N écoutez pas la sorcière... Tome III
318 pages
Français

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N'écoutez pas la sorcière... Tome III , livre ebook

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Description

« Et puis cette nuit, lors de ce soudain orage, quand la foudre est tombée sur l'arbre qui a éventré un mur d'une bergerie, une paysanne, dont la ferme est proche, a déclaré avoir vu la Madeleine du Borgne à cet endroit, se livrant à des incantations vers le ciel. Alors la vieille crainte de la sorcière a ressurgi et tout un chacun voulait se faire justicier et châtier la misérable... » La renommée de Bertrand n'est plus à démontrer et ses talents sont appréciés de tous, mais notre médecin doit à nouveau partir. Si la guerre fait régner une peur sans limites dans le pays, la terreur s'invite aussi au château. D'étranges événements s'y produisent. On dit même que les sorcières sont de retour... Déchirée entre croyances et innovations, sorcières et médecins, vie et mort, la saga ambitieuse de Daniel Tharaud trouve ici une conclusion fracassante qui nous laisse sans voix.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 octobre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782342057454
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0071€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

N'écoutez pas la sorcière... Tome III
Daniel Tharaud
Société des écrivains

Le Code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.


Société des écrivains
175, boulevard Anatole France
Bâtiment A, 1er étage
93200 Saint-Denis
Tél. : +33 (0)1 84 74 10 24
N'écoutez pas la sorcière... Tome III
 
Toutes les recherches ont été entreprises afin d’identifier les ayants droit. Les erreurs ou omissions éventuelles signalées à l’éditeur seront rectifiées lors des prochaines éditions.
 
 
 
 
1
 
 
 
