SEL
290 pages
Français

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Description

Un roman de terroir aux fausses allures d'une chronique quotidienne autour de la sorcellerie en Berry au XIXe siècle. Dans son style littéraire, l'auteur nous plonge là où de lourds secrets se cachent de génération en génération jusqu'aux rebondissements les plus surprenants. Sel et prières les protégeront-ils du mal qui rôde ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 24 août 2017
Nombre de lectures 1
EAN13 9782414114504
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0075€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composé par Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-414-11448-1

© Edilivre, 2017
Sel
 

 
 
Ce jour-là il comprit vraiment ce qu’étaient la peur et l’angoisse. Très tôt le matin, Jules sarclait ses vignes. Une vilaine odeur de chair calcinée mêlée à celle de sarments brûlés empestait le bord de la colline qui surplombait.
Les gens du village étaient bien intrigués par la fumée qui montait au loin et chacun demeurait sur le pas de sa porte, à s’interroger… « Bah c’est quéque paysan qui fait brûler des herbes et des saloperies ». C’est ce qu’ils avaient pensé.
Ils étaient rentrés vaquer à leurs occupations sans y attacher d’importance.
Le Jules s’était approché du tas de braises. Avec peine il avait distingué les restes d’un corps. Un long silence souligna sa découverte. Il demeura pétrifié. Le cadavre était celui d’un enfant. Il n’avait pas voulu le voir.
Quelques arbustes noirs de fumée se penchaient sur le cadavre tels des témoins fantômes. La tête était légèrement tournée. Les yeux exorbités avaient par miracle, échappé aux flammes. Le regard figé dans la masse n’appelait aucun secours. Les cendres par hasard se soulevaient tel le souffle d’un secret et dans le vent, rendaient un hommage tendre. Une atmosphère diabolique faisait froid dans le dos.
Jules ne bougeait plus. La peur le scellait au sol. L’ensemble macabre plafonné par un ciel gris acier n’augurait rien de bon. La matrice sacrificielle du drame lui apparaissait évidente.
L’homme était tendu. Sur la défensive. Lèvres serrées. Souffle coupé. Il croyait entendre… quoi ?… La terreur l’emportait.
« Pourquoi mais pourquoi ? » prononça-t-il enfin dans un murmure ? Et cette question banale renforça sa certitude… celle de la manipulation du « Mal » venue de l’intérieur de quelque être diabolique. Le fruit d’un de ces pactes calqués sur ceux du Moyen-âge.
« Un de plus » c’est ce qu’il pensa, car au village et ailleurs, on passait ainsi d’un accroc à l’autre dans la ligne du temps.
Jules fit un long signe de croix tel un rituel superstitieux face au déjà vu. Puis les mots d’une prière émergèrent spontanément dans le silence de mort. Il parcourut le carré de prairie la tête penchée tel le policier à la recherche d’indices. De plus en plus inquiet, il fit demi-tour pour retourner chez lui, mais s’arrêta surpris par l’effet d’un frôlement dans son dos. Quelqu’un se faufilait dans l’ombre d’un rideau de tétaux tel un écran devant l’horreur. Il ne put identifier le personnage. Il avait filé à la façon d’un invité se présentant trop tard à une réunion. Pas de parade pour l’être sacrifié.
L’ombre s’immobilisa quelques secondes. Allait-on l’occire lui aussi ?
Jules prit ses jambes à son cou pour ne s’arrêter qu’au café de la Véronique et il lui fallut un bon moment de calme avant de narrer l’événement.
L’attroupement qui s’était formé autour de lui se retrouva vite sur les lieux maudits mais l’enfant avait disparu. A sa place, une chouette desséchée clouée à une planche…
Jules qui avait suivi la meute n’en crut pas ses yeux « C’est l’diab en personne » entendit-on.
Les villageois s’étaient rapprochés les uns des autres, ça les rassurait. Le moment de stupeur passé, les langues allèrent bon train. Les esprits s’échauffaient. On brodait. Autour de tout. Autour de quelques-uns… D’aucuns murmuraient que le Jules avait peut-être bu ? Qu’il avait eu une hallucination ? L’acte cruel du sacrifice de l’enfant généra des fantasmes, des sous-entendus malveillants et des pensées tels des chardons.
 
