Monsieur Jules
74 pages
Français

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Description

« Nous avions entendu dire que Monsieur Jules écrivait, qu'il avait publié des livres et qu'il était renommé pour cela. Mais cela restait un peu mystérieux pour nous : les marins-pêcheurs avaient rarement l'occasion d'avoir un livre entre les mains et certains d'entre eux ne savaient pas très bien lire. (...) Quant aux sujets de ses livres, il disait qu'il écrivait de belles histoires d'aventures imaginaires. Celle qu'il rédigeait actuellement m'intriguait, car elle semblait se passer en mer. En discutant un peu avec lui, il m'indiqua que cela concernait un engin pouvant aller sous l'eau. » Dans ce savoureux ouvrage, Olivier Jochem mêle réalité et fiction avec une grande dextérité. Il donne la parole à Alexandre Delong, un capitaine au long cours engagé par Jules Verne pour naviguer avec lui sur le Saint-Michel. Le marin-pêcheur fait l'étonnant récit de ses trois années passées en compagnie de l'écrivain en baie de Somme. L'attrait de celui-ci pour l'élément marin l'attire au port du Crotoy, où il loue une maison pour y travailler au calme. Cette belle amitié livre une facette méconnue du romancier d'aventures, en apprenti navigateur sympathique et passionné. Bien qu'en partie fictive, la tranche de vie ici contée apporte un éclairage nouveau sur la genèse de certaines des œuvres du génie littéraire, dont Vingt mille lieues sous les mers.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 18 novembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342058031
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Monsieur Jules
Olivier Jochem
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
Monsieur Jules

Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
« La mer, la mer, toujours recommencée ! »
Paul Valéry
 
 
 
 
À mes proches, amoureux comme moi de la baie de Somme.
 
Chapitre 1. La rencontre
8 février 1868.
 
J’ai compris très vite l’importance de cette date pour mon visiteur du jour.
 
Assis dans la cour intérieure de sa maison de pêcheur située à deux pas de l’église du Crotoy, Alexandre Delong, dit « Sandre », ancien quartier-maître canonnier de la campagne de Crimée et narrateur de cette histoire, s’apprêtait en cette fin d’après-midi à ramender ses filets munis d’aiguilles en bois et de navettes. Il n’était pas de sortie en mer ce jour-là : l’hiver, le climat était rude en cette région et les tempêtes d’équinoxe fréquentes.
 
Un ami pêcheur était venu le rejoindre pour lui tenir compagnie : Alfred Bulot, dit « Bouffi » ou encore « Fred ». « Il est mon meilleur second en mer », disait souvent Alexandre Delong à son propos. Alfred parlait peu. Mais sitôt qu’il disait quelque chose, le silence se faisait, car ses paroles étaient toujours pleines de sens.
 
Alfred se tenait derrière moi, une pipe à la bouche. J’avais commencé à prendre en main le long filet blanc et noir accroché sur le haut de la barrière de la cour quand, vers cinq heures, on frappa vigoureusement à la porte.
 
Un homme en habit de ville, portant un long manteau sombre, demandait à me rencontrer. Il émanait de lui une certaine puissance. Le menton était fort, le nez long, le regard profond. Ses cheveux légèrement bouclés et clairs lui donnaient un aspect relativement jeune. Sa barbe était gracieuse.
 
Il nous raconta être arrivé en train depuis Paris. Une diligence à chevaux, que l’on appelle ici « omnibus », l’avait convoyé de Rue au Crotoy, pour les huit derniers kilomètres du parcours. Un voyage qui lui avait pris en tout près de six bonnes heures.
 
Il était passé par le port, avait longé ensuite les vestiges des remparts de l’ancienne citadelle de la commune, puis était passé devant le Grand Hôtel construit une vingtaine d’années plus tôt par le parfumeur parisien Pierre Guerlain, originaire d’Abbeville.
 
Le bourg n’était pas inconnu de lui : depuis trois ans, il venait régulièrement y séjourner durant ses vacances d’été.
 
