Un enfant dans le volcan
170 pages
Français

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Un enfant dans le volcan , livre ebook

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Description

Lorsque commence cette histoire en 1939, Denis est un petit garçon heureux. Deux événements vont bouleverser sa vie : l’arrachement de sa mère hospitalisée d’urgence en sanatorium pour tuberculose aiguë et le déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Privé de l’être adoré, il est submergé par la détresse alors que se déroule la pire tragédie que l’humanité ait connue. Quand en 1944 la pénicilline arrive en France avec le débarquement allié, sa mère dont l’existence ne tient plus qu’à un fil sera-t-elle sauvée à temps ? Et lui, enfant fragile, comment sortira-t-il de ce volcan ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 juillet 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782334083751
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0052€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
Copyright













Cet ouvrage a été composér Edilivre
175, boulevard Anatole France – 93200 Saint-Denis
Tél. : 01 41 62 14 40 – Fax : 01 41 62 14 50
Mail : client@edilivre.com
www.edilivre.com

Tous droits de reproduction, d'adaptation et de traduction,
intégrale ou partielle réservés pour tous pays.

ISBN numérique : 978-2-334-08373-7

© Edilivre, 2016
Citation


Je ne retomberai jamais en enfance : j’y suis toujours resté.
Tristan Bernard
Dédicace


