Nous ne faisions qu un
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Description

Qui ne connaît aujourd’hui le nom de Thomas Cromwell, depuis l’excellente série de la BBC deux fois diffusée par Arte, adaptée des romans à succès d’Hillary Mantel ? Jean Lemaire de Belges, par contre, qui vécut à la même époque demeure encore un inconnu. Tous deux, oubliés durant plus de trois siècles, sans doute pour avoir discrètement mais farouchement soutenu la Réforme, jouèrent pourtant dans la première moitié du XVIe siècle, un rôle capital dans la pensée et la destinée de l’Europe que l’on commence tout juste à leur reconnaître. De larges zones d’ombre recouvrent la jeunesse de l’un comme de l’autre. On s’étonne que le premier, modeste fils de forgeron, simple soldat en Italie, sans fortune ni éducation, surgissant de nulle part, pût devenir avocat, banquier et premier ministre tout puissant d’Henri VIII, exactement quand le second, poète et chroniqueur historiographe dans diverses cours d’Europe, rompu à la finance et à la politique disparaît sans laisser de trace. Or ces deux figures singulières, aux tempéraments et caractères si semblables, qui partagent les mêmes idées, les mêmes valeurs réformistes, le même idéalisme forcené, les mêmes craintes, le même goût du secret et qui excellent en tout, on les retrouve partout aux mêmes moments et dans les mêmes lieux, de l’Italie aux Pays-Bas. Leurs personnalités s’emboîtent et se complètent si parfaitement que l’on finit par se demander : et si ces deux hommes n’en faisaient qu’un ? Mieux qu’à travers une froide enquête, c’est en écoutant la parole et en fouillant l’âme de celui qui seul est sensé connaître la vérité que ce livre se propose d’apporter une réponse cohérente à cette question.

Informations

Publié par
Date de parution 22 septembre 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312054704
Langue Français

