en profite ici pour rendre hommage au travail de cette association. Nous avions alors un contact permanent, constructif, chacun dans son rôle avec le même principe fondamental, le respect.

C’est ma mère qui m’a enseigné le respect d’autrui et sans cette qualité essentielle on ne peut exercer ce métier.

Il est vrai que je suis issu d’un milieu protestant donc forcément plus tolérant. Surtout à l’égard de la condition féminine (non seulement les pasteurs sont mariés, mais il existe des femmes pasteurs). Je suis bien conscient de la désertion actuelle des croyants et plus particulièrement des chrétiens, mais je revendique cette éducation. Eh oui, un flic des mœurs doit respecter une prostituée. C’est même une règle élémentaire. Et c’est loin des clichés qu’on se fait et qui sont véhiculés par des films policiers de seconde zone.

D’ailleurs, à la brigade des Mœurs, je suis en minorité… seul protestant et seul Alsacien aussi. Aucun flic des mœurs de Strasbourg ne sait donc correctement prononcer, « langstrass », grand’rue en alsacien. Un comble quand on sait que cette rue, pourtant l’une des plus photographiées actuellement, avait la réputation d’être autrefois très mal famée et occupée par les prostituées.

Cette parenthèse historique et humoristique refermée, une centaine de filles sont recensées et « fichées » alors. Chaque soir on en compte une trentaine, présentes sur le bitume.

Le fichage est la règle. Chaque nouvelle fille est interpellée, amenée à la cité administrative de la Krutenau, alors siège de la police judiciaire. Un fonctionnaire spécialisé de l’identité judiciaire procède au relevé anthropométri

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