À Denise
Mai 1939
Deux silhouettes blanches approchent avec précaution un brancard d’une ambulance en stationnement. Depuis un balcon situé juste au-dessus, Denis observe la scène. Sa mère est allongée sur le brancard et disparaît dans l’ambulance avec un léger signe de la main avant que les deux portes soient refermées doucement. Un drôle de klaxon s’éloigne.
Denis est un petit garçon heureux et candide. Il capte mais ne sait pas encore analyser une situation, surtout quand elle est exceptionnelle. Alors il enregistre en silence. Mais en cet instant quelque chose lui chuchote qu’une rupture vient de se produire, que l’existence de sa mère est en train de basculer en même temps que la sienne. Sans en connaître les mots, il pressent qu’il est devenu orphelin avant l’heure d’une mère encore vivante.
La maladie a surgi insidieusement, il y a plusieurs mois. D’abord par une toux de plus en plus fréquente, s’ajoutant à une fièvre non élucidée. Accompagnée du père de Denis qui s’inquiète encore plus car il est lui-même médecin, sa mère a consulté des spécialistes. Aucun, sauf le dernier, n’a prescrit une radio des poumons à une époque où l’imagerie médicale existe à peine.
Le résultat est sans appel. Il s’agit d’une tuberculose au dernier degré avec hospitalisation d’urgence dans un sanatorium en montagne. Il y a quelques minutes, les brancardiers étaient dans la chambre de sa mère. L’ambulance fonce vers les Pyrénées.
Jusque-là Denis a vécu dans une ambiance feutrée et paisible qui correspond à sa nature. Il est capable de jouer indifféremment à la poupée avec sa sœur aînée qui assure la mise en scène, ou bien aux petites autos, seul et en silence. Il aime par-dessus tout rêvasser à l’intérieur du monde de son choix.
Mais ce qu’il préfère dans la hiérarchie du plaisir, c’est se retrouver sur les genoux de sa mère, quel que soit le moment de la journée. Il l’embrasse tendrement en choisissant avec soin les endroits du visage et du cou qu’il affectionne. Un jour elle a répondu à l’une de ses innombrables questions en lui chuchotant avec un sourire qu’elle se parfume à Vol de nuit , hommage de Jacques Guerlain à son ami Antoine de Saint-Exupéry. Le titre mythique restera délicieusement dans sa mémoire.
Il se régale à observer par la fenêtre pendant des heures l’animation grouillante de l’usine Citroën. Elle est située sur le quai de Javel, près du pont Mirabeau, juste devant l’immeuble où il habite. Il admire chaque Traction Avant noire sortant de la chaîne de montage, dernier modèle révolutionnaire de la marque.
Il regarde avec fascination, réglé au millimètre, le ballet des camions entrant en marche arrière dans la cour de l’usine avec leur remorque remplie de pièces détachées à la forme bizarre. Ils repartent ensuite en avant, chargés de véhicules assemblés et rutilants, faisant exactement la même manœuvre en sens inverse.
Il est le seul à saisir la mystérieuse chorégraphie des lignes courbes et des lignes droites, des arrêts et des reprises, des coups de volant et des coups de frein dans un décor à la Cartier-Bresson. Et si la musique de ce spectacle géométrique n’est en réalité qu’un monotone grondement ponctué de klaxons puissants, elle chante dans sa tête comme un adagio de Mozart.
Il essaie surtout d’imaginer sans y parvenir son père à l’intérieur des bâtiments sinistres d’aspect, travaillant derrière l’une des dizaines de fenêtres alignées. Sa mère a beau lui expliquer qu’il a été nommé médecin dans cette usine, pour Denis un médecin c’est d’abord un monsieur installé dans un bel immeuble avec un beau bureau, recevant ses clients avec de belles manières après qu’ils ont attendu dans un beau salon avec de beaux meubles.
Le tableau n’a plus de sens pour lui s’il se situe dans un bâtiment gris avec des machines sales et des ouvriers mal habillés. Plus tard il apprendra que grâce au Front populaire, des progrès ont été accomplis et que la médecine sociale s’est enfin introduite dans les lieux de travail.
L’air du temps change en ce printemps 1939. Le père de Denis écoute plus souvent que d’habitude les informations sur le meuble de TSF, dernière attraction familiale qui trône dans l’appartement. Cela fait plusieurs fois que des discours interminables sont retransmis en direct avec une voix violente, rauque et hachée, interrompue par des ovations sans fin, le tout dans une langue étrangère à laquelle le petit garçon ne comprend rien.
Son père lui explique qu’il s’agit d’un méchant chef d’État nommé Hitler, qui enflamme l’Allemagne. À cause de lui la paix est menacée. C’est quoi, la paix ? S’il n’y avait plus la paix, ce serait quoi à la place ? La guerre ? C’est quoi, la guerre ? Son père lui dit que la dernière a été terrible, au point qu’on l’a surnommée la Grande Guerre .
Il lui dit aussi que ses millions de combattants étaient semblables aux soldats de plomb qui sont dans son coffre à jouets. Impressionné, Denis retourne dans sa chambre et se dirige vers la fenêtre ouverte, attiré par un bruit identique à ce qu’il vient d’entendre à la radio.
Ses oreilles perçoivent dans la rue exactement le même discours s’échappant d’autres fenêtres qui se font écho dans le quartier et se répercutent au loin dans tout Paris. Il éprouve la même angoisse que lorsque sa mère a quitté l’appartement sur un brancard.
À partir de ce jour ensoleillé, le restant de la famille est obligé de se réorganiser en catastrophe. Le désarroi est total. Il faut sans délai trouver quelqu’un pour remplacer l’absente qui était la femme au foyer, son âme discrète.
De plus le moment approche d’aller comme tous les ans dans une petite station thermale des Pyrénées, les Eaux-Bonnes au nom prédestiné, où le père de Denis est médecin de juin à septembre. La grand-mère de Denis est sollicitée par son fils de renoncer dans l’instant à sa vie de veuve solitaire pour rejoindre la famille amputée. Elle accepte sans hésiter.
Comme Denis lui est très attaché, il est un peu rassuré malgré son appréhension. Il se trouve que c’est une dame âgée particulièrement gentille, qu’elle n’a pas eu une existence heureuse et qu’elle vit seule depuis longtemps.
Ce sera elle la mère de secours.
Juin 1939
Aller aux Eaux-Bonnes pour plusieurs mois à cette époque où les voitures sont rares relève d’une expédition que Denis adore revivre tous les ans. Cela commence par un taxi de forme carrée, de couleur noire et rouge, de la compagnie G7. C’est le modèle qui a sa préférence car les bagages nécessaires au séjour s’empilent à côté du chauffeur, obligé par leur nombre de laisser ouverte la portière le long du capot.
Longeant les quais de la Seine pour les saluer une dernière fois comme dans une chanson de Charles Trenet, le bizarre véhicule ressemble plus à une camionnette de livraison qu’à une voiture particulière. Il dégage quelque chose d’irréel et de farfelu faisant penser à un tableau de Dufy.
Le relais est pris par le train qui part de la gare d’Orsay, impressionnante autant qu’impressionniste avec sa verrière et son immense horloge. Pour la première fois cette année, la locomotive sera électrique sans arrêt depuis Paris jusqu’à Bordeaux.
Pour aller l’admirer en tête de la longue rame, Denis donne la main à son père avant le départ. Ils longent au passage les voitures de tête qui sont des wagons Pullman de couleur bleu marine et crème avec un liseré doré. À travers chaque vitre, on distingue l’abat-jour d’une petite lampe désuète qui diffuse une lumière intime.
Imaginer que la masse immense aux roues démesurées ne crachera plus ni vapeur ni fumée fascine Denis. Penser que son énergie sera captée sans bruit par le seul contact avec un gros fil situé au-dessus d’elle relève pour lui de la magie.
Coiffé d’une casquette à la Gabin, le conducteur qui grimpe lentement dans la cabine pour prendre les commandes du monstre lui apparaît comme un seigneur des temps modernes, plus fascinant encore que les mythiques soldats de plomb laissés dans sa chambre.
Puis changement de train en gare de Bordeaux-Saint-Jean. Celui à destination de Pau est juste en face, sur le même quai et, à ce moment précis, survient un incident en forme de désastre. Mal fermée, une valise s’ouvre et déverse en vrac sur le sol son contenu, fait de linge de toilette et de table, de nappes, de napperons, de couverts et de ronds de serviette qui roulent sans fin. Tout ce qui constitue le nécessaire à la vie quotidienne aux Eaux-Bonnes est par terre, exposé aux regards.
Un bagage qui offre accidentellement son intimité à la curiosité des passants, c’est déjà ridicule et humiliant. Mais de l’argenterie de famille et du linge de maison répandus sur un quai de gare, cela relève du grotesque et même du pathétique. Des voyageurs s’arrêtent un instant en s’esclaffant tandis que la grand-mère, le père et la sœur de Denis sont accroupis et tentent précipitamment de réparer la catastrophe. Resté debout, immergé dans sa honte, Denis est en larmes.
Nouveau changement en gare de Pau, cette fois pour un tortillard composé de vieux wagons dont chaque compartiment possède sa propre portière. Au fur et à mesure que le train s’engage dans la vallée d’Ossau et prend de l’altitude, la température lourde et orageuse se rafraîchit.
Au bout de la voie, terminus à Laruns, d’où un autocar poussif emmène à flanc de montagne les voyageurs épuisés. Il achève lentement son trajet en faisant grincer des dizaines de fois sa boîte de vitesses. Encore une ultime côte et il atteint enfin les Eaux-Bonnes dans un nuage de fumée

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