Extrait

Nous ne faisions qu’un
Marie - Pierre Molle Amodru
Nous ne faisions qu’un
Roman biographique
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2017
ISBN : 978-2-312-05470-4
Lettre à mon fils Grégory
Mon cher fils
Un jour, viendra l’heure de rendre mon âme à Dieu. Mais comme les conditions et le moment de notre mort constituent le plus grand mystère de notre vie, je tiens pour essentiel, par amour pour toi, de te révéler, pendant qu’il est temps encore, les tourments qui depuis trop longtemps assiègent mon esprit et mortifient mon âme, lesquels ont pour origine certains mensonges ou dissimulations qui couvrent une grande partie de ma vie,
Au moment donc où tu liras ces mots, je ne serai plus, mais je veux que tu saches ce que personne d’autre que moi ne sait à ce jour, qui est que ton père n’était point seulement l’homme que tu as connu. Avant Thomas Crumwell a vécu quelqu’un d’autre, connu dans plusieurs pays d’Europe , surtout dans les Pays d’En - Bas et en France où j’ai longtemps séjourné, comme un poète et un chroniqueur de renommée. Il se nommait Jean Lemaire , et voulut se distinguer de tant du même nom en signant ses œuvres Jean Lemaire de Belges .
Joint à ce manuscrit, tu en trouveras un premier intitulé « Pour ne rien oublier », qu’il conviendrait de lire d’abord, achevé à Beaune en France alors que je croyais mourir, où, je relate ma première vie de façon détaillée. Les circonstances qui ont contraint nombre de nos coreligionnaires à se protéger ont séparé Lemaire et Crumwell, mais ils demeurent liés pour l’éternité par l’histoire que j’e m’empresse de reconstituer ici et que je continuerai de retranscrire aussi longtemps qu’il me sera possible pour les raisons que j’expose à la suite.
Veuille premièrement ton grand cœur me pardonner ce qui t’apparaîtra sans doute comme une vile lâcheté, un douloureux manque de confiance, et ne voir dans le trop long silence auquel je me trouvai forcé de céder, poussé par les hasards de la destinée , que le souci de préserver ma vie, puis celle de mon épouse et de mes enfants, et la crainte ensuite d’affronter ton clair regard et le reproche de vous avoir, toi, ta mère et tes sœurs aussi lamentablement écartés de la vérité. Cette vérité, je la leur devais à elles aussi. Hélas je ne savais point que toutes trois nous abandonneraient si vite. Mon souhait à présent est qu’à ton tour, pour ta tranquillité et celle des tiens, de même que je l’ai fait, toi seul, mon unique fils de sang que j’aime plus que tout, restes le dépositaire de ces révélations jusqu’à leur transmission à ta postérité, Toutefois , c’est à toi que revient finalement la décision de faire connaître, ou non, de moi ce que bon te semblera,
J’ajoute, pour être totalement honnête, que trois autres raisons ont présidé à ces révélations.
La première, d’ordre religieux, est mon désir de chrétien d’être en conformité avec le Seigneur que j’aurai à affronter. Combien de fois, croyant la mort venue, ai-je regretté la souffrance que je Lui infligeais par mes péchés, redouté Sa colère et imploré Son pardon ! Il est temps maintenant de Lui remettre ma déclaration à jour, une vraie confession, sincère, intime et directe qui ne nécessite en vérité aucun témoin et pourrait se contenter d’être muette.
La deuxième raison, d’ordre sentimental, concerne ma personne publique et le remords, qui m’obsède, d’avoir un jour craint pour ma vie et décidé de disparaître, laissant croire à des parents et amis qui m’étaient chers que j’avais été emporté par la maladie, ou pis encore par la folie et à quelque rancœur qui m’aurait anéanti, suite à de cruels rejets. Je ne nierai point que le fait d’avoir été brusquement un jour écarté des cercles du pouvoir, d’être réduit à l’inutilité et à l’inaction telle que je l’entends, a bafoué mon honneur et meurtri ma conscience. Mais enfin c’était mal me connaître de penser que je n’aie pu me relever de pareilles déconvenues inhérentes à toute haute fonction. Avouer aujourd’hui la vérité, à ces gens qui, je le crains, n’auront jamais le loisir de la connaître peut paraître bien vain, mais curieusement, cela m’apaise et me fait du bien,
La troisième raison, plus profonde et obscure, a trait à l’orgueil qui est le mien de n’être point reconnu devant l’éternité, ne serait-ce que par un seul être, pour ce que je suis vraiment, dans ma globalité. Il m’est insupportable que celui qui m’a valu ma première notoriété se fonde dans une nuit sale et sans éclat, que son existence connue s’achève dans ce que je considère comme une déchéance, puisque cela n’est point. Mais il me déplaît aussi que le nouveau personnage que je suis devenu, celui qui contribua ou fut à l’origine de grands bouleversements politiques et religieux durant son éphémère passage sur cette terre, demeure un mystère au moins aux yeux de son fils, sur une partie si essentielle de sa vie.
Voici donc Janus aux deux visages, celui qui, désireux de « faire » plus que de briller, s’éleva modestement parmi quelques autres, soumis aux caprices de la destinée, au rang des personnalités influentes qui, dans l’ombre, ont contribué à celle de l’Europe. Celui qui d’abord, sur le plan littéraire, exalta son Histoire et s’inscrivit dans une pensée nouvelle, favorisant la diffusion du savoir dans la langue de ses peuples et servit ainsi l’art de l’écriture en langue française. Puis celui qui, sur le plan idéologique, politique et religieux ensuite, et alors qu’on le donnait pour mort, finit par orienter à sa manière, presque malgré lui, mais aussi par la force de sa volonté, par son action et surtout par la faiblesse de son maître le roi d’Angleterre, une partie de l’avenir de cette Europe. Si par deux fois, le nom que je portais alors a pu se hisser au sommet de la renommée, nul n’a jamais su que derrière ces deux noms se cachait, en réalité, une seule et même personne.
Adieu mon fils
Thomas Crumwell alias Jean Lemaire de Belges
Londres, le 14 janvier 1540
P REMIÈRE PARTIE
1473-1512. Jean Lemaire de Belges
Premières années
Que retiendra-t-on de moi au-delà de ma vie d’homme ? D’un côté peut-être mon action, si toutefois elle mérite d’être portée à la connaissance du monde. De l’autre ce qu’il restera de mon œuvre – dont une partie sans doute sera jetée aux orties – et si l’on daigne qu’après moi elle trouve encore grâce aux yeux des lecteurs. Ma correspondance, au moins, attestera que « j’ai existé ». Mais qui reconnaîtra-t-on derrière ce « je » et quelle « existence » m’accordera-t-on ?
Moi -même je n’ai jamais cherché à me dévoiler. En tant que Jean Lemaire , jadis, dans les Pays d’En - Bas , j’ai toujours entretenu le flou sur mes origines et sur mon enfance. En dehors de mon parrain Jean Molinet , à qui je dois tant, j’ai très peu parlé de ma famille. Tout au plus ai-je évoqué mon frère au moment de sa mort et mes deux neveux dont je pris la charge. Puis la mort de ma mère. Mais de mon père, je n’ai jamais soufflé mot. Au point que d’aucuns, interprétant mon parcours, en déduiront sans doute que je n’en avais point ou que j’étais orphelin. Ensuite en tant que Thomas Crumwell , en Angleterre , pays de naissance de celui qui ne retrouva sa famille qu’après une longue absence, j’ai agi de même, ne laissant traîner derrière moi que quelques paroles ambiguës sur ma jeunesse, destinées à soutenir une légende, nécessaire à la justification de ma place à la cour de ce royaume, et suffisante à satisfaire les bavards et les jaloux.
Mais comme je les comprends ! Comment ne point s’étonner, que ce Crumwell , un simple fils de forgeron, assumé comme tel, fruste, battu et négligé au point de s’engager en Italie pour fuir un père ivrogne et violent, qu’un pauvre soldat de la piétaille, sans éducation et sans le sou, pût s’attirer la bienveillance d’un banquier, s’initier en un éclair aux affaires et au droit, réussir dans le commerce, accéder au Parlement de son pays et devenir le Conseiller favori d’un aussi puissant roi que le nôtre, dont le nom, j’en suis persuadé, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, marquera la grande Histoire ?
Nul ne connaît mes origines exactes, ni la date et le lieu de ma naissance, ni ma véritable enfance, ni l’intégralité de mon parcours, le long et patient apprentissage d’abord au milieu d’artistes et de hauts dignitaires : à Valenciennes , dans les Pays d’En - Bas , en Bourgogne , en France et en Italie , qui m’a permis d’accéder à la culture et à la renommée, de devenir un poète, chroniqueur et historiographe reconnu, d’approcher ce que l’on appelle « le pouvoir », d

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