On était à la fin de l’automne, un de ces jours où l’hiver a déjà établi son règne sur la nature ; depuis près d’une semaine le ciel restait bas et un vent froid balayait les terres et resserrait les joies. Les hommes, comme les plantes, s’apprêtaient à vivre en retrait, repliés sur eux-mêmes, hors de l’espérance.
Bertrand s’était éveillé alors que l’aube éclairait à peine les nuages gris, poussés par des bourrasques, mais tout aussitôt remplacés par d’autres, aussi tristes et sombres.
Une angoisse, née dans le sommeil, lui étreignait le cœur et refusait de se dissiper. Pour ne pas se résigner à subir son emprise, il se vêtit et sortit dans la cour ; il voulait réagir par le mouvement.
Un garde était déjà debout, il lui commanda d’ouvrir le portail et de prévenir ceux du dedans qu’il montait jusqu’au bourg et serait de retour dans une paire d’heures.
Ce besoin d’échapper à l’enfermement du château l’inquiétait. Rien ne justifiait les désarrois qui, de plus en plus fréquemment, l’assaillaient et le plongeaient dans la morosité. Le fait que Guillaume ne leur avait expédié aucun courrier depuis trois mois n’était pas la seule raison de ces troubles, il le sentait bien ; d’ailleurs Constance ne s’en alarmait pas. La vraie raison venait sans doute de la vie qu’il menait ; et plus encore depuis que le mauvais temps raréfiait les courses au dehors.
L’impression de réclusion qu’il ressentait entre les murs du château augmentait chaque jour. Il était temps de se ressaisir.
Il pressa le pas pour atteindre plus rapidement le bourg qui commençait tout juste de s’animer. Les rares paysans qu’il rencontra le saluèrent d’un geste encourageant, pensant qu’il se rendait auprès d’un malade ou d’un moribond. Comme une petite pluie fine commençait à tomber et que le vent se faisait plus violent, il se rendit à l’église dont il savait la porte toujours prête à s’ouvrir.
Le père Grégoire voulait que la maison de Dieu fût un refuge de jour comme de nuit ; lui-même étant toujours disponible et prêt à affronter les plus durs temps pour aller porter les secours de la religion à tous ceux qui viendraient l’en prier. Ce curé avait voué sa vie à la charité, comme avant lui le père Paulin, comme des milliers d’autres qui n’avaient voulu voir dans la vie ecclésiastique que le message de fraternité enseigné par le Christ, sans se laisser leurrer par la prépotence que leur robe leur donnait sur les humbles.
Bertrand se laissa choir sur un banc et ferma les yeux. Il savait qu’il allait retrouver les parfums du passé : des odeurs de terre, de paille humide, de cire, d’encens ; qu’il allait se resserrer sur lui-même pour épier plus attentivement les sons qui lui évoqueraient les activités du dehors, comme il faisait enfant pour les imaginer selon son propre désir et non dans leurs communes réalités.
— Est-il survenu quelque chose de fâcheux au château ?
La mine inquiète du père Grégoire le ramena à l’instant présent. Il fit non de la tête, puis d’une voix sourde :
— Il commençait à pleuvoir… Je suis venu me mettre à l’abri…
Leurs deux regards restèrent un moment retenus par une même expression d’amitié.
— Viens partager avec moi de la galette et quelques fruits… murmura le curé en lui tapotant l’épaule.
Et ce fut lui qui parla.
— Agir, mon fils, est le propre des êtres de caractère. L’action satisfait leur volonté de donner un sens à leur vie ; elle les protège aussi de l’angoisse qui prend l’homme qui, dans l’isolement du monde, s’interroge sur son devenir. Et tous ceux que la nature a doués d’énergie, de l’instant où le hasard les voue au repos, sont troublés par cette oisiveté qui prive leur esprit de conduire à bien leurs entreprises ; car du “comment ?” les voilà qui passent au “pourquoi ?”. Notre intelligence, Bertrand, s’accommode mieux de s’appliquer à construire que de chercher à comprendre les raisons qui nous ont poussés à œuvrer. D’autant qu’il nous faut passer de l’orgueil à l’humilité… Tant que la nécessité d’accomplir une tâche, quelle qu’elle soit, nous tient en haleine, nous voilà satisfaits de nos capacités à la bien achever, mais de l’instant où le désœuvrement nous laisse à l’opportunité de juger de son bien-fondé, mille scrupules nous viennent tourmenter, et nous nous sentons bien incapables de comprendre ce qui préside aux initiatives humaines. Qu’est venu faire l’homme sur cette terre ? Aucun de nous ne peut répondre à cette question ! Pourquoi s’ingénie-t-il à toujours vouloir modifier l’ordre naturel dans lequel il a été conçu ? Pourquoi n’accepte-t-il pas son destin à l’exemple de tout ce qui vit dans la nature ? Parce qu’il pense ? Y a-t-il gagné plus de bonheur ? Toi qui as vu tant de misères, Bertrand, crois-tu qu’on puisse se fier à son bon sens ? Non ! C’est donc qu’il pense mal… Alors, pourquoi s’obstiner à réfléchir… ? Continue d’œuvrer mon fils ; nous n’avons pas de bonnes réponses aux questions que nous nous posons quand nous cessons d’agir.
Et il resservit un gobelet de clairet à Bertrand.
— Nous devrions pouvoir améliorer la qualité de ce vin… dit Bertrand.
— C’est ce que nous promet notre ami Clément avec les nouvelles vignes qu’il a fait planter sur un coteau exposé au soleil. Seulement, il nous faudra attendre quelque temps… Tu en bois du bien meilleur en Bourgogne…
— En Bourgogne et partout ailleurs… Cette piquette est une spécialité de notre pays…
— C’est que sur ce plateau, nous vivons dans l’isolement… Ce n’est point mauvais pour notre sécurité, mais c’est dommageable à notre culture ! J’entends à celle de notre esprit comme à celle de notre terre. Nous restons des ignorants ! Clément l’a bien compris qui veut s’inspirer de ce qu’il voit faire ailleurs. Je l’y encourage, il faut l’aider. Si Dieu permet de faire du bon vin, pourquoi nous priverions-nous de cette grâce ?
— Nos paysans progressent, peu à peu…
— Non ! De ce que je sais de l’histoire des hommes, nous avons connu des temps plus prospères ! Ici peut-être pas, mais dans d’autres endroits. Le malheur des pauvres êtres que nous sommes, est d’être oublieux ; au lieu de glorifier nos acquis, nous les détruisons, et chaque génération doit refaire le terrain perdu.
— Nous progressons père Grégoire, à petits pas sans doute, mais nous progressons, c’est cela qui est important. Si beaucoup d’hommes s’acharnent à détruire, d’autres rebâtissent sans cesse, et de mieux en mieux. J’en veux pour preuve ces belles cathédrales que nos pères ont élevées à la gloire de Dieu ; et je pourrais vous parler de nos médecins qui, jour après jour, découvrent un nouveau secret ! Qui les vertus d’une plante, qui la fonction de tel organe… Demain, nous saurons guérir ce que je suis impuissant à soulager aujourd’hui. Mais vous avez raison, père Grégoire, rien ne sert de raisonner dans son coin, il faut vivre et lutter au milieu des hommes. Je ne supporte pas l’enfermement… peut-être est-ce la raison qui m’a fait refuser d’être moine…
— Nous sommes frères en cela Bertrand ! Combien de fois, dans mes années d’études, ai-je prié Dieu pour que les jours soient plus brefs et que je sois enfin ordonné ! Dieu m’a sans doute entendu, mais il a tardé à m’exaucer, car ce n’est qu’à présent que les jours me paraissent se succéder plus rapidement…
Lorsque Bertrand sortit de l’église, le vent était tombé et le ciel s’était éclairci… Tout au moins le vit-il ainsi. Le père Grégoire, qui l’avait accompagné jusqu’au dehors, lui dit en guise d’au revoir :
— Non seulement les hommes aiment à s’affronter, mais ils n’hésitent pas à lutter contre eux-mêmes… C’est en cela que leurs pensées sont pernicieuses… À tantôt…
En revenant au château, Bertrand décida de faire un petit voyage à Toulouse. Puisque aucun chevaucheur ne venait à Prégnac, c’est lui qui irait quérir des nouvelles. Cette résolution finit de le libérer de son angoisse. Constance approuva cette initiative ; elle voyait bien que son époux se morfondait, qu’il n’était point fait pour vivre à petit train, et que le temps n’était pas encore venu où la défaillance d’énergie le retiendrait à son côté ; elle l’encouragea donc de reprendre ses cheminements et de parfaire ses connaissances.
— Après Toulouse, tu devrais emmener ce bon Clément jusqu’à Montpellier. C’est un pèlerinage dont il rêve sans oser t’en parler. Ne le fais pas rien que pour lui, mais prie-le de t’accompagner… Ici, l’hiver est monotone et l’absence de Clément obligera notre sire à reprendre un peu de son autorité. Je crois que ce n’est pas sans dépit qu’il s’isole et se dit plus fatigué qu’il n’est.
— Tu as raison, je partirai demain à Toulouse et, dès mon retour, je proposerai à Clément de me libérer de l’ennui de me rendre seul dans cette ville où nous avons tant de souvenirs communs.
 
Bien qu’il se fût promis de ne point évoquer les images du passé, les souvenirs qu’il gardait de Villemur étaient trop vivants dans son cœur pour qu’il s’abstint d’y faire étape. Dès qu’il prit le chemin qui menait de la grand-route au monastère, une foule de détails lui revint en mémoire ; il lui sembla revivre des instants privilégiés, et particulièrement celui où, pour la premi

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