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Description
Sujets
Informations
Publié par | Québec Amérique |
Date de parution | 26 avril 2013 |
Nombre de lectures | 0 |
EAN13 | 9782764424384 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Collection QA compact
De la même auteure
Adulte
Les Chemins d’Ève
Tome 4 – L’Heure des choix, roman, Libre Expression, 2006.
Tome 3 – La Fin des utopies, roman, Libre Expression, 2005.
Tome 2 – Les Chemins d’Ève, roman, Libre Expression, 2002.
Grand Prix du livre de la Montérégie 2003, catégorie Roman.
Tome 1 – Les Funambules d’un temps nouveau, roman,
Libre Expression, 2001.
Grand Prix du livre de la Montérégie 2002, catégorie Roman.
Un homme comme tant d’autres,
Tome 3 – Charles Manseau, roman, Libre Expression, 1994;
collection Zénith, Libre Expression, 2002.
Tome 2 – Monsieur Manseau, roman, Libre Expression, 1993;
collection Zénith, Libre Expression, 2002.
Tome 1 – Charles, roman, Libre Expression, 1992;
collection Zénith, Libre Expression, 2002.
La trilogie a mérité le Prix Germaine-Guévremont 1995,
volet Littérature, Gala des Arts du Bas-Richelieu.
Héritiers de l’éternité, essai, Libre Expression, 1998.
La Quête de Kurweena, conte philosophique, Libre Expression, 1997.
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Renaud, Bernadette
Un homme comme tant d’autres
(Collection QA compact)
Éd. originale: Montréal: Libre expression, 1992-1994.
Sommaire: t. 1. Charles -- t. 2. Monsieur Manseau -- t. 3. Charles
Manseau.
(v.3)
9782764424384
I. Titre. II. Titre: Charles. III. Titre: Monsieur Manseau. IV. Titre: Charles Manseau.
PS8585.E63H65 2009
C843’.54
C2009-940475-3
PS9585.E63H65 2009
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par-l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) pour nos activités d’édition.
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Dépôt légal: 2 e trimestre 2009 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada
Mise en pages: Sylvain Boucher Conception graphique: Isabelle Lépine Ilustration de couverture: Thérèse Fournier
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© 2009 Éditions Québec Amérique inc. www.quebec-amerique.com
Sommaire
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– Papa, protesta Léontine de sa voix chantante, laissez-vous aller un peu! Vous êtes raide comme un piquet!
La jeune fille de vingt ans éclata de rire devant la maladresse de son partenaire. De la cuisine, la mère les trouva ridicules et indécents. «Une affaire défendue par l’Église, en plus!»
– J’ai jamais dansé de ma vie! protesta Charles, mi-amusé, mi-bougon.
La benjamine remit le disque au début et le tango Jalousie emplit le salon de sa mélodie langoureuse. Léontine enlaça son père et l’entraîna dans un rythme complexe, alternant quelques longues enjambées rapides avec des pas lents et courts, virevoltant sur elle-même. L’homme, qui n’y comprenait rien, s’esquiva presque à regret des bras enjôleurs de la plus jeune de ses filles. L’abandonnant en riant, Léontine continua à danser toute seule, chantonnant l’air à la mode, tournoyant, évitant soigneusement les meubles qui gênaient ses mouvements.
La cadette des neuf enfants Manseau était svelte, un peu plus grande que certains de ses frères et sœurs. Sans doute sa taille fine, ses membres déliés et sa démarche souple, presque féline, contribuaient-ils à donner instantanément cette impression qu’elle aimait la vie, qu’elle y mordait à belles dents, qu’elle était née pour être heureuse.
Mais elle dégageait plus que cela. Quand son regard attentif se posait sur quelqu’un, elle semblait voir jusqu’au fond de l’âme. Ce regard scrutateur, elle le tenait de son père, Charles Manseau. De sa mère, Imelda Lachapelle, elle avait hérité l’acceptation toute simple des autres, tels qu’ils étaient. En tournoyant, elle regardait son père avec une sorte d’insouciance et de confiance indéfectible en la vie, qui ne l’avait que comblée depuis sa naissance.