 
Je n’en pouvais plus de toutes ces histoires de sorcellerie, de démons et autres qui jalonnaient nos jours dans le pays berrichon. La mère persistait dans sa fonction de guérisseuse considérée comme sorcellerie. On la regardait d’un sale œil. On la maltraitait, on nous maltraitait, si faibles dans l’adversité. Elle acceptait et j’étouffais. Je haïssais sa religion de l’amour et de la générosité aguicheuse de mauvais coups et qui se veut le bien du monde. Les rancœurs me brûlaient. Il était trop fort mon sentiment de l’étrangeté.
On la soupçonnait d’être derrière certains maux. Même le brave Fred incapable de s’attaquer à une mouche.
Des événements suspects s’étaient passés au château. Il m’est toujours apparu étrange et solitaire, justifiant son histoire obscure de maléfices. Il était impressionnant, engendrait les chimères les plus folles de l’imagination. Surtout certains soirs étoilés où la tour ressortait sombre telle une menace. Mais plus encore la tranquillité sans faille de l’ensemble. Le jour semblait ne jamais devoir revenir.
Je venais d’avoir dix-sept ans. La guerre de 1870 était bel et bien terminée. Je fuirais. Je fuirais ce pays.
Plusieurs mois s’écoulèrent, Karl passa pour nous rendre visite. Avec lui je rencontrais l’amour. Quelque temps après je fuyais en sa compagnie. Je fuyais à jamais. J’en étais persuadée.
* *       *
Mais me revoilà vingt ans après dans ce Berry sorcier, ce beau Berry aux terres généreuses qui transmettent sans souci leurs traditions vivantes. Il me manquait trop avec ses bosquets paraissant couver la mare qu’ils enserrent de leur coquille palpitante. Avec ses granges à récoltes à l’origine des hameaux qui les ont colonisées. Elles sont le fait des moines du Moyen-âge sur des terres leur appartenant.
Tout est calme en moi qui reviens là après l’absence, moi la gueuse pour tous, la fille maudite de la maudite sorcière du village. Au passage de cette dernière on faisait le signe de croix en murmurant par trois fois « J’te doute sorcière » pour chasser le mauvais sort. La haine qui me submergeait alors n’avait d’égale que la douleur de ma mère au vu de la mienne.
J’ai envie de rigoler très fort, petite parvenue dans le défi, confortablement installée dans sa calèche décapotée, cheveux et écharpe au vent à la façon d’Isadora la grande danseuse. Je n’en ai malheureusement pas le don. J’évite même de danser et fais contre mauvaise fortune bon cœur si les circonstances m’y obligent. Je suis trop marquée par les danses sabbatiques qui rassemblaient les sorciers pour des hurlements grotesques et effrayants et dont je fus témoin gamine, protégée par quelque taillis.
Mais à l’instant même, des étoiles dansent dans ma tête, dansent dans mon cœur jusqu’à me rapprocher avec bonheur de quelqu’un dont je me suis débarrassée, la gueuse du passé. Elle m’émeut tout comme cette mère que j’avais fuie.
Je vais la surprendre dans sa masure crasseuse et encombrée et je pourrai la serrer contre moi. J’y suis prête. Paur 1 femme qui ne fait que panser les plaies en tous genres alors que des esprits chagrins l’accusaient d’exercer la magie noire. Je l’ai enfin compris. Je lui en voulais. Elle était responsable du rejet. Elle était responsable de notre vie d’exclues, des méchancetés à notre endroit engendrées par la malveillance. On la disait démoniaque, à l’origine des maux et catastrophes alentour. Elle avait le « mauvais œil ». Je le croyais… alors qu’elle est humble et sans défense, à la merci de ce don qui la met à part.
Je l’ai haïe et j’ai traîné avec moi la honte comme un fardeau poisseux. Je reviens apaisée. Ma mère est dorénavant reconnue comme « guérisseuse ». On communique son adresse. On la couvre de mercis. La confiance est de mise. On l’invite même pour mariages et communions. Je suis au courant par notre vieil ami commun Eugène le chanvreur avec qui je corresponds depuis que ma mère m’a reniée pour lui avoir égoïstement tenu tête.
J’ai attaché cheval et calèche en bord de route et je suis rentrée dans l’hôtel. Sa façade témoigne du rang de l’ancien propriétaire, le descendant d’un comte de Berry. Il avait été assassiné une nuit à Bourges à la sortie d’un spectacle. Sans doute le fait d’un bandit de grand chemin avait-on dit. Mais le bruit avait couru qu’il fut certainement victime du mari d’une de ses nombreuses maîtresses dont il était gourmand.
L’affaire fut vite étouffée, l’hôtel particulier vendu aux enchères. Il passa de l’un à l’autre jusqu’à ce qu’il soit reconverti aujourd’hui en « Grand hôtel de la gare »
Le vestibule d’entrée est intime et accueillant malgré son exposition au nord. Les dalles en noir et blanc datent du dix-huitième siècle. Au mur de droite, une reproduction de Derain, l’un des derniers témoins de la grandeur d’autrefois. A gauche, un miroir immense dans un cadre doré finement ciselé et dont les nombreuses tâches attestent de son ancienneté. Des patères en bois s’assortissent au bois des marches de l’escalier, celui-ci agrémenté de rampes en cuivre où joue la lumière d’appliques en verre épais.
Personne ne semble me reconnaître avec mes cheveux platine, mon tour de taille étonnement réduit qui gomment la boulotte aux boucles sombres d’autrefois. Pas même la patronne, on dirait la Gertrude. Mais oui c’est elle, celle qui m’insultait dans la meute des galopins tout en me gratifiant les mollets de jets de pierres choisies. Son corps adipeux qui s’agite sur des pattes courtes lui donne la dégaine d’un canard boiteux.
« La chambre la plus confortable pour vous madame ; dame la seule dotée d’une salle de bains avec vue sur la prairie » avance-t-elle du ton sucré dû vraisemblablement à mes vêtements de marque et à mes chaussures dernier cri !
Des rideaux de taffetas bordeaux encadrant une fenêtre haute et étroite sont retenus par des cordons torsadés de couleur crème. Sur le lit, un édredon rouge en plumes rappelle ceux de la campagne. La tapisserie d’origine porte des sortes de médaillons dorés en relief. Un ancien lustre bardé de pendeloques ajoute un peu de lumière à un ensemble vieillot où je me sens dans mon élément.
– Mes bagages sont dans le fond de la calèche.
– Qu’à cela n

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