Sur son chemin, il était même passé devant la propriété dans laquelle il avait loué une dépendance. Il s’agissait de l’une des plus belles maisons de la commune, avec un grand jardin et une vue imprenable sur la baie de Somme. Elle avait été construite pour le maire actuel de la commune, Jean-Baptiste Desgardin, sur l’emplacement de l’ancien château fort du Crotoy, dans lequel Jeanne d’Arc avait été emprisonnée près d’un mois avant d’être emmenée à Rouen pour son procès. La demeure appartenait désormais à un dénommé Henri Dumoulin, que nous ne connaissions pas trop.
 
« On m’a parlé de vous comme étant un des meilleurs marins du Crotoy », me dit l’homme.
 
« Mes amis pêcheurs me reconnaissent cette qualité », lui répondis-je.
 
J’étais également leur représentant auprès des autorités administratives locales, « garde-juré de la Marine », comme on dit !
 
Ma mère Constance m’avait donné une certaine éducation, même si mon unique souhait avait été très tôt d’accompagner en mer mon père Pierre, également marin-pêcheur. Elle avait pris le temps de bien m’instruire sur l’histoire de France et du Crotoy. Cela m’était utile aujourd’hui. En effet, la discipline administrative et juridique des marins était stricte. Un manquement à un embarquement était presque assimilé à une désertion et les recours étaient nombreux devant les tribunaux maritimes. Mon aide leur était précieuse.
 
Ma mère n’était pas verrotière comme ses sœurs. Très tôt, ses aptitudes scolaires avaient été remarquées et ses maîtres l’avaient poussée à étudier. Aujourd’hui, elle ne regrettait pas son choix. Munies de leur palot, plus de deux cents femmes de la commune cherchaient des vers dans le sable pour les revendre ensuite aux pêcheurs. La baie était propice au développement de ces animaux, notamment l’arénicole, le plus grand des vers de mer. La tâche était difficile : le dos constamment courbé, elles repéraient par un petit trou ce qu’on appelle ici « l’œil du ver » ; il fallait ensuite creuser très vite, avec dextérité. Les verrotières en tiraient malgré tout de la satisfaction, car elles partaient racler le sable en groupe et en profitaient pour discuter longuement des petites histoires du bourg.
 
Je demandai alors son nom à l’inconnu.
 
« Appelez-moi Monsieur Jules », me répondit-il.
 
Il partagea avec nous la bistouille, un café auquel on ajoute de l’eau-de-vie de la région, et nous raconta les raisons de sa venue. Il arrivait au Crotoy pour quelques jours afin de suivre l’avancement de la construction d’un bateau, qui avait commencé quelques mois auparavant. Il espérait une mise à l’eau avant le début de l’été.
 
Un rêve qu’il voulait voir aboutir pour ses 40 ans.
 
Et justement, aujourd’hui, il avait 40 ans !
 
Nous étions assez proches en âge.
 
Il nous rassura en nous informant qu’il était né au bord de la mer, à Nantes, car nous étions toujours un peu méfiants ou critiques envers les Parisiens venus caboter dans notre baie. Il nous raconta qu’il avait passé des heures avec son frère Paul, dans leur enfance, à se promener sur le port de Nantes, qui accueillait les mythiques cap-horniers et les pêcheurs de baleines.
 
Posséder un bateau était un rêve depuis tout petit.
 
Chacun a ses rêves.
 
Celui-ci lui tenait à cœur.
 
« Il faut vivre ses rêves plutôt que de passer du temps à rêver sa vie », nous dit-il.
 
Et, pour que ce rêve prenne totalement vie, il était maintenant à la recherche d’un équipage qui pourrait l’accom­pagner durant ses sorties et dont il serait le capitaine.
 
Il avait entendu parler de ma grande expérience de la mer et de la baie de Somme.
 
Je n’étais pas seul à disposer de cette expérience. « Sur environ mille deux cents habitants, les gens de mer représentent la moitié de la ...

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