En ce jour de mai 1938, Léontine portait une robe rouge à petits pois blancs ajustée à la taille et dont la jupe s’évasait, donnant aux gestes tantôt vifs, tantôt alanguis du tango une grâce sensuelle. Un cardigan blanc couvrait ses épaules au galbe arrondi, faites pour être admirées nues. Le vêtement était ouvert, non boutonné, et le lainage délicat épousait les mouvements de Léontine, comme s’il avait été dessiné pour elle.
Charles retourna s’asseoir dans la berçante en attendant que le repas de midi soit servi. À soixante-cinq ans, il avait le front toujours aussi carré, mais ses cheveux, maintenant poivre et sel, étaient moins abondants que dans sa jeunesse. Son dos était moins droit, mais sa carrure et son pas décidé suggéraient encore la solidité, même s’il n’était pas vraiment grand. Ce qui n’avait pas changé, c’était sa propension à jauger tout un chacun d’un coup d’œil plutôt que de s’exprimer en paroles.
L’homme contemplait sa fille avec une tendresse évidente. Un souvenir diffus surgit dans sa pensée. Le curé avait un jour cité en chaire les paroles que Dieu le Père aurait fait entendre à propos de Jésus-Christ. Le tiède paroissien dut faire un effort de mémoire; celle-ci lui était moins fidèle qu’autrefois et les textes bibliques n’avaient jamais accaparé son esprit. Il retrouva néanmoins la citation: «Voici mon fils bien-aimé, en qui j’ai mis toute ma complaisance.» Complaisance. Ce mot pompeux l’avait irrité, enfant; cela ne rimait à rien pour lui. Aujourd’hui, il l’appliquait à sa fille et il y adhérait sans condition: «... en qui j’ai mis toute ma complaisance! »
Un sourire erra sur ses lèvres. Oui, c’était bien ce qu’il ressentait, avec délectation, pour sa fille. Il avait la certitude profonde que Léontine réussirait tout, qu’elle le vengerait en quelque sorte, par ses réussites, de tous les coups durs que la vie lui avait assenés si cruellement. À travers sa fille, il effaçait, il annihilait ses échecs, ses erreurs, ses souffrances. Sa joie, son bonheur à elle le réconciliait avec l’existence. Il se sentait comblé par procuration. «Elle, au moins, elle va se faire une vie à son goût. »
Les pas de Léontine, dansants, fugaces comme sa démarche, la conduisirent à la grande table de la cuisine, qui ne servait plus maintenant qu’à eux trois mais qui, autrefois, y avait vu rassemblés les neuf enfants Manseau : Victor, Henri et Marie-Louise, nés d’un premier mariage avec Mathilde Gingras, emportée par une hémorragie lors de son troisième accouchement, ainsi que Wilfrid, Gemma, Antoinette, Lucien, Blandine et Léontine, nés du remariage de Charles Manseau avec Imelda Lachapelle.
Léontine était née au printemps 1918, alors que Victor et Henri, conscrits, étaient entraînés dans un camp de l’armée canadienne. Les deux frères étaient ensuite partis combattre dans la guerre qui sévissait en Europe depuis 1914. Mais ils n’étaient finalement jamais parvenus au front, la guerre ayant pris fin pendant leur traversée de l’Atlantique en bateau. Dans le cœur de son père, la petite dernière occupait la première place ouvertement, mais elle s’en apercevait à peine dans l’inconscience de sa jeunesse. La deuxième place, Charles la réservait toujours à sa scierie, qui assurait sa sécurité financière mais lui servait aussi d’alibi pour ne pas consacrer de temps à sa famille et encore moins à lui-même. La troisième place réunissait de façon éparse et mal définie sa seconde épouse et ses autres enfants. Charles ne se reprochait rien: tous les autres étant sur un pied d’égalité, ce partage était donc équitable à ses yeux. Que la place qui leur était impartie fût dérisoire à côté de celle accordée